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LES MIRAGES DE SIMANDOU : Que sont devenus les 700 millions de Rio Tinto? (#3)

Alors que les blocs nord de Simandou viennent d’être attribués à Winning Consortium Simandou SAU, Ledjely revient sur trois grands moments de la conquête du plus grand gisement de fer inexploité au monde. Dans cette troisième et dernière partie de notre feuilleton, il est question de la gestion d’une enveloppe faramineuse, les 700 millions de dollars versés par Rio Tinto à la Guinée pour sécuriser ses droits miniers. Une enquête soutenue par le projet Money Trail de l’ONG Journalismfund.eu

Dans l’accord transactionnel du 22 avril 2011 entre la société Simfer SA, filiale guinéenne du groupe minier anglo-australien Rio Tinto, et le gouvernement guinéen, Simfer SA s’est engagée à verser au trésor public la somme de 700 millions de dollars. 700 millions de dollars (ou 750 millions, voir épisode 2), c’est certes en deçà du milliard de dollars initialement réclamés par le président Condé à Rio Tinto selon une source proche du dossier.

Mais c’est tout de même une somme. Surtout que les caisses de l’Etat sont vides et le déficit budgétaire, abyssal, fin 2010, quand le pouvoir passe entre les mains d’Alpha Condé à l’issue de l’élection présidentielle. Comment utiliser cette manne financière ? L’injecter dans le budget pour remettre à flot les finances publiques ? Encadrer sa gestion avec l’aide des institutions financières internationales ? Le deuxième scénario s’impose.

Un Fonds spécial d’investissement (FSI)

Le 31 décembre 2011, le « Professeur Alpha Condé » signe la loi de finances pour l’année 2012 dont l’article 26 dispose qu’« il est créé un Fonds spécial d’investissement » (FSI). Ce fonds a été en réalité mis en place avec l’assistance du Fonds monétaire international (FMI) afin de gérer les « recettes minières exceptionnelles » payées par Rio Tinto en avril 2011. « Le FSI prendra la forme d’un compte (budgétaire) spécial du Trésor, précise le FMI dans un rapport du 11 février 2012. (Il) financera des projets figurant dans le programme d’investissement public; ce financement et les projets concernés seront soumis aux dispositions générales de la gestion des finances publiques et feront partie des budgets annuels tel qu’approuvés par le Parlement.».

Le 30 mars 2012 le décret n°048 portant organisation et modalités de fonctionnement du FSI est publié. Sa création figure également dans le Journal officiel du 23 décembre 2013. Le Comité de direction du FSI est présidé par le ministre de l’Economie et des Finances Kerfalla Yansané et il compte parmi ses membres d’autres ministres, le gouverneur de la Banque centrale et des hauts fonctionnaires. Avec l’aide de la Banque mondiale – censée appuyer la structure de gouvernance du Fonds et « lui soumettre des projets qu’il pourrait financer, dans le cadre du programme d’investissement public triennal 2013–15 » -, le ministère de l’Economie et des Finances émettra même un appel à candidature pour recruter un consultant afin d’encadrer la mise en oeuvre du FSI. Mais « sans succès » selon un témoin de ce processus.

Cinq ans après la fin supposée de l’utilisation des recettes minières exceptionnelles qui ont doté le FSI, ni le FMI, ni la Banque Mondiale, ni le ministère de l’Economie et des Finances n’ont pu produire de document exhaustif sur la gestion des 700 millions de dollars de Rio Tinto. Les parlementaires guinéens de l’opposition ont de leur côté réclamé, en vain, des comptes à l’exécutif lors de la précédente législature.

 Seul le FMI établit dans un rapport de mars 2012 le décompte suivant : « le gouvernement a engagé 185,5 millions de dollars dans le budget 2011, dont 145 millions de dollars pour des investissements publics urgents, principalement dans le secteur de l’électricité. 214 millions de dollars de ces ressources seront affectés au budget 2012 pour l’investissement public, là encore principalement dans l’électricité. En outre, 50 millions de dollars pourraient être engagés pour une éventuelle recapitalisation de la BCRG en 2012. Les autorités ont l’intention de réserver les 250 millions de dollars restants pour contribuer au financement de leur programme d’investissement public à moyen terme (PIP) ».

