Comme le prédisaient bon nombre d’observateurs, c’est donc Cyril Ramaphosa, le vice-président qui sort vainqueur du duel au sommet de l’ANC, en Afrique du sud. Mais que ce fut âpre et disputé ! La différence n’est ainsi que de seulement 190 délégués. Mais pour le successeur du très controversé Jacob Zuma, il y a de quoi se réjouir dans la mesure où N’kosazana Dlamini-Zuma avait exprès abandonné les responsabilités qui étaient les siennes à l’UA, dans l’espoir de succéder à son ex-époux. Malheureusement, à l’image de Jean Ping au Gabon, le pari n’est pas gagnant. Tout au moins dans l’immédiat. Toutefois, s’il veut, au-delà de la victoire d’hier, se donner des chances de gouverner la nation arc-en-ciel dans deux ans, Ramaphosa devra avoir un triomphe plutôt modeste. Parce qu’il hérite d’un parti miné par des divisions internes et qui, aux yeux des Sud-africains, n’a plus l’image à lui conférée par l’icône Mandela. Ce qui revient à retenir certains coups et à souscrire à quelques compromis, tout en continuant à se distinguer du bilan de la gouvernance actuelle. Pas évident comme attitude…
La revanche…
Une revanche sur l’histoire et sur certains de ses compagnons de l’ANC…C’est ainsi que Cyril Ramaphosa pourrait tout d’abord percevoir sa victoire d’hier. En effet, syndicaliste rompu à la défense de la cause des siens et militant dans l’âme, il était pressenti pour succéder une première fois au très charismatique Nelson Mandela. Mais c’était sans compter avec quelques intrigues, coups bas et surtout l’empressement de Thabo Mbeki. En réponse, Ramaphosa n’engage guère un vain bras de fer. Prenant son mal en patience, il s’éloigne momentanème de la fournaise politique et endosse le costume de l’entrepreneur. Un choix qui se révéla payant parce qu’à la différence de bon nombre de ses camarades politiques, on ne peut plus le soupçonner de revenir pour s’en mettre plaines les poches. Tout au contraire, il est perçu comme l’incarnation du vrai changement et l’espoir du retour d’une certaine moralisation de la pratique politique, plutôt dévoyée par Jacob Zuma.
Le compromis, une nécessité vitale
Cependant, il arrive dans un contexte qui n’est pas nécessairement des meilleurs. D’autant que comme le montrent les résultats de la conférence élective d’hier, il prend les rênes d’un parti profondément divisé. Si divisé qu’il ne peut compter sur le soutien que de la moitié des militants. L’autre moitié, non négligeable reste fidèle à sa rivale et par ricochet à Jacob Zuma. Aussi, si jusqu’à hier, le vice-président s’était évertué à se distinguer du président actuel, il devra désormais y aller avec une certaine prudence. Parce qu’il faut ménager ceux qui demeurent encore fidèle au clan Zuma. En politique, cela s’appelle du réalisme. Des compromis, il devra donc en faire, parce qu’une probable victoire en 2019 ne sera effective qu’avec un ANC réunifié et regardant dans la même direction. Il devra donc faire des concessions, y compromis sur sa vision des choses et sur le plan idéologique.
En route pour les Union Buildings
Pour autant, Cyril Ramaphosa n’a pas à endosser le bilan de la gouvernance Zuma. Aux yeux des autres Sud-africains, il devra tout au contraire veiller à se démarquer de l’actuel président. Ce qui revient de sa part à continuer à dénoncer la corruption et les magouilles dans lesquelles Jacob Zuma et certains de ses plus fidèles collaborateurs ont trempé. Cyril Ramaphosa se doit aussi de mettre en exergue la crise économique dans laquelle le pays est plongé et dont les indicateurs les plus perceptibles sont la chute de la croissance économique et le chômage élevé. Vis-à-vis de ces enjeux majeurs, il devra convaincre ses compatriotes qu’il est la solution.
C’est à ces deux conditions –et à elles seules- que le premier pas qu’il a posé hier le conduira dans les locaux des Union Buildings, dans deux ans. Autant s’y atteler donc, sans perdre du temps.
Boubacar Sanso Barry