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VIOLENCES MEURTRIÈRES A COYAH  : un mois après, des proches de victimes racontent

La journée du 12 mai 2020 a été marquée dans la préfecture de Coyah par une série de manifestations qui ont été réprimées dans le sang par les forces de défense et de sécurité. Ce mardi, en plein mois de Ramadan, ce n’était ni la chaleur accablante de cette journée ensoleillée, ni les préparatifs de la rupture de jeûne qui préoccupaient les citoyens de cette préfecture située à une cinquantaine de kilomètres aux portes est de Conakry. Depuis la mise en place d’un barrage sanitaire au district de Friguiady relevant de la commune rurale de Maneah dans la préfecture de Coyah, dans le cadre du plan d’isolement de Conakry pour lutter contre la propagation du nouveau coronavirus en Guinée, la tension n’a cessé de monter entre agents et population riveraine qui se plaint des restrictions de déplacement et des tracasseries dont elle fait les frais.

Après trois tentatives infructueuses d’embarquer des passagers venus de Conakry voulant atteindre Coyah pour poursuivre leur périple à l’intérieur du pays, ils sont chassés du carrefour de la Bananeraie, où ils s’étaient repliés dans l’espoir que certains voyageurs parviendraient à franchir le barrage, par des militaires qui ont compris leur manège. A leur tour, les conducteurs de taxi-moto érigent un barrage à Maneah à quelques kilomètre de Friguiady. Rapidement, des échauffourées ont éclaté entre les conducteurs de taxi-moto appuyés par la population riveraine et les forces de défense et de sécurité et la situation a dégénéré, faisant entre 5 et 7 morts, selon les sources, et plus d’une dizaines de blessés.

Un mois après ces événements meurtriers, Ledjely.com a décidé de retourner sur place pour rencontrer des proches de victimes afin de comprendre comment des citoyens Guinéens ont pu être tués par d’autres Guinéens à Friguiady, Maneah et Coyah en pleine journée de Ramadan dans un pays où la majorité de la population est de confession musulmane…

Nous sommes dans la famille de Mamadou Yaya Bah, communément appelé Babein, boucher de profession,  tué ce 12 mai 2020 dans le quartier Fily dans la commune urbaine de Coyah à 50 mètres des lieux où il donnait à manger à ses bœufs. Selon son oncle, il a été tué par un groupe de gendarmes venus dans un pickup blanc. « Il a reçu la balle au niveau de la nuque avant de lui traverser la tête. C’était aux alentours de 11 heures », explique Thierno Maadjou Baldé.

D’après son oncle, le jeune Mamadou Yaya, célibataire, était un pilier important de la famille. « Il était boucher et très utile pour nous sa famille. Il donnait de l’argent à la famille et assurait beaucoup de commissions. Il déchargeait ma grande sœur par rapport à beaucoup de ses mouvements. C’est vraiment déplorable de voir un proche se faire assassiner par par des gendarmes. Il a été assassiné pendant qu’il était en jeûne. Nous sommes vraiment touchés par sa mort surtout la manière dont il a été assassiné. Il a été tiré à bout portant sur la nuque et la balle a traversé la tête. Il est tombé sur le coup en perdant beaucoup de sang. Il a agonisé jusqu’à rendre l’âme. Et nous qui l’avons vu dans cet  état, jusqu’à présent cette scène atroce nous revient dans la tête », ajoute M. Baldé.

Aux dires de l’oncle du défunt, une délégation au nom du gouvernement s’est rendue dans la famille endeuillée avec un sac de riz et une enveloppe symbolique pour présenter ses condoléances.  « On peut dire que si on est croyants de laisser à Dieu, mais les parents des victimes ne vont jamais oublier. Nous comptons porter plainte, car nous voulons que justice soit faite. Si vous partez aujourd’hui au marché de Coyah et demander quels sont ceux qui ont assassiné les gens le 12 mai, certaines femmes vous donneront  les noms de certains d’entre eux », assure-t-il.

Aminata Camara était assise devant sa porte lorsque « Babein » a reçu la balle qui lui a été fatale. « Ils ont tiré sur Babein à bout portant et il est tombé. Il a trempé dans le sang et fait des mouvements à terre jusqu’à mourrir. C’est vraiment déplorable », raconte l’octogénaire.

