En matière de déchéance et de décrépitude, la République démocratique du Congo (RDC) de Joseph Kabila est en train de battre tous les records. En proie à une crise politique résultant du refus du chef de l’Etat de quitter le pouvoir, le pays s’enfonce par ailleurs inexorablement dans l’insécurité. C’est ainsi que pendant une bonne partie de l’année, il était surtout question des massacres dans le Kasaï. Et c’est alors qu’aucune lumière n’est encore faite sur les horreurs perpétrées dans cette région que des violences tout aussi inouïes nous sont rapportées de la région de Beni, dans l’est du pays. Et cette fois, les assaillants ne s’en sont pas pris aux innocentes populations. La Mission onusienne de la Monusco était explicitement ciblée. Conséquence ? Quinze casques bleus tanzaniens y ont péri, trois autres sont portés-disparus, sans oublier la cinquantaine de blessés. Ce qui en fait la pire tragédie à laquelle le personnel des Nations unies ait été confronté ces dernières années. D’où le besoin pressant de savoir qui en est responsable. Un défi titanesque, vu le flou qui entoure cette attaque et les indices contradictoires qui commencent à émerger.
Les ADF ?
Tout naturellement, c’est vers la rébellion ougandaise des ADF que se dirigent les premiers soupçons. D’obédience islamiste et auteure de nombreuses attaques enregistrées dans la région, la bande à Jamil Mukulu est l’accusée par défaut. Cependant, beaucoup d’observateurs refusent de croire que de simples rebelles se soient offert l’audace de s’en prendre à des casques bleus onusiens et de faire autant de victimes parmi le contingent tanzanien. D’ailleurs, pourquoi les ADF s’en prendraient-il aussi gratuitement aux soldats de l’ONU ? Certains pensent même que la rébellion ougandaise n’a ni la puissance de feu, ni le niveau d’organisation de l’ennemi auquel le contingent de la Monusco a eu à faire.
Le Rwanda et l’Ouganda…
Certes, il n’y a pas encore de preuve. Mais dans les esprits, on refuse de croire que l’attaque soit exclusivement l’œuvre d’une rébellion. Et deux autres pistes émergent. Tout d’abord, il y a l’Ouganda et le Rwanda. Les agissements de ces deux voisins dans la partie orientale de la RDC sont de notoriété publique. Profitant de la déliquescence du pouvoir central à Kinshasa et du vide sécuritaire dans la région, les deux pays ont toujours créé ou encouragé dans la zone des troubles qui facilitent le pillage et le juteux trafic des ressources congolaises (diamant, or, coltan, cuivre, cobalt, etc.). Ainsi, beaucoup de Congolais demeurent convaincus que c’est leur pays qui alimente la prospérité économique dont le Rwanda est si fière aujourd’hui. Encore qu’une certaine communauté internationale, très au fait de cette situation, laisserait faire.
La piste FARDC
L’autre piste s’oriente vers les troupes loyales congolaises, les FARDC. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les troupes congolaises, elles non plus, ne sont pas nécessairement favorables à la restauration de l’ordre et de la quiétude dans la région. Notoirement hostiles aux casques bleus de la Monusco, des soldats congolais peuvent avoir perpétré au laissé faire le massacre du jeudi dernier. D’autant qu’au niveau local, des enquêtes ont souvent révélé des accointances entre des militaires de l’armée congolaise et des groupes armés qu’ils sont censés combattre. Il faut dire que dans un contexte de dénuement total, les soldats gouvernementaux en viennent à conclure qu’il leur est préférable de sympathiser avec les trafiquants locaux. Or, dans le cas de l’attaque contre les soldats de l’ONU, on soupçonne les troupes congolaises de n’être pas intervenues à temps.
Ainsi donc, la question de l’identité des auteurs de l’attaque de Beni demeure entière. Bien entendu, il est possible que ce soient des rebelles qui l’aient perpétrée. Mais il faut se garder des conclusions hâtives…C’est la posture qu’adopte les Nations unies.
Boubacar Sanso Barry