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AFRIQUE DE L’OUEST : la démocratie en crise

A voir ce qui prévaut aujourd’hui au Mali, en Guinée et en Côte d’Ivoire, difficile de se laisser porter par toutes les prévisions optimistes dont on pare l’avenir du continent africain dans certaines publications. Avec la crise qui a débouché sur le coup d’Etat du 18 août 2020 à Bamako et le troisième mandat que briguent respectivement Alpha Condé en Guinée et Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, on serait au contraire enclin à accorder du décrit à ceux qui assimilent le progrès de l’Afrique à la marche de l’écrevisse. Un pas en avant, au moins deux pas en arrière. En tout cas, ces trois pays, au lieu de s’inspirer de leurs voisins sénégalais, ghanéen et même sierra léonais, semblent davantage imiter le Cameroun, le Congo-Brazzaville ou encore le Burundi. Et pour l’Afrique de l’ouest, c’est clairement un recul par rapport à une avancée qui du reste était citée en exemple il n’y a pas si longtemps. Une régression imputable en tout premier lieu aux dirigeants respectifs de ces trois pays. Mais aussi une régression dont la CEDEAO et la société civile ouest-africaine doivent, avec humilité et en toute objectivité, tirer les enseignements.

Les dirigeants, premiers responsables

Au Mali, même si le sort d’Ibrahim Boubacar Keïta a été réglé d’une certaine façon, on n’oublie pas qu’il est le premier responsable de tous les dangers qui guettent aujourd’hui son pays du fait du vide constitutionnel consécutif à son éviction. En effet, c’est lui qui, d’obédience socialiste, devait incarner une certaine vertu dans la gestion de la chose publique ; mais qui aura révélé de lui-même un goût insoupçonné pour les scandales, les combines et le luxe. Alors que l’ex-président malien et l’ensemble de l’élite dirigeante dont il s’était entouré vivaient dans la luxure, les citoyens ordinaires maliens étaient littéralement privés d’un droit aussi basique que celui à l’éducation. Le président du peuple était devenu le chef d’un clan de privilégiés au-dessus de la populace. Sans oublier qu’il aura fatalement échoué à résoudre la crise sécuritaire dont il a hérité à son élection en 2013. Quant à Alpha Condé en Guinée et Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, ils trahissent tous deux les immenses espoirs que le continent africain et au-delà, le monde entier, ont jadis placés en eux. Tous deux persécutés du temps où ils étaient opposants, les Guinéens et les Ivoiriens avaient respectivement vu en eux des leaders pouvant justement se servir de leurs expériences pour asseoir enfin la démocratie dans les deux pays qui en ont besoin. Malheureusement, on découvre sans doute trop tard en chacun d’eux, davantage un leader politique se préoccupant de ses intérêts politiciens qu’un homme d’Etat soucieux de l’image qu’il laissera à la postérité. Deux chefs qui conçoivent le pouvoir plus comme un refuge que comme une fonction à assumer au service des autres. Une conception des choses qui risque de ruiner leur crédit et qui, au-delà, met en péril la démocratie dans leurs pays respectifs. Hélas !

La CEDEAO interpellée

Mais il n’y a sans doute pas que la responsabilité des ces trois dirigeants et plus largement de l’élite politique dans chacun des pays. Les signaux négatifs qui partent aujourd’hui de l’Afrique de l’ouest interpellent également la responsabilité de la CEDEAO, l’organisation régionale. Dans sa gestion de la crise malienne, se laissant porter par certains dirigeants dont l’approche n’était en rien objective, l’instance régionale a clairement manqué de discernement. Elle n’y était pas allée pour résoudre une crise, mais pour essayer de sauver le soldat IBK. Pour ce qui est de la Guinée et de la Côte d’Ivoire, la CEDEAO a révélé tout autant son impuissance que son manque de courage. Si elle avait réussi à hausser le ton et à taper du poing sur la table dans les cas gambien et bissau-guinéen, elle n’aura par contre rien pu contre Alpha Condé et Alassane Ouattara. Et si elle ne se remet pas vite en question, cette approche à géométrie variable risque de vider ses initiatives de leur efficacité.

Une société civile plus unie

Enfin, la société civile ouest-africaine doit pouvoir analyser les crises guinéenne et ivoirienne pour, elle aussi, en tirer toutes les leçons. Si Y’en marre et le Balai citoyen avaient donné un bel exemple de la capacité d’une société civile à impulser un changement d’envergure dans une société, ce qui se profile en Guinée et en Côte d’Ivoire peut être perçu comme un contre-exemple. Dans ces deux pays, la société civile a manqué à son devoir et à ses responsabilités. Et c’est au niveau régional qu’on devrait se retrouver pour diagnostiquer l’échec pour espérer stopper la spirale anti-démocratique en marche. Si nécessaire, des passerelles doivent être établies entre les sociétés civiles des différents pays en vue de bâtir des synergies dont les chances de succès sont certainement plus importantes.  En tout cas, vu que c’est l’image et le destin de la région qui sont en jeu, tout le monde devrait se sentir concerné par les menaces qui pointent à l’horizon.

Boubacar Sanso BARRY   

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