Enfin, l’Aquarius est à quai ! Les 629 migrants essentiellement africains, dont 11 enfants, 123 mineurs isolés et 7 femmes enceintes, peuvent donc pousser un ouf de soulagement. Répartis dans trois navires et après avoir erré en mer pendant une bonne semaine, ils ont touché hier le sol européen via le port de Valence. Cette ville espagnole qui passe pour chacun d’eux pour la terre promise, tant l’inhumanité de l’Italie et de Malte les condamnait à une mort certaine. Quoique la question va au-delà des comportements abjects et absolument cyniques qu’ont eus les autorités italiennes et maltaises. En effet, la polémique née dans le sillage de l’Aquarius est révélatrice du malaise et de l’incapacité de l’Union européenne à gérer de manière collégiale la question migratoire. Mais cette polémique est aussi une interpellation de l’ensemble des dirigeants africains quant à leur responsabilité pour un phénomène migratoire en passe de devenir un drame humanitaire d’envergure internationale.
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Italie et Malte, irresponsables
Il faut le dire tout net. Malte et l’Italie dont le port de Lampedusa est encore le symbole de l’immigration clandestine, ont des raisons d’être agacées par le fléau migratoire. Pendant trop longtemps, l’Europe a ignoré les mises en garde de l’Italie en particulier. Et bien entendu, ce comportement à la limite empreint de lâcheté et de fourberie de la part des autres pays européens, méritait un rappel à l’ordre. Ce manque de solidarité nécessitait une sanction à la hauteur de l’hypocrisie dont se sont rendus coupables certains dirigeants européens. Cependant, rien ne justifiait que des vies soient mises en danger. De ce point de vue, Emmanuel Macron n’avait pas tort. Malte et l’Italie ont fait preuve de cynisme et d’irresponsabilité. Et leur attitude est d’autant plus méprisable qu’en dessous, il y a notamment de la part des dirigeants italiens, une volonté manifeste d’instrumentaliser la question migratoire dans l’optique des élections européennes de 2019. Une attitude qui fait abstraction de l’humain et qui n’est pas digne de l’Union européenne, porteuse d’un certain nombre de valeurs humaines.
Macron, mauvais donneur de leçons
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Toutefois, si le président français a trouvé les mots justes pour qualifier le comportement des voisins italiens et maltais, il n’est ni irréprochable, ni moins responsable de ce qui arrive. D’abord, avec sa sortie, il confirme ce qu’on pense de lui, à savoir qu’il est davantage dans la rhétorique que dans les actes. Il est donneur de leçons dont il ne s’applique pas à lui-même. Autrement, il aurait offert d’accueillir le navire en détresse. D’autant qu’il est prouvé que les ports français étaient les plus proches de l’Aquarius. Ensuite, dans une démarche moins assumée (et par conséquent plus hypocrite), Emmanuel Macro a déjà démontré qu’il est tout aussi hostile aux migrants que les Italiens qu’il essaie de clouer au pilori. A propos, on peut rappeler qu’il est un des plus fervents partisans des hotposts, les fameux camps de tri des migrants installés sur le sol africain. Que Macron n’essaie donc pas de se donner bonne conscience. En réalité, les comportements qu’il feint de dénoncer, sont en lui.
Le paradoxe
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Mais si l’on veut être honnête, c’est à l’élite africaine en général et à celle aux manettes des différents pays en particulier qu’il faut s’en prendre, quand il est question du fléau migratoire. En effet, si la jeunesse du continent est aussi massivement prise d’un désir de fuir, c’est en grande partie parce que les dirigeants se sont révélés incapables de créer les conditions susceptibles de la fixer sur place. Entre la mal gouvernance qui accapare les richesses des pays entre les mains d’une clique minoritaire et arrogante et les querelles intestines qui rendent instables les pays, les jeunes sont presque forcés de sortir. D’autant que les promesses de changement sonnent invariablement comme des slogans creux. Et l’irresponsabilité des dirigeants africains sur la question migratoire est si criante que personne n’a osé se prononcer sur la polémique autour de l’Aquarius. Un silence qui en dit long sur le peu d’intérêt qu’ils réservent à leurs compatriotes, quand on sait que la majorité des 629 passagers du navire étaient africains. Un silence qui s’apparente aussi à un mépris de la part de responsables africains dont certains se définissent pourtant en longueur de journée comme l’africanisme incarné. Quel paradoxe !
Boubacar Sanso Barry