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ALIOU BAH : « les manifestations ont fait leurs effets »

Aliou Bah, le leader du MoDel l’assure. Le 22 mars et la tenue du double scrutin législatif et référendaire ne signent pas la fin de la bataille contre le troisième mandat. Mais le jeune leader politique l’admet, c’est une nouvelle forme de lutte qui va se mettre en place. Dans un entretien qu’il a accordé à notre rédaction, il promet que le combat va davantage dorénavant se déporter sur les terrains judiciaire, diplomatique et politique. En somme, dit-il, la crise s’inscrit désormais dans la durée…

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Les résultats du référendum sont désormais connus, quelle sera la suite du côté du FNDC ou de l’opposition?

Je ne dirais pas que le référendum ou l’élection s’est tenu dans la mesure où une élection et un référendum obéissent à des règles et des lois. Nous ne perdrons plus le temps à démontrer que ce qui s’est passé en soi est un coup d’Etat constitutionnel, et que les Guinéens ont répondu massivement à l’appel qui leur aura été lancé par le FNDC, pour empêcher que le coup d’Etat se tienne. Il y a des éléments factuels qui nous réconfortent dans la détermination du Guinéen dont entre autres le fait d’avoir démontré à la face du monde que l’entreprise est criminelle et que le président s’est senti tellement acculé qu’il a réquisitionné l’armée pour la faire intervenir dans un processus électoral, de façon flagrante. D’ailleurs, vous voyez les condamnations au niveau international autour de cet état de fait. Tout ça a été l’œuvre du rapport de force qui a été exercé par les citoyens, un rapport de force vraiment citoyen et responsable. Je pense qu’il ne faut pas non plus sous-estimer la victoire de la bataille sur l’opinion internationale. Je ne pense pas qu’il y avait eu un pays qui a fait autant l’unanimité contre lui que l’est aujourd’hui la Guinée, en termes de condamnation des manœuvres d’Alpha Condé et son clan.

Maintenant pour la suite, le combat que le FNDC a initié n’était pas programmé pour un jour ou une séance. Nous étions convaincus qu’elle allait se faire dans la durée. Toutes les actions qui ont été menées jusqu’à la veille du 22 mars étaient des actions dissuasives pour éviter de commettre l’irréparable. Après le 22 mars, la donne change complètement. Aujourd’hui, Alpha Condé est considéré comme un putschiste constitutionnel et quelqu’un qui est invalidé par la communauté internationale, et qui se sent de plus en plus acculé et isolé. En soi, il y a des crimes qui sont en train d’être commis. Il y en a eu plusieurs avant que nous sommes en train d’examiner en mobilisant tous les éléments de preuve, pour éventuellement des sanctions judiciaires. Donc, le problème va se transporter beaucoup plus sur le terrain judiciaire, diplomatique et politique, que ce qui était de par le passé. Je ne vous dévoilerai pas comment tout ça sera fait, mais ce qui est évident, c’est que nous sommes conscients des enjeux en présence, et nous sommes en train davantage de nous remobiliser, de réorienter nos priorités stratégiques, pour que notamment la pression qui a été déjà engagée puisse continuer de sorte que la Guinée puisse revoir sa démocratie et revenir sur les bons rails.

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Nous sommes donc dans une nouvelle dynamique, vous l’avez dit. Qu’est-ce que le FNDC va devoir faire en terme de remise en cause, de restructuration et de réflexion interne pour s’adapter à la nouvelle donne?

On a l’avantage que nous sommes tous au même niveau d’information. En sorte que les uns et les autres sont conscients des enjeux et des responsabilités qui sont les nôtres. Le FNDC a été quand même une initiative qui a montré au peuple de Guinée que l’espoir est encore permis. L’espoir est permis parce qu’il ya des patriotes, au prix de leur vie et malgré toutes les conséquences que cela a générées, sont prêts à se battre pour que la démocratie guinéenne soit sauvée. Maintenant, les démarches je les ai notées tout à l’heure. A ce stade, la réflexion s’approfondit, parce qu’il y a beaucoup d’acteurs qui n’étaient pas entrés en jeu, car beaucoup pensaient qu’Alpha Condé allait, au bout de tous les efforts qui sont fournis, reprendre la raison et éviter à la Guinée ce qui s’est passé le 22 mars. Ceux-là se sentent désormais plus concernés et se remobilisent autour des initiatives que nous sommes en train d’engager. Malheureusement le contexte actuel fait que nous avons le Coronavirus, une maladie très dangereuse, qui fait que nous devons prendre en compte cette dimension pour être au côté de nos compatriotes dans la sensibilisation, afin que nous évitions le pire. D’autant plus que nos institutions ne sont pas assez préparées à tous les niveaux pour faire face à cela.

Pourtant, il y en a qui pensent que le coronavirus est bizarrement un allié dont s’est servi le président Alpha Condé ?

Je dirais que c’est un peu cynique.  Parce qu’à mon avis, tout ce qu’on peut penser du coronavirus, ce serait qu’il s’arrête. Je ne pense pas que ça profite à qui que ce soit.