Ce mardi 12 mai 2020, le soleil est au zénith lorsque le jeune Aboulaye Bangoura 26 ans, chauffeur de profession, est tué au carrefour Pantalon par un gendarme qui serait une de ses connaissances.

Rencontrée dans sa maison datant de l’époque coloniale, sa mère explique comment elle a  appris le décès de son fils. «  On était couchés au salon quand il a été appelé par un de ses grands qui lui a demander de venir changer la cassette DVD qu’il avait achetée. Mais il a dit à ce dernier qu’il a peur de sortir parce que ça tire un peu partout. Mais malgré tout, il est allé rencontrer son grand. A son retour, il s’est rendu dans sa belle-famille. Sur le chemin du retour à la maison, juste au niveau du carrefour Pantalon, un gendarme qui semble le connaitre a tiré sur lui sur sa main d’abord. Mon fils a dit ‘mon grand, j’ai fait quoi ? Je suis en jeûne’. Celui-ci lui a répondu ‘aujourd’hui, Aboulaye, on va te tuer’. Ensuite, ils ont tiré sur lui au niveau de l’épaule, suivi de  son ventre. Et directement, ses intestins sont sortis dehors. Les gens qui étaient à côté ont tenté de le secourir, mais il est mort avant qu’ils ne soient à l’hôpital. C’est un gendarme qui a tué mon fils », accuse en larmes Fatou Soumah Coyah.

Elle explique que le jeune Abdoulaye était tout pour elle et la famille : « C’est lui qui lavaist mes habits et c’est lui qui donnait ma dépense. C’est lui qui faisait tout pour nous dans la maison ». Selon Fatou Soumah Coyah, une délégation des autorités composée du maire, de l’imam et du sous-préfet de Maneah s’est rendue dans la famille au lendemain de la mort de son fils pour apporter un sac de riz et la somme de cinq millions de francs guinéens. « Mais depuis, ils n’ont rien fait  », déplore la mère de famille.

Parmi les victimes du 12 mai dans la préfecture de Coyah, il y a une femme, mère de quatre enfants et enceinte au moment des faits. Mamadama Bangoura était vendeuse de haricots. Depuis ce jour, son mari Naby Camara, agent de la sécurité dans une société de gardiennage, ne se retrouve plus. « Ce jour-là, comme d’habitude, j’ai donné la dépense à ma femme pour se rendre au marché. Quelque temps après, j’ai été appelé par la fille de mon oncle me disant de venir vite à la maison, car ma femme a été touchée par balle au marché. Mais moi je pensais qu’elle a été touchée au niveau du pied ou au bras. C’est ainsi que j’ai marché jusqu’à l’hôpital préfectoral de Coyah. On m’a fait entrer à la morgue où j’ai trouvé  ma femme  morte. Je n’en croyais pas et jusqu’à présent je ne me retrouve pas. A la morgue j’ai pleuré à chaudes larmes. J’ai crié ‘Mamadama, réveille-toi on va rentrer à la maison’. J’étais complètement bouleversé en voyant le corps de ma femme dans le sang. Ils ont tiré sur elle de dos et la balle est sortie vers le ventre », précise-t-il.

Naby Camara aussi indique qu’une délégation s’est rendue chez lui avec un sac de riz et cinq millions de francs guinéens pour consoler la famille. « La délégation en tête le préfet de Coyah (Ibrahima Barboza Soumah, muté après à Dabola), est venue nous rendre visite. Ils nous ont donné cinq millions et un sac de riz. Mais moi, j’ai appris que c’était 20 millions de francs guinéens qui étaient prévus pour les familles de chaque victime », assure-t-il.

Mamadama Bangoura, décrite comme une femme qui prenait soin de sa famille, repose  désormais derrière la maison familiale. Naby Camara garde d’elle une femme qui n’a jamais accepté que son mari souffre. « Elle souhaitait que je sois toujours propre avant de sortir de la maison, elle m’aimait beaucoup », explique-t-il.

Retrouvez notre article sur les origines de ces violences meurtrières à Coyah ici

Balla Yombouno, de retour de Coyah pour Ledjely.com

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