On l’imaginait condamné à jouer un rôle de sous-marin. Pourtant, après des ans dans l’ombre de la présidence, Ibrahima Kassory Fofana, affectueusement appelé Don Kass par ses intimes, est désormais le nouveau premier ministre, chef du gouvernement guinéen. Plusieurs considérations semblent avoir motivé le choix du président Alpha Condé, dans un contexte sérieusement marqué par des soubresauts.
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L’homme qui a été porté au sommet du gouvernement en ce mois de mai 18, n’est pas celui qu’on y attendait quelques années plutôt. Personne ne pouvait prédire Ibrahima kassory Fofana comme possible chef du gouvernement. Il faisait déjà figure de revenant quand il a été nommé en 2013 comme ministre d’Etat à la présidence, chargé des investissements et du partenariat public et privé. Personne, à part lui-même, ne prévoyait son arrivé au premier plan du régime Alpha Condé. Mais, Don Kass est de ceux qui sont convaincus qu’en politique rien n’est impossible. « L’espoir est toujours de mise », a-t-il confié un jour lors d’un entretien avec la presse. Le défi semblait insurmontable pour de nombreux observateurs. Pour les connaisseurs de la géopolitique guinéenne, il n’était pas imaginable de confier un poste de Premier ministre à quelqu’un qui est accusé de s’être enrichi sur le dos de l’Etat par les partisans du changement prôné par le président Alpha Condé. Encore une fois, les pronostics sont déjoués.
Poussé par l’opinion publique à changer de premier ministre, dont le rôle est prépondérant face aux crises politiques et à la forte demande sociale, Alpha Condé –à moins de trois ans de la fin de son second mandat- a attendu plusieurs semaines après l’annonce qu’il a faite le 8 mars, pour choisir son favori. Plusieurs prétendants figuraient sur la liste qui avait fait le tour de Conakry. Mais celui de Kassory Fofana s’est progressivement imposé comme une évidence. Aussi, le 21 mai 2018, c’est sur lui qu’Alpha Condé jetait son dévolu. Près de deux semaines plus tard, brûlant de connaitre les dessous de la carte, les Guinéens se perdent toujours en conjonctures.
Dans l’entourage du chef de l’Etat, il se dit que celui-ci a privilégié la loyauté. Kassory étant de ceux qui se sont battus bec et ongle contre lui au nom du PUP jusqu’à la dernière seconde. Il est aussi de ceux qui sont relativement restés fidèles au chef de l’Etat depuis la formation du RPG-arc-en-ciel. Excepté une courte période au cours de laquelle il avait choisi de se ranger dans l’opposition. Par-dessus tout, Kassory a le carrure d’un leader pragmatique pour avoir joué un rôle politiquement identique à celui d’un chef du gouvernement pendant le régime Lansana Conté.
De l’avis d’une frange non négligeable de la population, Ibrahima Kassory Fofana a le mérite d’avoir la maitrise de la macroéconomie. Et que, conformément à son engagement, il n’aurait aucun problème à s’occuper de la microéconomie pour aider à alléger le panier de la ménagère, talon d’Achille de la gouvernance Alpha Condé depuis près de 10 ans. Sauf que, explique dans l’anonymat un universitaire chargé des cours d’économie, la politique de I‘homme en la matière, telle que vécue lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances, avait contribué à appauvrir l’Etat et facilité un laisser-aller dans la gestion de la chose publique : chaque jour, des hauts cadres qui détournaient des fonds de l’Etat sans aucune forme de procès, parrainaient de simples cérémonies de réjouissance où ils laissaient de passage des millions de francs guinéens. Résultat, le président Alpha Condé l’a reconnu, le pays s’est retrouvé dans un trou.
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Au plan politique, le nouveau Premier ministre ne peut être un élément mobilisateur, quoiqu’ayant un profil de charmeur reconnu. Son piètre score (0, 66%) à la présidentielle de 2010 atteste du peu de soutien que les Guinéens ont pour sa politique. En revanche, l’homme pourrait bien être un levier de décrispation, dans l’éventualité où son ami Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition, serait tenté de rejouer avec la rue. Le nouveau PM et le leader de l’UFDG se doivent certaines faveurs en retour des services qu’ils se sont mutuellement rendus entre 1997 et 2000, au moment où beaucoup de décisions de feu le président Lansana Conté reposaient sur Ibrahima Kassory Fofana. La confirmation de leur complicité est récemment mise à découvert, à travers la visite de l’épouse du leader du principal parti de l’opposition au domicile du nouveau locataire de la primature pour féliciter la femme de ce dernier. Le lendemain, en retour, Ibrahima Kassory avait conduit une délégation de la mouvance présidentielle à la mosquée de Bambéto pour une cérémonie de lecture du saint coran à l’occasion du 9ème anniversaire de la mort de Bâ Mamadou, ex-président d’honneur de l’UFDG, facilitateur de l’arrivée de Cellou Dalein Diallo à la tête du parti en 2007.
Ainsi, autant le nouveau PM peut influencer certaines décisions du plus puissant des opposants, autant il peut prétendre défendre les intérêts de ce dernier. Déjà, il commence à s’intéresser aux sujets qui préoccupent les opposants, en s’inscrivant dans la logique de faire la lumière sur les événements douloureux du 28 septembre 2009, qui avaient ôté la vie à plus d’une centaine de personnes. En effet, hier, lors de l’installation du comité de pilotage pour le jugement de ces crimes, Ibrahima Kassory Fofana, s’est nettement prononcé en faveur de la tenue du procès. Admettant le retard enregistré dans le traitement de ce dossier, il a surtout souligné le devoir de l’Etat de sécher les larmes des victimes et de lutter contre l’impunité, de manière à empêcher la répétition de ce genre de tragédie.
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Avec cette dernière sortie de Kassory, on est tenté de croire que la ‘’majorité silencieuse’’ selon Alpha Condé, ce sont plutôt les milliers d’opposants qui s’expriment à travers des manifestations de rue. Il ne reste plus qu’à savoir jusqu’où ira le nouveau Premier ministre, étant donné que Cellou Dalein semble être dans la prudence.
Gilles Mory Condé