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COYAH : aux origines des violences meurtrières du 12 mai 2020…

Il y a un mois, jour pour jour, le 12 mai 2020, une série de manifestations contre la mise en place d’un barrage au carrefour de Friguiady, dans la sous-préfecture de Maneah à Coyah, dans le cadre du plan d’isolement de Conakry pour lutter contre la propagation de la COVID-19 en Guinée, était réprimée dans le sang. Un mois plus tard, Ledjely.com a décidé de retourner sur place pour interroger des témoins afin de comprendre l’enchaînement de ces événements douloureux qui ont choqué l’opinion publique en Guinée et les défenseurs des droits de l’homme.

Le bilan de cette journée noire diffère d’une source à une autre. Ce qui reste clair, en ce 19e jour du mois de Ramadan, beaucoup de sang a coulé entre Friguiady, Maneah et Coyah centre, le long de l’autoroute Conakry-Coyah, à la porte-est de la capitale guinéenne.

En ce mardi fatidique, dès le matin, les esprits sont surchauffés à cause du barrage sanitaire érigé dans le district de Friguiady, à quelques kilomètres de la commune rurale de Maneah. Si les citoyens de cette localité traversée par la plupart des voyageurs en provenance ou à destination de l’intérieur du pays sont en colère, c’est parce qu’ils n’en peuvent plus des restrictions de déplacement et des tracasseries auxquelles ils sont soumis depuis que les forces de défense et de sécurité ont monté quelques jours auparavant un barrage qui coupe ce district des localités environnantes.

A 9 heures, les premiers mouvements sont enregistrés : un groupe de conducteurs de taxi-moto en provenance de Maneah qui arrive à Friguiady pour embarquer des passagers venus de Conakry voulant atteindre Coyah centre est refoulé par les agents postés au niveau du barrage. Depuis la mise en place de ce barrage dont il est interdit de franchir sans une autorisation délivrée par le ministère de la Santé, conformément à l’application de la décision d’isolement de la capitale Conakry prise par le gouvernement, les conducteurs de taxi-moto étaient en effet les seuls qui permettaient aux voyeurs de quitter Conakry pour se rendre à l’intérieur du pays. Ce matin-là, les forces de défense et de sécurité ont décidé de fermer complètement le passage aux personnes qui ne sont pas munies d’autorisation de voyage.

Après trois tentatives infructueuses d’embarquer des passagers en provenance de Conakry pour Coyah, les conducteurs de taxi-moto se sont retrouvés au carrefour de la Bananeraie en espérant que des passagers parviendraient à franchir le barrage et les rejoindre pour monter sur les deux roues à destination de Coyah, mais les bérets rouges qui ont compris leur manège sont venus les disperser. Cette intervention des militaires a mis les feux aux poudres. Les conducteurs de taxi-moto ont alors décidé d’ériger à leur tour un barrage à Maneah, à quelques kilomètres de là, pour paralyser la commune rural. Leur action circule rapidement de bouche à oreille dans la petite ville. Les habitants voient en ce mardi 12 mai une journée où il faut descendre dans la rue pour exiger la levée du barrage qui leur apporte plus de souffrances que de solutions.

« La colère des jeunes conducteurs de taxi-moto a eu de l’écho auprès de la population riveraine qui en avait marre de ce barrage qui a coupé Coyah des autres districts. Et quand ils ont érigé leur barrage au niveau de l’ancien marché à l’aide notamment de grosses pierres et des bois, empêchant toute circulation, quelques minutes après, j’ai vu des pickups de la gendarmerie prêts à intervenir pour chasser les jeunes. C’est ainsi que j’ai fermé ma boutique pour quitter les lieux », raconte un boutiquier rencontré par Ledjely.com.

Mamadouba qui était arrêté non loin du barrage érigé par les jeunes se souvient : « Quelques  minutes après que les jeunes ont érigé le barrage, les gendarmes sont venus pour les disperser. C’était autour de 9h30-10heures. Quand les jeunes motards et d’autres jeunes de Maneah ont vu les quatre pickups venir vers eux, ils ont commencé à leur jeter des pierres. Les agents à leur tour ont fait usage des gaz lacrymogènes. Mais la foule de manifestants ne faisait que grossir et les gendarmes se sont repliés au niveau du poste de gendarmerie de Maneah. De là aussi, ils ont lancé des gaz lacrymogènes avant de quitter finalement les lieux. Et c’est là que la manifestation a eu de la force, car tout le monde s’est levé comme un seul homme pour protester contre la mise en place du barrage sanitaire. C’est ainsi que la population a pris la direction de Friguiady dans l’intention d’aller enlever le barrage. Mais quand les gendarmes ont quitté les lieux, on  a vu des pickups de bérets rouges du Bataillon de la sécurité présidentielle (BSP) et du Groupement d’intervention rapide (GIR) du camp Kwamé Nkruma venir ».

Selon ce témoin, c’est à partir de l’arrivée des militaires que l’inévitable s’est produit. « Voyant la foule juste au niveau du pont de Maneah, les militaires ont commencé à faire des tirs de sommation à balles réelles. Finalement, un jeune est blessé par balle à Friguiady, au niveau du bras et au ventre. Cet incident a augmenté la colère des populations. Ses amis l’ont pris pour l’envoyer à l’hôpital, mais de passage devant la gendarmerie, ils ont vu qu’elle était ouverte. En colère, les manifestants l’ont attaquée et saccagée », explique-t-il.

Un autre témoin se souvient : « Bien que les jeunes manifestants aient été dispersés, les bérets rouges continuaient toujours à faire des tirs. Une balle a traversé le mur d’une maison et touché une femme au niveau d’un sein. Elle suit présentement des soins à l’hôpital Ignace Deen à Conakry. Mais le jeune blessé à Friguiady a lui succombé à ses blessures trois jours après ».

Mamadouba reprend « : Au niveau du pont de Maneah, dans les tirs de sommation des bérets rouges, un autre jeune a été touché par balle au pied. Et c’est dans cette situation que les populations de Coyah centre ont appris ce qui se passait à Maneah, notamment qu’une femme avait été atteinte par balle. A Coyah aussi, les citoyens ont commencé à manifester mais tout était déjà paralysé à Maneah ici ».

Selon les différents témoignages recueillis sur place, le bilan de cette journée de violences à Friguiady, Maneah et Coyah se situe entre cinq et sept morts et plus d’une dizaine de blessés. Le poste de gendarmerie de Maneah et le commissariat central de police de Coyah ont également été attaqués par des manifestants.

Le soir même, le barrage sanitaire à l’origine des tensions a été déplacé de Friguiady vers Kouriah, à la sortie de Coyah sur la route nationale de Kindia. En guise de protestation contre ces violences, les populations endeuillées de la préfecture de Coyah ont décidé de refuser de porter leur masque pourtant obligatoire en Guinée depuis le 18 avril. Finalement, c’est le 4 juin qu’elles ont accepté de reprendre leur masque à l’issue d’une intense sensibilisation menée par les autorités préfectorales.

Le poste de gendarmerie de Maneah a repris service. Tandis que le commissariat central de Coyah est toujours en rénovation (les travaux avaient été entamés bien avant les événements meurtriers du 12 mai 2020).

Balla Yombouno

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