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HARCELEMENT SEXUEL : une victime témoigne…(#2)

Nous poursuivons notre série des témoignages sur le phénomène de harcèlement sexuel qui sévit insidieusement dans le monde du travail. Cette fois, le patron harceleur s’y prend avec plus de finesse. Il semble même avoir un peu plus de scrupule car aux yeux de la victime même, il regrette et s’excuse. Mais pour cette dernière, cela ne fait pas la différence. A l’époque, elle était encore à l’université et restait convaincue que le sérieux qu’elle mettait dans ses études suffisait pour lui ouvrir la voie vers un épanouissement professionnel. Aussi, quand, pour la première fois, on lui a dit qu’il fallait qu’elle passe par le lit de son potentiel employeur avant de pouvoir décrocher le job, elle en a éprouvé un choc qu’elle a du mal à réfréner, huit ans après…

Comment avez-vous été victime de harcèlement  sexuel pour la première fois ?

En 2012 j’étais encore à l’université, mais j’avais déjà commencé à avoir des opportunités de stage et de travail. Une fois il y a une structure de communication qui recrutait. Des amies m’en ont parlé et on est allé voir.  Je précise que le jour que nous sommes allés, on était 4 filles et 2 garçons. Mais les choses se sont révélées plus compliquées pour moi, car le directeur de la structure m’a fait des avances. J’ai été choquée par ce qu’il m’a dit, parce que c’était pratiquement la première fois. Certes, à l’université, j’avais rencontré des professeurs qui me draguaient carrément, mais j’arrivais toujours à m’en sortir, en trouvant des astuces pour ne pas les vexer, mais tout en restant ferme sur ma position.

A votre avis, pourquoi a-t-il tout de suite jeté son dévolu sur vous ? Pourquoi vous particulièrement ?

D’abord, je pense que je me dois de corriger. Je n’ai pas la preuve que j’étais la seule à laquelle il a fait des avances. Il est vrai que les autres copines de classe ne m’en ont pas parlé. Mais aucune d’entre nous n’avait été rappelée. Quant aux raisons qui pourraient l’avoir guidé vers moi, je pense que ça ne peut être que mon physique. Vous savez, je suis réputée pour être une belle fille, avec notamment une rondeur vers le bas que les hommes ont toujours flattée. J’imagine que c’est juste cela qui l’a attiré. Autrement, nous ne nous connaissions pas encore pour que ce soit une autre de mes qualités qui l’ait impressionné.

Mais qu’est ce que ce directeur vous a dit exactement ?

Avec le recul, je cerne mieux sa stratégie. Il a d’abord essayé de me déstabiliser moralement. Il a commencé par me reprocher mon accent. Celui-ci est un peu trop prononcé, m’a-t-il dit et qu’il me serait difficile de trouver de l’emploi dans le domaine de la communication où la voix est importante. L’idéal, disait-il, était d’avoir une voix neutre et non pas une voix qui vous rattache à une communauté donnée. A la suite de ce verdict, il m’a proposée des séances individualisées qui lui permettraient, selon ses termes, « d’ajuster » ma voix. « Ecoutes, si tu viens pour travailler ici il va falloir qu’on travaille sur ta voix, il va falloir qu’on fasse des séances de travail toi et moi et pendant ce temps, je pourrai t’ajuster », m’avait-il exactement dit.

Dans un premier temps, je n’y voyais aucun inconvénient. Tout cela me paraissait naturel. Je le croyais sincère. Mais à force d’appuyer dessus, il a fini par éveiller des soupçons en moi. J’ai commencé d’abord à m’interroger sur le bien-fondé de me demander d’être ce que je n’étais pas. Pour voudrait-il que je ne sois pas naturelle dans ma façon de parler ? Mais très vite, je suis sortie de ces questionnements, car ce qu’il a proposé par la suite était très évident quant à ses intentions réelles. J’en suis encore très choquée.

Qu’est ce qui est arrivé après ?