Seuls certains rapports du FMI mentionnent brièvement la gestion des 700 millions de Rio Tinto, aucune institution n’ayant pu produire de compte-rendu exhaustif sur l’utilisation de ce fonds

Un écart se situant entre 120 et 170 millions de dollars

Tenter de faire correspondre les mouvement financiers indiqués par le FMI avec ceux observés dans les lois de finance sur la période 2011-2015 nous a précédemment amenés à constater un écart d’environ 120 millions de dollars (et de 170 millions de dollars dans l’hypothèse où la Guinée aurait perçu 750 et non 700 millions de dollars de Rio Tinto). Interrogé par Libération, le FMI confirmait alors son décompte, en se défaussant un brin sur l’administration guinéenne qui le lui aurait transmis. Contacté et relancé, le Ministère de l’Economie et des Finances n’avait pas souhaité répondre à nos questions.

Ledjely en remet donc une couche pour comprendre où sont passés les 700 millions de Rio Tinto. Sur les 450 millions de dollars utilisés entre 2011 et 2012, 359 millions de dollars se destinaient donc à des investissements publics « principalement » dans le secteur de l’énergie. Un chantier prioritaire pour le président Condé, qui dit vouloir « électrifier le pays en trois mois » peu après son arrivée au pouvoir. En 2011, environ 18% de la population a accès à l’électricité selon un rapport du Système d’information énergétique de Guinée, qui souligne la « mauvaise desserte » en électricité et la piètre qualité des installations existantes.

Premier chantier d’envergure, et marqueur du premier mandat du chef de l’Etat : le barrage hydro-éléctrique de Kaleta d’une capacité de 240 MW, situé à une centaine de km de Conakry sur le fleuve Konkouré. Plus de 110 millions de dollars, issus du FSI, sont investis par la Guinée dans ce projet dont les travaux débutent en avril 2012. Soit un quart du coût total (446 millions de dollars). Les 75% restants sont financés par la banque publique chinoise d’import-export Eximbank qui accorde un crédit à taux préférentiel à la Guinée.

Le gouvernement guinéen s’oriente parallèlement vers des projets d’adjonction thermique, en vue de pallier le déficit énergétique. Mais les transactions semblent se mener dans l’urgence. Le Ministre d’État chargé de l’Energie Papa Koly Kourouma négocie deux contrats avec des sociétés liées au conglomérat turc Öztürk Grup, que Ledjely a pu consulter. Ils comprennent l’étude, la fourniture, l’installation, le raccordement aux réseaux existants et la mise en service de deux centrales, fixe et mobile, d’une capacité de 100 MW en trois mois, pour 133 millions de dollars. Sauf que la collaboration tourne court. La « description d’un système de centrale électrique thermique composé d’un moteur unique de 100 MW, témoigne une source proche du dossier, ne correspondait en rien aux deux moteurs de 50MW chacun, spécifiés dans les termes de référence des deux projets de contrats d’acquisition ».

Asperbras, des services flous et des ramifications insoupçonnées

Des locations de groupes électrogènes sont également envisagées. Parmi les fournisseurs, le Britannique AGGREKO (50 MW sur 6 mois de septembre 2013 à février 2014), mais avec qui le gouvernement « procède à la signature de façon précipitée » et dont le coût des prestations est « très élevé, estime en novembre 2015 l’Agence française de développement (AFD) dans une note intitulée « Projet de réhabilitation et extension du réseau de transport et distribution de Conakry ». Plus d’un an après, ce contrat est toujours en vigueur grevant considérablement le budget de l’Etat. »

Un autre contrat pour 100 MW a été « signé avec la société Asperbras, payé en grande partie sans pour autant (que) le moindre MW (ne soit) fourni », poursuit l’AFD. Le marché avec cette société brésilienne initialement spécialisée dans la fabrication de tuyaux en PVC a provoqué un tollé en Guinée. Il y a d’ailleurs lieu de croire que le président Alpha Condé y fait allusion quand il se justifie lors de l’inauguration du barrage de Kaleta le 27 août 2015 : « Nous avons fait une erreur grave en achetant les centrales thermiques (…). Les 120 millions de dollars qui ont été consacrés à l’achat de nouvelles centrales thermiques auraient pu être utilisés par l’État pour améliorer le réseau de transport et de distribution du courant ».

