En Guinée forestière, en dépit de la mise en place des conservateurs de la nature et autres services en charge de la protection du couvert végétal, la coupe anarchique et le trafic du bois sont devenus de véritables dangers publics. De l’enquête menée par notre correspondant basé dans la région, il ressort une réalité encore plus critique : les trafiquants opèrent en toute liberté.
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Dans la région de N’zérékoré, au sud du de la Guinée, le trafic de bois devient de plus en plus inquiétant. Un responsable de la société civile de la Guinée forestière qui a requis l’anonymat, a déclaré avoir listé une soixantaine de sociétés secrètes évoluant dans l’exploitation illégale du bois dans la région. « Quand l’Etat avait interdit l’exportation du bois, au moins 2.500 conteneurs remplis de bois ont été arraisonnés au port de Conakry », rappelle-t-il. Parmi ses conteneurs, précise-t-il, 250 provenaient de la société ’’Forêt forte’’, officiellement spécialisée dans la fabrication sur place des plafonds et des contre-plaqués. « Nous avons remarqué que quand les remorqueurs rentrent dans leurs usine avec des produits au retour, c’est le bois qu’on incorpore dedans », souligne Koné François Edouard, président régional de l’association des jeunes pour la paix et le développement et membre du collectif ‘’ne touche pas à ma forêt’’.
Pour chaque préfecture de la région, seulement deux personnes sont détentrices de l’agrément délivré par l’Etat pour l’utilisation des tronçonneuses. « L’objectif était de mieux contrôler l’exploitation de la forêt », précise colonel Pépé Papa Condé, coordonnateur régional de la mission du corps des conservateurs en Guinée forestière. Mais, regrette-t-il, ce document n’est qu’un moyen de contourner la loi. « Chaque société agréée a en moyenne 100 autres sous-agréés qui lui paient des intérêts au détriment de l’Etat », dénonce-t-il. Le corps des conservateurs de la nature, ne disposant pas de statistiques fiables, estime à des milliers le nombre de troncs d’arbres abattus au cours des six derniers mois.
Dans sa réplique, M. Kékoura, détenteur d’un agrément, accuse les scieurs clandestins qui se comptent, selon lui, par centaine. « Ils sont en complicité avec les gardes forestiers », a-t-il souligné. Pour renchérir, Monémou Céo Pé, vendeur de bois et membre de la coordination régionale de la filière bois reconnait qu’il existe des réseaux de trafic de bois.
Selon des témoignages concordants, la majeure partie des bois frauduleusement coupés en forêt, sont acheminés vers la côte Atlantique pour être exportés à partir de Conakry, au vu et au su des autorités concernées. A cette réalité des plus incompréhensibles se greffe la facilité qu’ont les trafiquants dans le transport de leurs marchandises.
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Récemment, un atelier régional s’est tenu à N’zérékoré à l’effet de produire des documents devant organiser l’exploitation du bois. Tous les acteurs concernés étaient au rendez-vous. « Les gardes forestiers ont été formés pour ça. Mais très malheureusement, ce document n’a pas été pris en compte par les autorités au haut niveau a laissé », a déploré colonel Pépé Papa. Conséquence : 80% de l’exploitation du bois se font dans l’illégalité. Pis, ce trafic génèr des violences et engendre des victimes, en raison de ses répercussions sur la faune, sur la flore et sur l’économie du pays. « Non seulements, ils détruisent des forêts , mais aussi ils affectent des réserves naturelles », déplore un doyen de la communauté Guerzé.
Parmi les forêts dangereusement touchées, il y a celles de Déré et des monts Nimba. Dans ces forêts denses, selon les spécialistes, les singes qui sont une espèce protégée sont aussi des victimes de ce trafic.
Au plan économique, le trafic du bois représente en Guinée un chiffre d’affaire annuel estimé à plusieurs milliards de francs guinéens ainsi qu’un nombre important d’emplois. Sauf que la pratique entraine la déforestation qui, à son tour, produit des conséquences lourdes sur le climat. Selon Zozilé Zaoro Haba, environnementaliste, 20 % des émissions mondiales des gaz à effet de serre sont imputables à la disparition des forêts. A son avis, le constat est sans appel : en restant sans rien faire, nous sommes en train de creuser notre propre tombe.
Niouma Lazare Kamano correspondant régional pour www.ledjely.com
Contact : 62278350