Pour l’ancien président malien, Amadou Toumani Touré, plus qu’un retour, l’événement de ce 24 décembre 2017, est une réhabilitation qui demeurait inespérée jusqu’à récemment. Privé de l’insigne honneur de transmettre le flambeau à son successeur, il avait, du fait du contexte volatile qui avait suivi sa chute en 2012, été contraint à la démission et à l’exil à Dakar. Puis, au lendemain de l’élection de celui qui vient ainsi de consentir à son retour, il avait échappé de peu à des poursuites pour « haute trahison ». Pour lui, c’est donc comme le retour de l’outre-tombe. Quant à IBK, il voudrait que le retour d’ATT qu’il revendique à souhait et qu’il a plutôt mis en scène, soit le symbole d’une certaine réconciliation nationale. Mais il s’agit alors d’une réconciliation qui n’est pas dénuée d’arrière-pensées politiques. A quelques mois d’une échéance électorale qui n’est pas nécessairement acquise, il semble avoir réalisé l’importance de ce cadeau de noël aux nombreux partisans que l’ancien président compte encore dans le pays.
Besoin de réconciliation
Il est vrai qu’au regard de tous les défis auxquels le Mali reste confronté, en termes aussi bien de sécurité que d’unité nationale, un rapprochement entre l’actuel dirigeant du pays et son prédécesseur ne peut être que salutaire. Ce pays est malmené à un tel point qu’il ne peut s’offrir le luxe de querelles intestines et d’une rivalité mesquine entre IBK et ATT. En cela, la démarche de l’actuel président, quoique tardive, est louable. Et au-delà d’une réconciliation de façade, ils doivent faire en sorte que leur entente soit le socle autour duquel doit être bâtie une dynamique d’ensemble devant aider le pays à restaurer sa quiétude perdue.
La carte politique
C’est tout au moins l’espoir que caressent de nombreux Maliens. Car dans certains milieux, on pense que le retour de l’ancien président se rattache à des objectifs qui ne sont pas que ceux ayant trait à l’unité et à la cohésion du Mali. Ce retour symboliserait en fait les appréhensions et la fébrilité du camp IBK dans l’optique de l’élection présidentielle de 2018. Trainant un bilan qui n’est pas des plus élogieux, Ibrahim Boubacar Keïta a conscience que sa réélection n’est pas gagnée d’avance. Aussi, en facilitant le retour de celui qu’il appelle son cadet, il espère séduire l’électorat proche de ce dernier.
Il était une fois, ATT accusé de haute trahison
Les tenants de cette thèse ne se privent pas de rappeler qu’en 2013, le gouvernement malien du même IBK avait menacé l’ancien président de poursuites judiciaires pour « Haute trahison ». Globalement, on l’accusait d’avoir facilité la pénétration et l’installation des forces étrangères sur le sol malien, en n’opposant pas aucune résistance et en ayant orchestré la destruction ou la détérioration d’un outil de défense nationale. Plus précisément, il lui était reproché d’avoir contribué à la démoralisation de l’armée à travers des nominations de complaisance d’officiers et de soldats incompétents ou au patriotisme douteux, à des postes de responsabilité, au détriment des plus méritants. ATT n’avait été sauvé que par un rejet massif de la requête par l’Assemblée nationale.
ATT, accompagnateur docile ?
Ainsi, tout le boucan fait autour de son retour ressemble à un retentissant retournement de situation. Avec le recul, il apparait comme un atout politique dont IBK voudrait profiter pour les besoins de la cause. A condition qu’ATT consente jouer ce rôle d’accompagnateur docile. Parce qu’il n’est pas exclu que son retour fasse germer d’autres idées, soit à son niveau, soit dans son entourage. Encore qu’on peut imaginer qu’IBK a mis en place des gardes-fous pour s’éviter une quelconque mauvaise surprise.
Boubacar Sanso Barry