« Le marché (avec Asperbras) a été passé dans des conditions obscures parce qu’on n’avait même pas encore résilié le marché qui avait été passé avec les Turcs, déclare quant à lui le ministre de l’Energie Papa Koly Kourouma lors d’une conférence de presse le 20 juillet 2016 – il a alors basculé dans l’opposition. « Asperbras est venue en Guinée par l’intermédiaire du président Sassou N’Guesso du Congo qui est l’ami intime du président Alpha Condé, (…) pour faire de la Géophysique dans le cadre des mines. Une fois en Guinée, elle s’est transformée en société d’énergie. (…) », ajoute-t-il. C’est le 5 octobre 2011, précisément, qu’est conclu un contrat portant sur la fourniture d’une centrale thermique à moteur diesel d’une capacité de 100 MW, pour un montant de 122 millions de dollars, précise un rapport de septembre 2017 de l’ONG suisse Public Eye intitulé Gunvor au Congo. Mais les enquêteurs soulignent que l’accord est signé entre la Guinée et Energy and Mining ASP Inc (EMAI). Une filiale d’Asperbras, établie aux Iles Vierges britanniques (un paradis fiscal).

Dans un courrier daté du 1er mars 2012 obtenu par Ledjely, EMAI confirme au ministre de l’Energie Papa Koly Kourouma avoir reçu un premier paiement de 61 millions de dollars. Il se destine, précise ce document, au géant allemand de l’énergie MAN SE, ainsi qu’à USP&E Africa branche africaine du fournisseur américain de générateurs. MAN SE indique au Djely que « le projet (de centrale de 100 MW) a calé » et qu’il n’en est plus devenu responsable. Et qu’il a, au final, seulement « fourni et mis en service des moteurs. La centrale a été construite par (la société turque) 1lTekno », et livrée à la Guinée vers 2016. Soit.

Si la première moitié du paiement a bel et bien été transférée sur les comptes de sous-traitants spécialisés dans l’énergie, à quoi a servi l’autre tranche de 61 millions de dollars? Papa Koly Kourouma confirme au Djely qu’ils ont été réglés à la filiale d’Asperbras, Energy and Mining ASP Inc. Mais pour quels services en contrepartie ? Le flou règne sur ce point. Plus intriguant encore : le compte bancaire d’EMAI sur lequel le gouvernement guinéen a transféré 61 millions de dollars selon ce document daté du 1er mars 2012, est  ouvert à l’antenne cap-verdienne du défunt groupe bancaire portugais Banco Espirito Santo. Or, la société EMAI, qui n’a ni site internet, ni trace d’activité particulière sur la toile, apparaît dans une autre affaire, avec un compte bancaire également domicilié au Cap-Vert chez Banco Espirito Santo. Une affaire qui implique Asperbras… Au Congo. Près d’un an plus tard, à partir de janvier 2013 selon un  rapport de Global Witness, le compte d’EMAI au Cap-Vert semble servir à redistribuer des fonds publics initialement destinés à Asperbras en contrepartie de services, à des sociétés fictives secrètement détenues par le fils du président congolais. Grâce à ce montage financier, Chrystel Sassou Nguesso aurait empoché 50 millions de dollars, estime l’ONG britannique.

Faire le point sur la contribution des 700 millions de Rio Tinto aux progrès de l’électrification en Guinée relève donc d’une gageure. EDG rend compte de divers projets réalisés, et notamment à Kaloum 1, Kaloum 2 et Kipé en 2015 et 2016, mais sans bilan sur l’utilisation du FSI de la part des instances financières guinéenne ou internationales, il paraît difficile d’établir qu’ils ont été réalisés avec ces recettes minières.

Outre les investissements prioritaires dans le secteur de l’énergie, le rapport pays du FMI de mars 2012 précise que 40 millions de dollars ont été injectés dans le budget en 2011, et 50 millions de dollars provenant du FSI « pourraient servir à une éventuelle recapitalisation de la Banque centrale de Guinée en 2012 ». De quoi expliquer peut-être, et en partie, certains rebonds observés dans le rapport de présentation du projet des lois de finance introduit au Parlement en juin 2013 : hausse de la masse monétaire de 6,4% en glissement annuel, augmentation des crédits au gouvernement (+51,3%) et à l’économie (+38,3%) – sachant que le FMI a aussi accordé une facilité de crédit élargie pour la première fois à la Guinée en 2012.

