Pour le président français, l’Algérie n’est pas nécessairement un pays inconnu. En effet, Macron s’y était rendu en tant que ministre de l’économie et en février dernier, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle française. Cependant, le déplacement qu’il y effectue ce mercredi s’inscrit dans un autre registre. Placée dans la catégorie des « visites de travail et d’amitié » et non « d’Etat », l’escale algéroise d’Emmanuel Macron ne devrait pas, à la différence du voyage de février, accorder de la place à la question mémorielle, très chère aux Algériens, mais désormais délicate pour le président français. L’économie et la sécurité devraient se tailler la part du lion, pour booster les relations bilatérales entre les deux pays.
pas de tribune
Dans l’entourage du président français, on s’efforce de convaincre que la visite d’Emmanuel Macron en Algérie, ce mercredi, s’inscrit dans le prolongement de la tournée africaine qu’il a commencée la semaine dernière par Ouagadougou. Il s’agirait donc d’une visite née du besoin de vulgariser la nouvelle vision que la France a du continent africain. Encore que le programme ne laisse pas assez de place à l’exposition de cette vision. Il est surtout prévu des entretiens avec les membres du gouvernement et avec le premier ministre algérien en particulier. Le président français devrait également se rendre dans la résidence médicalisée d’Abdelaziz Bouteflika, pour s’enquérir de son état de santé. Devant reprendre l’avion dans la soirée pour le Qatar, Emmanuel Macron ne s’est donc pas aménagé une tribune comme ce fut le cas avec son discours de Ouagadougou.
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le président devenu « sage »
Du coup, il n’aura certainement pas l’occasion de relancer le débat sur la question mémorielle. Encore qu’on sait pratiquement ce qu’il en aurait dit si l’occasion lui était donnée. En gros, il ne répétera plus que la colonisation est un « crime contre l’humanité » et une « vraie barbarie» qui nécessite de la France des excuses à l’égard des peuples qu’elle a soumis. Cette vision qu’il avait en tant que candidat, il a appris à la « polir » au point que désormais le colonialisme passe pour une période avec des aspects positifs et négatifs. Quant à la repentance, le concept est littéralement gommé du vocabulaire du président Macron. L’enthousiasme du candidat a cédé la place à la sagesse du président.
realpolitik
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Depuis qu’il est président, Emmanuel Macron est obligé de composer avec la realpolitik. Et dans le cas de l’Algérie, cela revient à admettre qu’il s’agit d’une puissance économique qui compte et d’un acteur incontournable pour la résolution de la crise sécuritaire et migratoire à laquelle le Sahel est confronté. Ainsi, au gré des entretiens qu’il aura avec les responsables algériens, le président français s’évertuera du mieux qu’il peut à défendre l’intérêt des entreprises françaises, en quête de marchés. L’idée étant de reprendre la place de premier fournisseur du pays, ravie depuis peu par la Chine. Ensuite, la France en tant que parrain et promoteur principal de la troupe conjointe du G5 Sahel, se doit de construire un partenariat solide avec la puissance régionale qu’est l’Algérie. Cette dernière étant souvent soupçonnée de connivence avec certains groupes terroristes, son accompagnement ou tout au moins son quitus, parait nécessaire. Sans oublier que la collaboration des autorités algériennes peut se révéler déterminante dans le cadre de la gestion de la crise migratoire aux larges de la Libye. En effet, la quasi-totalité des migrants qui s’entassent aujourd’hui en Libye et dont certains font objet de trafic de la part des groupes criminels, sont passés par l’Algérie. D’où, là également, la nécessité de parler avec le pays de Bouteflika.
Boubacar Sanso Barry