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GEORGE FLOYD : l’Afrique a-t-elle raison de s’indigner

A l’instar de la planète entière, l’Afrique elle aussi sort progressivement de son mutisme pour faire part publiquement de son indignation à la suite de la mort par étouffement, le 25 mai 2020, de George Floyd, aux Etats-Unis. Sportifs de renom, militants des droits humains et même l’Union africaine marquent leur solidarité à l’endroit des Afro-américains et plus globalement, dénoncent la persistance du racisme dans la première grande puissance du monde. Au nom du Forum des anciens chefs d’Etat et de gouvernements d’Afrique, l’ancien président béninois, Nicéphore Soglo a même invité le lundi, « tous les gouvernements du continent africain pour élever une vive protestation contre l’ignoble mise à mort de George Floyd que les auteurs de ce crime soient punis avec la dernière rigueur ». Bien sûr, ces réactions relèvent davantage du symbole, tant elles ne risquent pas de changer en quoi que ce soit le sort des Afro-américains. Mais en Afrique, certains vont jusqu’à s’interroger sur la pertinence même pour le continent de se préoccuper d’un drame qui se passe de l’autre côté de la rive atlantique. Cela ne revient-il pas à vouloir balayer la devanture de l’autre, alors que votre demeure est elle-même jonchée de détritus, se demandent en effet certains observateurs ? Bref, l’Afrique a-t-elle raison de s’indigner ?

La peau, la même galère

Outre le fait de partager la couleur de la peau avec les Afro-américains dont la discrimination est au cœur de la crise née de la mort de George Floyd, les Africains ont deux autres raisons de se sentir concernés par ce qui prévaut actuellement aux Etats-Unis. D’abord, sous d’autres cieux et parce qu’ils sont noirs, eux aussi subissent la condescendance et le mépris. Cela est particulièrement manifeste dans le monde sportif où ces dernières années de nombreux joueurs africains ou d’origine africaine évoluant notamment dans les meilleurs clubs européens ont goûté au fruit amer du racisme sous forme de chants, d’insultes, de cris de singe ou encore de jets de banane. On se rappelle à propos des insultes racistes que des supporters lombards avaient proférées un soir du 26 décembre 2010 au défenseur sénégalais Kalidou Koulibaly, dans l’enceinte du stade San Siro de Milan. Totalement insensible, l’arbitre du match Inter-Naples n’avait pas bronché. Ou plutôt, quand Kalidou avait ironiquement applaudi son indifférence, il lui avait décerné un second carton jaune synonyme d’expulsion. Certes, dans ce cas-ci, il ne s’agissait pas de meurtre. Mais c’est tout comme. C’est la même antipathie à l’endroit de la peau noire. C’est le même dédain. Et c’est cette conception rabaissante qui a enfanté tous les autres fléaux à relents discriminatoires dont se plaignent tous les noirs sur tous les continents.

Le pont de la diaspora

L’autre lien qui incline l’Afrique à éprouver de la solidarité vis-à-vis du combat que mènent les Afro-américains, passe par la diaspora africaine. Une diaspora qui sert donc de pont entre l’Afrique et sa descendance lointaine qu’est la communauté des Afro-américains. Or, le lien entre le continent et sa diaspora est particulièrement marqué. C’est ainsi que l’hécatombe que laisse la pandémie du nouveau coronavirus aux Etats-Unis a au passage éploré des familles africaines. C’est le cas notamment de la Guinée dont de nombreux ressortissants vivant dans le pays de l’Oncle Sam ont été emportés par la méchante pandémie. Il s’y ajoute qu’il est désormais établi que la diaspora africaine ne joue pas qu’un rôle symbolique dans le développement socioéconomique du continent noir. L’Afrique n’ayant pratiquement pas de politique de protection sociale, dans de nombreux cas, c’est à la diaspora qu’il revient de répondre aux situations d’urgence. Ce qui en fait un maillon essentiel de la lutte contre la pauvreté sur le continent. D’ailleurs, avec quelques 49 milliards de dollars, les envois de fonds des diasporas vers les pays d’Afrique sub-saharienne avaient été classés première source de financement extérieur de l’Afrique en 2019. Ceci expliquant cela, il est dès lors compréhensible que les Africains ne soient pas indifférents aux menaces dont se plaignent les Afro-américains.

La question demeure

Pour autant, notre question de départ n’est pas dénuée de fondement. En effet, comment expliquer notamment que l’Union africaine se préoccupe du sort réservé aux Noirs des Etats-Unis, alors qu’elle ne le fait pas toujours suffisamment pour de nombreux Africains que l’on tue ou que l’on persécute sur le continent même ? Du reste, depuis des années, des massacres sont perpétrés contre des citoyens dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Mais on n’aura pas entendu la même Union africaine ou d’autres instances du continent. Il en est de même de la situation dans les deux régions anglophones du Cameroun, des violences intercommunautaires au Mali ou encore de la crise politique en Guinée. Dans ces pays et dans d’autres encore, des citoyens sont tués, emprisonnés et torturés, sans qu’aucune institution ne veuille lever le moindre doigt. L’ironie est telle que quand c’est sur le continent, c’est aux autres de s’indigner, de condamner et de déplorer. Nous autres, citoyens et institutions confondus, nous regardons ailleurs. Mais quand c’est loin là-bas aux Etats-Unis, et surtout si les grands médias en parlent abondamment, nous sommes saisis d’effroi, notre conscience se réveille subitement et notre sensibilité d’être humain se manifeste tout à coup. Il faut avouer que cette attitude frise l’hypocrisie.

Boubacar Sanso BARRY

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