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FLAMBEE DU COVID A CONAKRY : un défaut de responsabilité des gouvernants

Face à la flambée du nouveau coronavirus dont les derniers chiffres font état de 2146 personnes contaminées, pour un peu plus de 700 guéris et 11 décès, chaque Guinéen est sollicité. Dans les centres de prise en charge, les médecins s’affairent pour sauver les patients, à l’extérieur, la réflexion est intense en vue de corriger les lacunes et permettre ainsi de stopper la chaîne de propagation. C’est dans cette seconde catégorie que l’on pourrait placer la tribune ci-dessous. L’auteur qui est du sérail ne comprend pas comment la Guinée qui a fait face à Ebola il y a moins de 6 ans, soit si affligée par cette autre maladie. Il se pose donc des questions auxquelles il tente de donner des réponses. Mais il ne se limite à l’inventaire de ce qui ne va pas. Plaçant sa réflexion dans le cadre d’un apport citoyen à la lutte que tous les Guinéens se doivent de mener, il formule des recommandations dont la mesure, espère-t-il permettra de booster la dynamique de la lutte.

Chaque année, les défis mondiaux de développement durable croient à mesure que croît la population mondiale. La santé et le bien-être des populations trouvent donc confortablement leur place parmi les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) définis en 2015 par les Nations unies après l’échéance des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Si bon nombre de pays émergents ont fait d’énormes progrès, force est de reconnaitre que certains pays dont plusieurs du continent africain peinent encore à se doter d’un système de santé efficace fondé sur des politiques et stratégies solides et pertinentes qui soient par ailleurs adaptées au contexte local. Par conséquent, ils restent vulnérables aux grandes endémies pouvant entraver tout le processus d’émergence enclenché.

Face à cet état de fait, le bureau Afrique de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS), dans sa traditionnelle mission d’offrir aux pays les connaissances et l’expertise nécessaires afin de les doter de systèmes de santé,  a placé son deuxième forum sur la santé en Afrique (tenu en mars 2019 au Cap-Vert) sous le thème « l’Afrique que nous voulons ». Cet évènement scientifique majeur auquel j’ai eu l’honneur de participer a largement discuté de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) et du Règlement Sanitaire International (RSI) dont les indicateurs restent mitigés pour la quasi-totalité des pays du continent. Ce qui les rend plus vulnérables aux catastrophes sanitaires avec une probabilité de létalité très élevée.

Vraisemblablement, l’on pouvait imaginer que certains pays ayant été confrontés aux grandes endémies pendant ces cinq dernières années ont pu tirer tous les enseignements nécessaires et sont désormais à peu près outillés (expertise et dispositifs) pour venir à bout de toute éventuelle endémies qui surgirait. Tel était le scénario imaginé pour la Guinée à l’image du Vietnam qui est aujourd’hui une école en matière de gestion du Covid-19 grâce à son expérience tirée de la survenue du Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (SRAS) qu’il a connu en 2003.

Pourquoi la Guinée n’a-t-elle pas honoré les promesses ?

La Guinée – au même titre que le Libéria et la Sierra Léone – après l’épidémie de la Maladie à Virus Ebola (MVE) pour ne pas citer celles de choléra et autres survenues antérieurement, devrait de toute évidence être une école pour les autres pays du continent dans la gestion de cette pandémie de la Maladie au Corona Virus 19 (COVID-19) qui secoue le monde entier.

Un mois après la notification du premier cas, au fur et à mesure que les jours passent, les chiffres grimpent et l’angoisse augmente chez les populations. D’après une tribune d’un compatriote guinéen dans les colonnes du site d’information « Ledjely.com », le New-York Times nommait la Guinée comme le pays enregistrant la pire évolution du virus en Afrique, avec un nombre de malades doublant tous les six jours.Face à ces évidences qui nous crèvent les yeux et susceptibles de nous de nous mettre dans une colère saine, nous nous apercevons que la situation est critique et que l’on peut oser se dire que nous n’étions que dans une profonde illusion qui nous éloignait de certaines faiblesses masquées qui se dévoilent et caractérisées par :

  • Des conditions de vies peu appropriées dans les centres de traitement épidémiologiques;
  • Un retard dans les analyses de laboratoire parfois confuses ;
  • Une insuffisance d’intrants nécessaires au dépistage et à la prise en charge ;
  • Un retard dans les prises de décisions visant à limiter la propagation de la maladie ;
  • Des défaillances dans la coordination des actions de surveillance et d’alerte.

Après la Maladie à Virus Ebola (MVE) :

Qu’avons-nous fait du plan de relance post-Ebola qui prenait en compte une réforme profonde de notre système de santé ?

Le Fonds national de relance et résilience post-Ebola présenté aux partenaires au développement en septembre 2016 d’abord au niveau national, puis à celui international lors d’un Side Event en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies à New-York, avait pour rappel, suscité beaucoup d’espoir. Ce plan au montant de l’ordre cinq cent millions de dollar américains ($500 millions), réservait plus cent quarante-un millions de dollars ($140 millions, soit un peu plus du quart du montant global) au pilier santé, réduction des risques et contingence. Un des cinq piliers qui constituaient le plan. Et parmi les actions envisagées, on avait :

  • l’augmentation de l’utilisation des services préventifs et curatifs dans les structures de soins ;
  • Le renforcement des capacités de prévention et d’alerte précoce face aux risques dans la prévention et la préparation (y compris pour les risques sanitaires) ;
  • La dotation des départements en moyens nécessaires et efficaces permettant d’accroitre les capacités opérationnelles de réponse aux urgences (y compris celles sanitaires), de relèvement et de reconstruction post-catastrophe.

