Entre le président Alpha Condé et ses opposants, la course est désormais engagée. Coup sur coup, le chef de l’Etat vient de reporter les législatives au 1er mars, de programmer le référendum à la même date et de fixer la période de la campagne relative au référendum. En face, ceux qui sont hostiles à la nouvelle constitution, dans ce qui ressemble à un dernier baroud d’honneur, viennent de relancer la série de manifestations hebdomadaires qu’ils avaient mise en pause, à la suite de la doléance des religieux. Une bataille que la communauté internationale avait jusqu’ici observée avec une relative prudence. Mais vu que l’on est désormais dans la ligne droite vers l’adoption de la nouvelle constitution, quelques-uns des acteurs de cette communauté internationale, commencent à se manifester. Même si les prises de positions demeurent plutôt ambiguës. C’est le cas notamment de l’Union européenne et des Etats-Unis qui, ce vendredi, se sont fendus de communiqué évoquant explicitement la double échéance de début mars.
Au nom de l’Oncle Sam, c’est le secrétariat d’Etat en personne qui s’est exprimé via un communiqué, dans lequel il fait part de sa « préoccupation » par rapport aux législatives et au référendum constitutionnel du 1er mars 2020. Le chef de la diplomatie américaine faisant notamment valoir ses doutes quant au caractère « équitable et transparent » du processus électoral dont il demande par ailleurs s’il « reflétera fidèlement la volonté de tous les électeurs éligibles ». Eu égard à ses doutes, Mike Pompeo dit exhorter les parties à engager un dialogue civil non violent. Surtout, au gouvernement, il suggère la mise en œuvre des « recommandations des Nations unies concernant les listes électorales » et le respect de « son engagement en faveur d’une consultation nationale inclusive sur la nouvelle constitution ». Le secrétaire d’Etat américain rappelant au passage que « la violence, la répression et l’intimidation politique n’ont pas leur place dans une démocratie »
Aux manifestants, de quels que bords qu’ils soient, Mike Pompéo les invite à s’abstenir de la violence. Cependant, aux forces de défense et de sécurité, il leur demande de respecter les « droits de tous les citoyens à participer à des manifestations pacifiques ». Sur ce même registre, Mike Pompéo demande au gouvernement « d’enquêter pleinement sur tous les décès liés aux manifestations et de rendre publics les résultats de ces enquêtes ».
Abordant par ailleurs la question de fond qui est celle de savoir si à la suite de l’adoption éventuelle de la nouvelle constitution, le président Alpha Condé s’en prévaudra pour demander un nouveau mandat à la tête du pays, le secrétaire d’Etat américain s’en tient à la déclaration qu’il avait directement faite au président guinéen lors de la dernière visite que ce dernier a effectuée aux Etats-Unis. « Comme je l’ai indiqué au président Condé en septembre 2019 lors de sa visite à Washington, les États-Unis soutiennent fermement les transitions régulières et démocratiques du pouvoir », écrit-il en conséquence dans son communiqué.
Le communiqué de l’Union européenne, quant à lui, est moins osé. Certes, l’Europe des 27, entretenant des relations plus étroites avec la Guinée, notent d’une part que « les préparatifs du processus électoral et la décision de coupler les élections législatives du 1er mars 2020 à un référendum constitutionnel divisent profondément le pays », et de l’autre que, « de graves faits de violences ont déjà pu être observés dans ce contexte ». Par ailleurs, elle appelle à un « dialogue inclusif », en vue de s’assurer des « conditions de transparence et d’inclusivité, ainsi que du respect du cadre régissant les élections ». Cependant, l’UE est de loin plus ambiguë, quand elle se borne à déclarer : « L’unité et la paix en Guinée doivent prévaloir sur les intérêts partisans ».
Il y a que, pour le moment, ces déclarations plutôt mesurées, ne semblent pas désarçonner le président Alpha Condé. Celui-ci, porté par on ne sait quelle sérénité, continue de dérouler son chronogramme, comme si de rien n’était. Alors même que de nombreux observateurs s’interrogent sur comment se passera la journée électorale du 1er mars. Les uns et les autres se demandant notamment si le double scrutin sera effectif sur l’ensemble du territoire national et quelles incidences de probables violences auront sur la validité des résultats qui en émaneront.
La rédaction