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MALI : première brouille entre le M5-RFP et le CNSP

Après une idylle d’à peine dix jours, les premières scènes de ménage apparaissent au sein du couple formé par le Conseil national pour le salut du peuple (CNSP, la junte qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta, ndlr) et le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Les rôles et places que les uns et les autres voudraient avoir dans la gestion de la période de la transition finissent manifestement par générer la méfiance entre les deux camps. D’une part, le CNSP, se méfiant en particulier de la branche politique du M5 à laquelle il impute au moins en partie la responsabilité de la situation de crise généralisée que connait aujourd’hui le Mali, reste sceptique quant à l’idée d’associer cette dernière à la gestion d’une période censée acter la refondation du pays. D’autre part, la plateforme réunie autour de l’imam Mahmoud Keïta, surfant sur la légitimité que lui confère la contestation qu’elle a menée tous ces derniers mois, n’entend pas laisser les manettes du pays entre les mains d’un groupe d’officiers au risque de voir ceux-ci se cramponner au pouvoir, en s’y habituant. D’où ce premier couac auquel l’opinion publique a eu droit ce samedi avec cette invitation à la concertation lancée par la junte et dont le M5-RFP était exclu. Depuis, nous dit-on, les deux camps se sont parlés et les différends aplanis. Mais ce couac-là est sans doute annonciateur d’une cohabitation qui ne sera pas nécessairement apaisée.

L’armée et la politique, l’osmose n’a jamais pris

Même si les premiers propos plutôt flatteurs que certains leaders du Mouvement du 5 juin avaient tenus à l’endroit des officiers putschistes maliens laissaient croire le contraire, il convient de souligner que c’est dans l’ordre normal des choses qu’entre la junte et le M5-RFP, il y ait une relative mésentente. Si l’on met de côté ceux des acteurs politiques et de la société civile qui essaieront de charmer les nouveaux maîtres du pays, pour espérer récolter une parcelle de responsabilité au cours de cette période exceptionnelle, il est naturel que les deux camps s’épient et se regardent en chiens de faïence. En effet, même si du côté du M5, on a célébré en héros ceux qui ont évincé Ibrahim Boubacar Keïta, on a toutefois conscience que l’armée dans la politique, l’osmose n’a jamais véritablement pris. Généralement, la soldatesque, quand elle arrive au pouvoir, cela doit être de courte durée. Car comme l’aura particulièrement démontré Robert Guei en Côte d’Ivoire, si elle y passe un certain temps, elle finit par prendre goût. Or, n’ayant pas été façonnée pour cette responsabilité-là, elle finit souvent par se révéler être un remède pire que le mal initial qu’elle était censée soulager. D’autant que l’armée est moins préparée à la contradiction et au débat qu’à la contrainte et à la soumission. Une attitude aux antipodes de l’idéal démocratique qui aura guidé la bataille menée toutes ces dernières semaines par le mouvement qui s’est formé autour de l’influent imam Mahmoud Dicko.

Se refaire une virginité

Quant à la junte du CNSP, elle a également bien des raisons de se montrer prudente avec le M5-REP. Ou tout au moins certains membres. Ce mouvement-là, s’il a séduit par la constance et la clairvoyance dont il a fait montre depuis sa création, il demeure néanmoins une entité hétéroclite dans laquelle certains peuvent avoir des agendas moins avouables. En particulier, les militaires ayant renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta doivent se méfier de tous les membres du M5 qui sont eux aussi comptables du bilan aujourd’hui décrié de l’ex-président malien. Hier, ils étaient avec lui et ne l’ont quitté qu’à la faveur de leur limogeage. Ceux-là ont certainement vu dans le M5 l’occasion de se refaire une virginité pour ensuite revenir incognito à la mangeoire publique. Cette catégorie-là, on en a aussi bien parmi les leaders politiques que du côté de la société civile. Une race d’acteurs n’ayant aucune conviction et qui ne carburent qu’à l’opportunisme. Si comme ils disent, les officiers du CNSP veulent s’attaquer au mal qui ronge le Mali par la racine, ils seraient compréhensibles qu’ils ne puissent pas composer avec ce groupe-là du M5-RFP. Car cela reviendrait à remettre le loup dans la bergerie.

Un arrangement et non une entente

Il est donc vain d’espérer une complicité parfaite entre le CNSP et le M5-RFP. Outre le fait que chacun d’eux pense détenir la plus grande légitimité pour soigner le Mali, ils sont du fait même de leurs natures respectives, appelés à se surveiller mutuellement. Et cette méfiance réciproque est en soi la condition d’une transition prometteuse pour le Mali et les Maliens. Pourvu toutefois que les deux camps consentent à trouver un arrangement qui les permette de coexister durant cette transition.

Boubacar Sanso BARRY

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