Comme un cheveu dans la soupe, le problème relatif à la hausse du prix du pain vient se greffer à un contexte sociopolitique qui est déjà suffisamment saturé en Guinée. Du jour au lendemain, les citoyens apprennent le prix de fameuse baguette va connaître une hausse. Puis, la menace est déjà effective sur le terrain et génère de nombreux commentaires dans les marchés, les ménages et surtout sur les réseaux sociaux. Si du côté de l’Association des boulangers de Guinée (ABG), on a aligne les raisons qui expliquent la décision brusque de revaloriser le prix du pain, les citoyens eux restent quelque peu désemparés. D’autant qu’au-delà de la hausse, ils perçoivent les signaux d’une pénurie en gestation. La crise relative à l’augmentation du prix de la baguette de pain ne reste pas sans conséquence.
De 3000 à 3500 GNF, telle est la hausse que connait le prix du pain depuis le lundi 27 janvier 2020. Mais ce n’est pas tout que de s’en tenir à cette donnée générale. Car dans le détail, ce qui découle aussi de cette décision, c’est que le morceau de pain qu’on pouvait s’offrir jusqu’ici avec 1000 GNF s’acquiert désormais à 2000 GNF.
Surprenante voire brusque pour les citoyens, cette augmentation est pourtant parfaitement logique pour le président de l’Association des boulangers de Guinée (ABG). Joint par notre rédaction, El Hadj Alpha Oumar Sacko explique que la hausse découle tout naturellement du fait que «tous les ingrédients qui entrent dans la fabrication du pain ont augmenté. Il s’agit du sel, de la levure et du bois ». Pour le cas précis du bois, El Hadj Sacko affirme que par le passé, les boulangers achetaient les 8 bois à 5000 GNF. Mais désormais, selon lui, ce sont trois bois qui sont vendus à 5000 GNF. De même, la location du four qui jadis était de 500.000 par mois, varierait désormais entre 800.000 et 1.000.000 GNF.
El Hadj Sacko note même que le prix du sac de farine a lui-même augmenté. Il serait passé de 240.000 à 250.000 GNF. Mais il avoue aussitôt que ce facteur-là n’est pas particulièrement dans la décision de revoir à la hausse le prix de la baguette du pain. « Le problème ne se pose pas à ce niveau, puisque la qualité est bonne, et même à ce prix ont peut encore tenir le coût», souligne le président de l’Association des boulangers de Guinée. Par contre, à l’en croire, le déguerpissement opéré il y a quelques mois dans les quartiers Kaporo et Kipé 2 aurait un lien avec la hausse. En ce sens que le déguerpissement, en affectant plusieurs fours, aurait créé un monopole de fait.
Conscient des conséquences pouvant découler de la hausse du pain, le ministère du Commerce a convoqué hier même une réunion avec les boulangers et les industriels, en vue d’une sortie de crise. A l’occasion, des requêtes ont été formulées par les différents acteurs de la chaîne du pain dont les boulangers. Entre autres, ont été préconisés, la création des zones tampon dans chaque commune pour que le bois soit plus accessible et à moindre coût ainsi que l’arrêt du racket auquel les vendeurs de bois au niveau des barrages à l’intérieur du pays.
En attendant, les citoyens abordent comme ils peuvent les conséquences de l’augmentation du prix de la baguette de pain. Interrogée tôt ce matin, Aissatou Diallo, propriétaire d’une boutique à Lambangni, dit n’avoir pas été livrée en pain. «Ils m’ont dit qu’ils ont peu produit aujourd’hui et ne pouvaient par conséquent fournir que les gros clients» dit-elle avec une pointe de regret. Justement, Mohamed Lamine Sylla, venu se ravitailler dans la même boutique ne décolère pas. Contraint d’aller voir ailleurs, il se lâche : «dans ce pays, les problèmes ne finissent pas. Nous ne sommes pas sortis de la crise avec les enseignants et les politiques, voilà que les boulangers aussi commencent la leur».
Ibrahima Kindi BARRY