Passé la période 2011-2012, 250 millions de dollars du Fonds spécial constitué des recettes de Rio Tinto étaient censés financer des investissements publics entre 2013 et 2015. L’utilisation de la manne du FSI figure d’ailleurs dans les lois de finance 2013 et 2014. Elle s’élève à 906 250 000 000 GNF en 2013 (131,2 millions de dollars à la date de signature de la loi de finance le 31 décembre 2012), et à 875 000 000 000 GNF en 2014 (123,7 millions de dollars à la date de signature le 7 novembre 2014). Soit un montant total de près de 255 millions de dollars. Sauf que 232 millions issus de cette enveloppe ont été réellement dépensés, selon deux documents récapitulatifs versés en 2015 à la procédure BSG-R contre la République de Guinée devant le tribunal arbitral de la Banque mondiale (CIRDI), alors que Conakry se défend d’avoir dilapidé les recettes minières exceptionnelles de Rio Tinto.

A quoi ces fonds ont-ils donc servi ? Seule la loi de finance 2014 intègre un tableau des dépenses mentionnant 22 réalisations.

Dans les tableaux transmis au CIRDI – et que nous insérons ci-dessous, on en dénombre beaucoup plus : plus d’une centaine de lignes dans le document du 13 avril 2015 se référant à l’exercice 2013, et environ le double dans le document du 13 février 2015 se rapportant à 2014

Cinq universités et 4 micro-barrages toujours attendus

Document du 13 avril 2015 se référant à l’exercice 2013

Document du 13 février 2015 se rapportant à 2014

Ledjely a vérifié sur le terrain une partie des chantiers mentionnés. L’étude et la construction de cinq universités facturées à 12,4 milliards de GNF est une promesse que les citoyens guinéens continuent d’attendre. Les turbines des 4 micro-barrages (24,4 milliards de GNF) ne tournent toujours pas. Ces projets concernent les 4 régions naturelles : Fökö (2,5 MW), Bagata (1,2MW), Founkéya Bankô (4MW) et Lokoua (6MW). L’élaboration des termes de référence pour les études est en cours, mais leur mise en œuvre était prévue entre 2016 et 2020.

La route Labé-Madina-Gounas (17,5 milliards de GNF) semble en cours de réalisation. Le projet pilote de pavage des rues de Conakry a été partiellement exécuté. Concernant la reconstruction et le bitumage de la route nationale 6 (RN6) sur le tronçon Kissidougou–Kankan, les travaux sont à l’arrêt. Le chantier de réhabilitation de la route Dabola-Kouroussa est quant à lui inachevé, tout comme la construction de 24 salles de classe à Madina Sig.

Parmi les autres projets mentionnés : la fourniture, installation et mise en service de 30 000 lampadaires solaires photovoltaïques à travers le pays par le Groupement China Jiangsu International–ADS, la construction et de bitumage de la route nationale 7 (RN7) sur le tronçon Kankan–Mandiana–Fleuve Sankarani par GUITER SA, ou la construction d’un collège de huit salles dans la sous-préfecture de Mali.

Des irrégularités dans l’attribution des marchés

Face à la quantité de chantiers à mettre en œuvre, il y aurait aussi lieu de s’interroger sur l’octroi des marchés publics. D’autant que l’analyse des statistiques de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) sur la période 2013- 2015 fait ressortir plusieurs irrégularités. Un spécialiste du secteur a partagé ses constats avec Ledjely. Durant ces trois années, 1544 marchés ont été octroyés à 1167 entreprises, soit environ 1,3 marchés par entreprise en moyenne. Mais si une large majorité d’entreprises ont obtenu 1 voir 2 marchés, certaines d’entre elles en ont raflé bien davantage – jusqu’à 28 marchés. Par ailleurs, 13 départements ministériels sur 15 ont dépassé le nombre de passation de marchés de gré-à-gré autorisé par le code des marchés publics.

A la lumière de ces infractions, des transactions opaques ou gérées à la hâte dans le secteur de l’énergie, de la pléthore d’investissements publics annoncés mais peu visibles sur le terrain, ou des explications lacunaires du FMI et de la Banque mondiale, il semble de plus en plus ardu de faire la lumière sur l’utilisation des 700 millions de dollars de Rio Tinto. Et même en haut lieu. Lorsque le premier Président de la Cour des comptes Mohamed Diaré réclame le 9 juillet 2019 à l’ordonnateur principal, des crédits globaux du pays, Mamadi Camara, des compléments d’information sur les projets de lois de règlement et comptes-rendus budgétaires de 2014 à 2016, ce dernier évoque trois semaines plus tard « des difficultés rencontrées dans la conciliation des données liées aux paiements de la direction nationale du Trésor et de la comptabilité publique, et celles liées à la chaine des dépenses ». Par conséquent, écrit-il «la situation des paiements des dépenses par section ainsi que les ouvertures et annulations des crédits correspondantes » n’a pas pu être reconstituée. Signe d’une gestion nébuleuse des affaires au moment-même où 250 millions de dollars du FSI étaient assignés à des projets de service public.

