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MALI : les signaux contradictoires de la junte

Au lendemain de l’arrestation, le 18 août 2020, du président Ibrahim Boubacar Keïta, et de sa démission dans la foulée, des quatre coins du continent africain, on avait salué l’habileté des officiers qui avaient abouti à un tel changement d’envergure, en à peine 24 heures et sans effusion de sang. Par ailleurs, dès les premières prises de parole de la junte, on avait noté l’assurance et la sérénité qui caractérisaient les différents intervenants. « A la différence de la bande à Sanogo, ceux-là ont la tête sur les épaules, ils savent ce qu’ils font », prophétisaient même certains. Seulement, deux semaines après le coup de force, on n’a pas davantage de lisibilité sur les intentions et les projets du Conseil national pour le salut du peuple (CNSP). Les pistes sont brouillées par les très nombreuses contradictions qu’on peut d’ores et déjà relevées entre certaines annonces et les actes qui sont posés. En sorte que le doute et l’incertitude commencent à s’installer chez bon nombre de Maliens et même au-delà.

IBK en résidence surveillée ?

La première des contradictions qu’il convient de souligner ici touche au statut de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta. Sous la pression de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), le colonel Assimi Goïta et ses camarades avaient annoncé la libération d’IBK. Le principe qu’il puisse se rendre à l’étranger pour des nécessités de soins avait même été accordé. Sauf qu’à en croire de nombreuses sources à l’intérieur de la famille présidentielle, l’ancien président serait de fait en résidence surveillée. Son domicile situé dans le quartier Sébininkoro serait sous la surveillance vigilante de la junte. Il serait par ailleurs privé du droit de visite et n’aurait pas accès à internet. Son accès au téléphone, quant à lui, serait limité. Il est vrai qu’IBK ne mérite aucune indulgence. Mais il est important que la junte ne perpétue pas les reproches qui ont longtemps été faits à Ibrahim Boubacar Keïta, à savoir notamment promettre une chose et faire une autre chose. D’autant qu’on peut légitimement se demander si les restrictions rigoureuses imposées à l’ancien chef de l’Etat n’ont pas provoqué chez lui le stress qui, lui-même, a entrainé le malaise ayant justifié son admission à la clinique Pasteur ?

Les militaires s’évertuent à consolider leurs positions

Par ailleurs, les nominations opérées ces dernières heures par la junte contredisent quelque peu les promesses des militaires de laisser aux forces vives maliennes de décider de l’organisation et du contenu de la transition. De fait, pendant qu’ils répètent aussi bien aux Maliens qu’à la communauté internationale que ce sera au peuple de décider en toute souveraineté, les militaires s’évertuent à consolider leurs positions d’acteurs incontournables de la transition. Tout ce qui se fait depuis quelques jours renvoie à une manœuvre destinée à mettre les politiques et la société civile maliens devant le fait accompli. Cela a tout d’abord commencé avec « l’acte fondamental » discrètement publié le jeudi 27 août dans le Journal Officiel de la République. Alors que la CEDEAO exigeait que la direction de la transition soit confiée à un civil, via cet acte, la junte conférait déjà à Assimi Goïta le statut de Chef de l’Etat. En effet, en vertu de ce document, le patron putschistes était investi des charges d’assurer la « continuité de l’Etat », d’incarner « l’unité nationale, l’intégrité du territoire et du respect des accords internationaux ». Le même document lui donnait les prérogatives de nommer les responsables civils et militaires de haut rang, de signer les « ordonnances et décrets adoptés » du CNSP et d’accréditer les ambassadeurs étrangers. Bref, « l’acte fondamental » investissait le chef de l’Etat de tous les attributs reconnus à un chef de l’Etat.

Couper l’herbe sous les pieds des forces vives

Et si la publication de ce texte avait paru embrasser les militaires, on a aujourd’hui l’impression que la dynamique de la consolidation de l’emprise des militaires sur la transition est en train d’être renforcée. C’est en tout cas ainsi qu’on pourrait interpréter les derniers actes de nomination signé par le CNSP. Actes au nombre desquels, on peut citer celui nommant le général Oumar Diarra comme nouveau chef d’Etat major général de l’armée. Au-delà de sa nomination, c’est la mission à lui confiée qui intrigue de la part d’officiers qui prétendent vouloir discuter des rôles qu’on voudrait leur confier. Le général Oumar Diarra est chargé en effet de « réformer l’armée et de lui permettre de défendre la patrie ». Le colonel Assimi Goïta lui-même, dans la foulée, s’adjoint deux conseillers spéciaux, l’un en charge de l’information et de la communication, et l’autre, des affaires juridiques.     

Si la junte renforce ainsi son assise sur la transition, de quoi devrait-elle alors discuter le week-end prochain, à l’occasion de la concertation à laquelle elle a convié toutes les forces vives du pays ? Telle est finalement la question qu’il faille se poser.

Boubacar Sanso BARRY

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