L’échec, c’est ce qui aura sanctionné les pourparlers qui, depuis le lundi dernier, se tenaient à Moscou à propos de la crise libyenne. Faisant respectivement pression sur leurs poulains respectifs, la Russie et la Turquie avaient fait venir le maréchal Khalifa Haftar, le chef de l’Armée nationale libre (ANL) et Fayez al-Sarraj, le premier ministre du gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale. Par l’entreprise de leurs ministres des Affaires étrangères et de la Défense respectifs, Vladmir Poutine et Recep Tayyep Erdogan, espéraient faire parapher par les deux protagonistes de la crise libyenne, l’accord de cessez-le-feu laborieusement obtenu le 8 janvier dernier. Malheureusement, l’homme fort de l’est-libyen, manifestement très peu satisfait des termes de l’accord du cessez-le-feu, après avoir fait planer le doute sur sa volonté de signer le document, a quitté la Russie sans le faire. Et par cet acte, il concède un cuisant échec à ce rendez-vous sur lequel Russes et Turcs comptaient tant pour sceller définitivement l’avantage qu’ils ont acquis notamment sur l’Europe dans ce dossier libyen.
Haftar, entre prétention et enchères
Qu’est-ce qui a dû se passer dans la tête de Khalifa Hafar ? Serait-il si grisé par les récents succès militaires au point de prétendre tenir tête à la Russie, de loin son appui le plus important ? Ou bien se livrerait-il à de la surenchère comme cela arrive quasiment dans toutes les négociations ? Difficile de répondre à ces questions, vu que l’intéressé lui-même n’a pas voulu donner les raisons de son refus de signer l’accord de cessez-le-feu. Une chose est sûre par contre, l’homme fort de Benghazi a quelque peu agacé Moscou qui ne s’attendait pas à ce qu’il se montre aussi dur à des négociations parrainées par la Russie. Toutefois, selon les rares indiscrétions qui ont pu filtrer, Khalifa Haftar n’aurait apprécié certaines dispositions du document de cessez-le-feu qui lui a été présenté. Ayant davantage été élaboré par la Turquie le projet d’accord de cessez-le-feu exigeait en effet de maréchal dissident qu’il retire ses troupes des environs de la capitale Tripoli. Et on imagine que pour le soldat qu’est Haftar, il était inenvisageable qu’il consente à une telle concession, alors qu’à priori le rapport de force sur le terrain lui est manifestement favorable. Mais si les négociations ont tourné court, c’est aussi parce qu’Haftar aurait exigé des choses qui le font passer pour prétentieux, au stade actuel de la crise. En effet, à son tour, il aurait demandé que les soldats turcs récemment déployés en Libye puissent plier bagages. Evidemment inacceptable, de la part de la Turquie. En somme, de part et d’autre, il manqué cette authentique volonté d’aller à la cessation des hostilités.
Ankara repart au front
C’est donc l’échec ! Même si les diplomates russes en particulier, dans le souci de masquer leur malaise, tentent de relativiser en promettant la poursuite des discussions, mais aussi en misant sur le sommet programmé le 19 janvier prochain en Allemagne. Il y a que les résultats du rendez-vous moscovite n’augurent pas d’une issue différente à ce prochain conclave. D’autant que du côté turc, on est vite reparti au front. En effet, devant le parlement de son pays, le président turc en personne, prenant acte de l’échec des négociations, a menacé d’infliger à Khalifa Haftar la leçon qu’il mérite s’il persiste à poursuivre ses attaques contre Tripoli. Vu le contexte, un tel discours, davantage dicté par le dépit, n’est pas fait pour faciliter le travail des pacifistes. A ceci, s’ajoute qu’au-delà des bonnes intentions affichées via des discours convenus, avec la position stratégique de la Libye et les immenses réserves de pétrole enfouies dans son sous-sol, le pays de feu Mouammar Khadafi aiguise bien des appétits. D’où d’ailleurs la préoccupation que la crise suscite auprès des plus grandes puissances de la planète. Au détriment de l’Afrique de laquelle relève pourtant cette si richissime Libye.
Boubacar Sanso BARRY