L’affaire aura fait grand bruit dès qu’elle a été divulguée sur Facebook et suscité un grand buzz sur les réseaux sociaux toute la semaine dernière. Le mariage de Salimatou Diallo, adolescente devant célébrer ses 18 ans en novembre prochain, avec Ousmane Bah, 35 ans et déjà marié à une autre femme, est sans doute l’union qui a suscité le plus de réactions depuis le début de l’année en Guinée. D’abord, il y a le « choc » d’une militante féministe indignée d’apprendre qu’une jeune « âgée de 13/14 ans a été mariée de force à un homme d’une cinquantaine d’années comme deuxième épouse » parce qu’elle est « orpheline de père et de mère » (donc n’ayant nulle part où se plaindre). Puis, le démenti sans équivoque de la principale concernée. Et pour couronner le tout, il y a cette phrase ‘’Lan faala haa fadha’’ que Salimatou lance sur les réseaux sociaux en guise d’ultime défiance à l’endroit de ceux qui ont colporté rumeurs et ragots sur son union.
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L’information sur le mariage célébré entre Salimatou Diallo et Ousmane Bah, le dimanche 05 avril 2020, s’est propagée comme une traînée de poudre sur Facebook et Twitter, le jour-même en début de soirée. Très vite, on apprend que les premières allégations étaient mensongères. Et c’est l’intéressée elle-même qui, quelques heures après avoir constaté les publications sur les réseaux, est venue couper court à la rumeur qui occupait le premier sujet de discussion sur les différentes plateformes. Dans une courte vidéo, de moins de 30 secondes, « Salimatou Mo Monsieur Bah » rétablit la vérité. Tout d’abord qu’elle est née en novembre 2002 (donc qu’elle n’est pas aussi jeune que le disent les « informations » qui circulent à son sujet). Ensuite, qu’elle n’a pas été forcée à se marier à M. Bah : « J’étais à Mamou, il est allé me trouver là-bas pour demander si je l’aime. J’ai dit que je l’aime », a-t-elle expliqué. Et enfin, comme un défi lancé à ses détracteurs, elle a déclaré « Lan faalaa haa fadhaa », qu’on peut traduire littéralement : « Je le veux au point de m’évanouir ». Et bien, il n’en fallait pas plus pour enflammer davantage la toile.
Le lendemain, le slogan « Lan faalaa haa fadhaa » connait un succès fulgurant sur les réseaux sociaux en Guinée et au sein de la diaspora guinéenne. Des vidéos d’humour reprenant le slogan assorties de « conseils sur les problèmes de mariage » inondent très vite le réseau Facebook en particulier. Le succès est tel que quelques-uns y ont vu une opportunité d’affaires. En effet, depuis quelques jours, des entrepreneurs ont conçu et mis en vente des t-shirts avec le fameux slogan parfois accompagné d’une photo du couple Bah.
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Une récupération opportuniste qui n’est pas du goût de tout le monde. Artistes, activistes et anonymes dénoncent un « opportunisme ». C’est le cas de l’humoriste Mamadou Thug qui, dans une vidéo publiée sur sa page Facebook le samedi 11 avril, a dénoncé ce qu’il considère comme étant « la malhonnêteté du Guinéen ». « Comment peux-tu te permettre que quelqu’un fait un slogan, et toi, dans ta malhonnêteté, tu en fais un t-shirt avec sa photo… Qu’est-ce que Salimatou et Monsieur Bah gagnent dans ça », a-t-il interrogé, avant d’exiger « un peu de respect » pour ce couple. Et d’ajouter : « Vous n’avez aucun droit de créer des t-shirts “Lan faalaa haa fadhaa” pour votre plaisir, pour vous remplir les poches. Arrêtez !»
Un avis semble-t-il partagé par Ousmane Bah, l’époux de Salimatou Diallo. Nos tentatives d’entrer en contact avec lui sont restées infructueuses. Cependant, nous sommes tombés sur une vidéo de lui dans laquelle il aborde entre autres le sujet relatif à ces t-shirts qui sont en vente. « Moussé Bah » invite ceux qui ont conçu ou ont l’intention de concevoir les t-shirts « Lan faalaa haa fadhaa » à entrer en contact avec lui pour qu’il leur donne son autorisation. Car, « ils ne peuvent pas vendre ces t-shirts ici [en Guinée] sans notre accord », indique-t-il.
Dès l’apparition sur les réseaux sociaux de ces t-shirts en vente, la polémique n’a pas tardé à se créer. Si pour la majorité des commentateurs une partie des bénéfices issus de ces ventes doit être versée à la conceptrice du slogan « Lan faalaa haa fadhaa », certains pensent que ce n’est pas obligatoire de lui en verser. Parce que, selon eux, le slogan n’est pas enregistré comme une marque déposée.
Pour en savoir plus, nous avons contacté le directeur en charge du service guinéen de la propriété intellectuelle. Selon Billo Bah, cette création est recevable auprès du BGDA (Bureau guinéen du droit d’auteur (BGDA) qui relève du ministère de la Culture. « Car, c’est avant tout une œuvre culturelle. C’est son slogan à elle. Dans les conditions normales, on n’a pas le droit d’exercer une activité à caractère lucratif avec ce slogan. On peut l’utiliser pour d’autres choses mais pas dans un cadre commercial. Ceux qui souhaitent exercer des activités commerciales avec ce slogan doivent consulter [Salimatou ou son mari] », a-t-il expliqué.
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D’après M. Billo Bah, on n’a pas besoin d’enregistrer ce slogan comme une marque déposée. « On n’a pas besoin de protéger ça, c’est automatique à partir du moment où c’est son slogan. Dans le domaine de l’art, on n’a pas besoin de déposer [une marque] pour réclamer la paternité d’une œuvre. À partir du moment où on sait que c’est elle l’auteure du slogan, son droit devient automatique. Elle a le droit de réclamer et de gérer les retombées du slogan “Lan faalaa haa fadhaa”. Dans le domaine de l’art, ça va de soi », a-t-il précisé. Si Salimatou Diallo souhaite réclamer la paternité de son « œuvre », elle doit se rendre auprès du Bureau guinéen du droit d’auteur (BGDA).
Thierno Diallo, Ledjely.com