Reste une question : si le compte n’y est pas, où est passée la part manquante des 700 millions? En l’état, rien ne permet de tracer d’éventuels détournements de ces fonds au moment où ils étaient censés soutenir des projets de service public. Mais on peut esquisser quelques pistes. Et d’abord revenir sur une autre affaire qui a fait grand bruit en Guinée, en 2014 cette fois : la saisie, par les douanes sénégalaises, d’une cargaison de devises étrangères. Ce 8 août, en pleine épidémie Ebola, le trafic aérien est presque à l’arrêt à l’aéroport international de Conakry-Gbessia. C’est ainsi qu’un avion petit porteur en provenance de Guinée se pose sur le tarmac de l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar. Un passager en descend et s’apprête à embarquer sur un vol à destination de Dubaï. Deux semaines plus tard, un douanier sénégalais lâche au journaliste sénégalais Mohamed Gueye : « j’ai raté le coup de ma vie ». Ce dernier s’empresse alors de relater dans Le Quotidien la saisie par les douanes l’équivalent de 4 milliards de Francs CFA, et un transport de fonds dont « l’ordre aurait même été donné au plus haut niveau, depuis la présidence de la République ». Il provoque aussitôt l’ire de Conakry. Le ministre sénégalais des Finances intervient, la présidence de la république guinéenne se fend d’un communiqué de presse : « comme toutes les banques centrales, la BCRG procède de temps en temps, en fonction des demandes des banques primaires, à des expéditions de valeur auprès de ses correspondants étrangers ». Des expéditions de grande valeur, en l’occurrence, puisqu’il s’avèrera que la valise contenait 20 millions de dollars, retirés le même jour à 13h30 à la Banque centrale de Conakry en coupures de 100 dollars. Le transporteur, un employé de MS Security (MSS), une société de sécurité mauritanienne, repartira le lendemain pour Dubaï, et le journaliste Mohamed Gueye sera accusé d’avoir diffamé le président Alpha Condé.

Pourtant, à la décharge de Mohamed Gueye, l’hypothèse de la fuite de capitaux ne peut être écartée. Ledjely a pu consulter une lettre d’entente signée le 15 mai 2014 par la Banque centrale de la République de Guinée et MSS. La BCRG se propose de remettre à MSS pour colisage et expéditions, à compter du lundi 23 juin 2014, les montants de 58 millions de dollars par tranche de 10 millions, et de 20 millions d’euros en une tranche. Or, ce document, à la différence d’une dizaine d’autres lettres de transfert signées antérieurement par la BCRG, ne mentionne ni le compte bénéficiaire de l’argent transporté, ni le nom de la banque de destination finale. Par ailleurs, les retraits de cash à la BSRG se sont poursuivis au moins jusqu’à fin août 2014.

La piste des biens mal acquis

Ensuite, la piste des biens mal acquis par des officiels agite certains Guinéens, à commencer par le président du collectif contre l’impunité en Guinée, Ibrahim Sory Makanera. Basé en région parisienne, il s’intéresse aux biens immobiliers de certains membres du gouvernements ou hauts fonctionnaires. Récemment, il avait publié des bribes d’une promesse de vente – authentifiée par Ledjely – concernant l’achat par l’épouse du premier président de la cour des comptes Mohamed Diaré d’une confortable villa avec piscine à Domont, dans le Val d’Oise, en région parisienne. Coût global de l’opération : 745 000 euros. Plan de financement : « deniers personnels ou assimilés » – soit un financement sans crédit bancaire, fait rare en France où la plupart des transactions passent par l’obtention d’un prêt immobilier. Vérification faite par Ledjely auprès du service de publicité foncière, un service administratif et fiscal français, la promesse de vente datée du 1er septembre 2014 a été modifiée les 30 octobre et 10 novembre. Parmi ces modifications, le changement du nom de l’acquéreur. C’est ainsi que l’homme d’affaires Kerfalla Camara (KPC), dont les services dans le BTP étaient très prisés par l’administration au moment des faits, est devenu propriétaire du bien… avant de le revendre le 9 septembre 2016 pour 590 000 euros.

Akoumba Diallo et Agnès Faivre

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