Qu’avons-nous fait du rapport d’évaluation externe conjointe des principales capacités RSI (Règlement Sanitaire International) de la Guinée produit par l’OMS en 2017 ?

Le Règlement Sanitaire International (RSI 2005) est un instrument international juridiquement contraignant pour les 194 Etats membres de l’OMS qui l’ont adopté, lors de la 58ème Assemblée Mondiale de la Santé le 23 mai 2005. Entré en vigueur le 15 juin 2007, il a pour objectif de « prévenir la propagation internationale des maladies, de protéger, de maîtriser et de réagir en temps réel par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux ». Le RSI définit ainsi les obligations des Etats Parties à développer des capacités de détection et de riposte pour des événements de nature médicale, biologique, chimique ou radiologiques et à rapporter annuellement à l’assemblée mondiale de la santé leur niveau d’avancement dans sa mise en œuvre.

L’évaluation des capacités de la Guinée en la matière, relevait des insuffisances dont il était impératif de remédier pour réduire notre vulnérabilité faces aux urgences et catastrophe sanitaires. Ce sont entre autres :

  • L’élaboration et l’application d’un plan national multidangers de préparation et d’action en cas d’urgence de santé publique ;
  • La cartographie des risques et les ressources de santé publique prioritaires ;
  • La mise en place d’un système pour l’envoi et la réception de moyens médicaux lors d’une urgence de santé publique ;
  • La mise en place d’un système pour l’envoi et la réception de personnels de santé lors d’une urgence de santé publique ;
  • La mise en place d’un plan et mécanismes de systèmes de communication sur les risques (plans, mécanismes,..).

Comment expliquer nous nous soyons retournés à la case départ ?

Les grosses questions tournent sans cesse dans mon petit crâne. Je me demande comment sommes-nous restés à la case de départ ? Pourquoi avons-nous osé laisser le CT-Epi de Nongo dans son état initial pendant que nous nous préparions à accueillir une maladie dont la contagion est plus facile et rapide ? Quelles les projections qui nous rassuraient tant avant la notification du tout premier nous cas ? Quelles sont les dispositions que nous avions préconisées pour pallier rapidement à la pandémie dès qu’elle sera enregistrée ?

A ces questions qui, toutes, débouchent sur déception et tristesse vient pourtant s’ajouter légitimement d’autres :

  • Est-ce qu’un défaut de qualification du personnel soignant ?
  • Est-ce qu’un manque de ressources financières conséquentes ?
  • Est-ce qu’un manque de leadership ?

A la suite de mon analyse taillée sur mes connaissances du domaine, je dirai tout simplement que la classe gouvernante a manqué au rendez-vous du leadership caractérisé par un manque de responsabilité et professionnalisme.

Oui :

  • Un leadership qui devrait nous donner une vision plus claire et plus audacieuse du système de santé qu’il nous faut.
  • Un leadership qui devrait nous permettre d’avoir un management plus léger, peu onéreux et agile.
  • Un leadership qui devrait mettre au premier plan la valorisation des connaissances locales et l’innovation technologique.
  • Un leadership qui devrait nous doter d’installations fiables et efficaces pour un dépistage rapide et une prise en charge correcte.
  • Un leadership dont la pertinence des décisions devrait éviter une redondance des entités aux missions similaires (Institut National de santé Publique, Agence Nationale de Sécurité Sanitaire et la Direction Nationale des Grandes Endémies et de Lutte contre les Maladies) entrainant un flou dans les responsabilités et des querelles de leadership.
  • Un leadership qui devrait éviter la création de Directions ou Agences plus puissantes que leurs départements de tutelle et une mauvaise gestion et répartition des ressources financières et humaines.

Que nous faut-il ?

A la lumière des interrogations posées ci-haut, et me fondant sur certains éléments d’appréciation des rendements, je suggère :

  • Pendant cette crise :
  • Faire recours aux infrastructures plus adaptées pour confiner et isoler individuellement tous les cas contacts (appelés dans l’expérience vietnamien F1) et si possible les contacts des cas contacts (appelés F2) ;
  • Faire recours à l’Agence de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPT) et les services de sécurité pour le repérage de tous les cas confirmés et contacts non retrouvés par les services de prise en charge afin de les confiner ;
  • Cartographier et stratifier les zones à risques et celles ayant connu des cas pour mettre en place des cordons sanitaires et apporter une réponse en intrants pour promouvoir les gestes barrières ;
  • Renforcer le dispositif de prélèvement et d’analyse au laboratoire afin d’informer chaque patient de son résultat dans un délai maximum de 48 heures et d’éviter tout égarement des résultats comme certains cas rapportés ;
  • Après la crise :
  • Faire de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSS) une division de l’Institut National de Santé Publique (INSP) qui existe depuis 1995 et qui intègre la surveillance sanitaire dans ses domaines d’intervention ;
  • Un diagnostic organisationnel (opérationnel et structurel) de l’INSP afin de mettre un plan de renforcement des capacités lui permettant de répondre aux nombreux défis en matière de santé publique ;
  • Faire de la mobilisation des informations (statistiques et scientifiques) une démarche autonome à travers la mise en place des fonds domestiques spéciaux institutionnalisés dont le montant est défini périodiquement selon les orientations par un comité scientifique pluridisciplinaire mis en place ;
  • Un transfert de compétences et de technologies ;
  • L’institutionnalisation d’un fonds d’urgence sanitaire dont le montant minimum sera de dix (10) millions dollars US ;
  • Une valorisation des connaissances locales qui inclue les tradithérapeutes et les innovations technologiques en matière de recherche en santé et ses déterminants.

Félix Dounia MILLIMOUNO (Médecin)

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