N’empêche que le coronavirus a officiellement empêché les présidents de la CEDEAO de venir en Guinée. Par ailleurs, même s’il devrait y avoir des manifestations au lendemain des élections, ce ne serait plus possible parce qu’il y a l’état d’urgence qui est décrété ?

Oui, les manifestations sont entre autres composantes de notre façon de lutter depuis le début, il n’y a pas que cela. Les manifestations ont fait leurs effets, ont donné leurs résultats. D’abord en termes de légitimité, aujourd’hui on n’a aucun doute que la légitimité se trouve du côté du peuple de Guinée et de ceux qui se reconnaissent du côté du FNDC. Donc, nous n’avons plus besoin de faire de la démonstration, de la mobilisation de l’opinion publique nationale. Ce que nous voulons désormais en tant que leaders, c’est de capitaliser cette volonté populaire de voir notre démocratie sauvée. C’est cela notre grande responsabilité. L’arrivée du coronavirus n’était dans le plan de personne.  Maintenant, il faut s’adapter à ça et réorienter nos priorités tout en mettant au centre de nos préoccupations cette maladie pour éviter qu’elle fasse davantage de victimes dans notre pays, et espérer que cela aussi se réduise dans le reste du monde. Mais cela ne doit en rien constituer un facteur démotivant pour nous. D’ailleurs, même en cette période, nous continuons de travailler, de porter la réflexion sur la stratégie, et surtout comme je l’ai tantôt, le combat va se transporter sur le plan diplomatique et politique. Cela ne requiert pas une mobilisation des populations sur le terrain, ce sont des acquis que nous allons davantage capitaliser auprès des pays sérieux et tout ceux qui sont des modèles de développement et qui sont les partenaires au développement de la Guinée. Imaginez dans quelques jours que la Guinée se retrouve dans une situation où le régime a même du mal à obtenir des aides budgétaires conséquentes pour combler les déficits avec toutes les difficultés économiques et sociales internes que nous avons ! Nous sommes aujourd’hui disqualifiés pour la plupart des programmes sérieux des institutions internationales, qui en réalité sont des programmes de survie, et nous avons des difficultés de mobilisation des ressources intérieures parce que l’économie ne fonctionne pas bien. Je vous parie qu’avec tout ce cocktail, ce régime ne sera même pas capable d’honorer  ses engagements par rapport au fonctionnement de l’État dans les années à venir. C’est dire que les difficultés ne vont qu’aller en augmentant, et tout ça, la responsabilité elle est connue.  Quand on va avoir des difficultés de paiement de salaire, quand le niveau de l’inflation va devenir insupportable, le pouvoir d’achat des Guinéens va s’effriter pour ceux qui en ont encore. Je pense que tout cela n’est pas de nature à garantir dans la stabilité et la paix. A tout cela, il faut ajouter le fait qu’on ne peut pas exclure la majorité de la population d’un processus politique et espérer que celle-là va croiser les bras et vous  observer faire.

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Il y a aussi les violences de N’zérékoré. Qu’en pensez-vous ?  

Notre pays s’est déshumanisé, c’est un constat général. Nous n’avons pas perdu que nos repères économiques, nous avons tout simplement perdu tous nos repères. Et, à l’instar des autres régions où il y a eu beaucoup de crimes, N’zérékoré c’est encore pire. Encore que nous n’avons pas toutes les informations pour mesurer l’ampleur de ce qui s’est passé. Mais au stade où nous en sommes déjà, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il y a beaucoup de morts ; Mais le pire, c’est le fait que les victimes aient été enterrées dans une fosse commune. J’ai suivi la déclaration du Collectif de la diaspora forestière et j’ai recoupé les informations avec d’autres Guinéens avec lesquels je suis en contact qui sont sur le terrain. Je pense que parler de fosse commune dans un pays aujourd’hui, c’est assez horrible en termes d’image à l’international. Nous savons ce que cela suppose comme conséquence pour les dirigeants. Il faut juste faire en sorte que cette histoire de N’zérékoré ainsi que celles des autres régions de la Guinée où des Guinéens ont été massacrés par les forces de défense et de sécurité, ne puissent pas rester impunies. Surtout que si on rapporte tout cela à des déclarations de certains responsables du pouvoir dont des députés et des responsables administratifs, des gouverneurs de région, on a des raisons de penser que ça été prémédité. Et je puis vous assurer qu’avec l’appui des avocats, nous sommes en train de collecter des éléments de preuve tangibles afin de constituer des dossiers pour que ces personnes répondent notamment au niveau national. Même si de ce côté, nous n’avons pas beaucoup d’espoir, parce que nous savons que la justice est domestiquée. Mais la Guinée fait partie du monde, et nous avons souscrit à des traités et conventions internationaux qui nous font obligation de donner des explications par rapport à ce qu’on peut qualifier des crimes à dimension internationale. Donc, je pense que ce régime va se sentir coincé davantage. Et quand je dis que le combat va se transporter sur le terrain judiciaire, je fais allusion à tous ces éléments se rapportant à des poursuites des responsables de tous les crimes qui ont été commis avant, pendant et après les élections, au cours des manifestations et plus globalement dans le cadre de tous les actes au cours desquels des Guinéens ont perdu la vie injustement.

Propos transcrits par Hawa Bah

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