Un jour, il m’a appelée. J’étais quelque part où je faisais déjà un stage.  Il m’a demandé de venir de toute urgence. Au téléphone, il m’annonce qu’on venait de sélectionner tout le monde et qu’en ce qui me concerne, j’étais arrivée deuxième.  « Je voudrais que tu viennes urgemment, on va essayer de poser ta voix et la traiter pour voir si c’est bon ou pas ». Sa structure était vers  Sonfonia, mais j’ai fait l’effort de venir dans le délai qu’il avait indiqué.  Mais quand je l’ai trouvé sur place, il m’a clairement fait part de ses intentions. « Tu sais, tu es belle fille, tu as une belle forme. Franchement, je peux toujours essayer de t’aider, mais il va falloir d’abord qu’on fasse quelque chose ensemble, qu’on sorte ensemble, genre qu’on soit comme de petits copains », ainsi s’est-il adressé à moi.

Ne m’y attendant pas, j’étais très choquée. « Ah, c’est donc un truc comme ça », ai-je demandé ? Je crois qu’il a dit quelque chose en guise de réponse. Mais très honnêtement, j’étais si perturbée que je ne me souviens plus exactement ce qu’il a dit. Quelques minutes après, quand j’ai un peu récupéré, je le lui ai dit : « écoutez, je suis désolée. C’est bien vrai que je cherche un boulot, mais je cherche à gagner ma vie dignement. Je n’ai même pas encore fini l’université, mais rassurez-vous que je n’ai pas besoin d’avoir un travail qui me pousse à faire des choses que je ne veux pas. Je ne suis pas non plus venue à Conakry pour avoir un boulot, quitte à coucher avec tout le monde. Si c’est comme ça vos priorités, je ne veux pas travailler dans votre travail ».

Je me rappelle encore comme si c’était aujourd’hui. C’était un jeudi et j’étais à jeûne.  Je lui ai par la suite dit que je n’étais même plus prédisposée à entendre ce qu’il avait à dire. Sur ce, je lui ai dit au revoir.  Comme si ma réaction l’avait affecté, il m’a présenté ses excuses.  « Excuses moi alors ! Dis moi où tu habites je vais te raccompagner ». J’étais à Sangoyah, mais je lui ai dit « non ce n’est pas la peine, merci beaucoup », ai-je décliné. J’ai pris un taxi, je suis rentrée à la maison.

Est-ce que cela s’est reproduit après ?

Oui, à plusieurs reprises. Bien sûr, pas avec lui. Mais il est arrivé que d’autres gens me proposent des boulots, mais sans que cela ne débouche sur un contrat. Juste parce qu’entre temps, j’ai refusé les avances d’un des responsables. Mais pour moi l’essentiel est de garder la tête haute et de savoir que tout est d’abord question de destin. Si vous n’avez pas obtenu un emploi que vous désiriez, c’est quelque part parce que ledit emploi ne vous était pas destiné.

Vous est-il arrivé de regretter votre choix ?

Jamais ! Je n’ai jamais regretté d’avoir dit non à quelqu’un qui en voulait à ma dignité, qui a essayé de me rabaisser ou qui a pensé que je ne méritais pas quelque chose et qui aura estimé que n’y aurais droit qu’en couchant avec un homme.

J’ai étudié comme les hommes, donc je sais que je dois mériter tout ce que je dois avoir dans la vie. Partout où un homme est capable d’aller, je sais que je suis capable d’y aller. Bien sûr, le chemin peut être plus long pour moi, mais je demeure convaincue que je peux arriver sans passer par un hôtel ou un directeur. Je pense que toute femme qui est capable de faire valoir  ses compétences  peut s’en sortir sans avoir à faire des bêtises comme ça. Car, qu’on ne se trompe pas, ces choses vous suivent toute la vie. Quand tu te laisses aller à ces bêtises, même tu venais à te hisser au sommet, celui avec qui tu les a faites n’aura jamais d’estime pour toi. Même si par ailleurs ton ascension est amplement méritée.

Propos transcris par Hawa Bah

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