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MACENTA : Antoine Béavogui explique les circonstances de son enlèvement

Antoine Béavogui, le jeune leader ayant conduit les manifestations de la semaine dernière dans la commune urbaine de Macenta est désormais libre de ses mouvements. Libre après son enlèvement et sa séquestration dans un lieu qu’il ignore encore. Au téléphone du correspondant de ledjely.com dans la région forestière, il explique la filature dont il a fait l’objet au soir de ce jeudi 3 septembre. Il évoque aussi l’interrogatoire auquel il a été soumis par trois mystérieux quidams, dans une salle hermétique. Bref, au micro de notre correspondant à qui il a accordé un entretien exclusif, Béavogui relate une mésaventure qu’il n’est certainement pas prêt d’oublier….Lisez

La semaine dernière, à l’issue de la manifestation que vous avez organisée pour réclamer le bitumage de la voirie urbaine de Macenta, vous avez subitement disparu. Certains de vos proches ont parlé d’enlèvement. Dites-nous, qu’est-ce qui s’est réellement passé ?

Le jeudi 3 septembre 2020, après la manifestation, j’étais très fatigué. Je suis donc rentré à la maison pour me reposer un peu. Et j’en étais à ce repos quand j’ai reçu l’appel d’un ami que j’appelle par affection oncle. Il m’a appelé via un numéro que je ne connaissais pas. Pourtant, je connais bien son numéro. Ne connaissant donc pas le numéro et vu qu’il ne s’est même pas donné la peine de me saluer, en décrochant, je lui ai tout d’abord demandé son nom. C’est après seulement qu’il m’a dit : « C’est moi, oncle ».  Il a demandé où j’étais. Quelque peu méfiant, je lui dis que j’étais à Gbangbaladou, un quartier situé à la rentrée de Macenta, alors qu’en réalité, j’étais à Foulayah, un autre quartier.  Après, je lui ai demandé ce qu’il y avait ? Il me répond : « pour l’amour de Dieu, je veux que tu quittes la ville d’abord ». Je lui demande pourquoi voudrait-il que je quitte la ville ? A nouveau, il me répond : « si tu comprends, tant mieux. Mais j’ai appris qu’il y a des agents secrets qui sont venus pour t’arrêter ». Aussitôt, il raccroche. Et c’est par SMS qu’il me dit ceci : « je te parle en tant qu’un ami, il faut quitter la ville. Si tu comprends, tant mieux et si tu ne comprends pas, je t’aurais averti. Il faut essayer d’abord d’aller même si c’est dans un village de Macenta ». Je n’ai pas répondu à son message. (…) Et c’est après m’être un peu reposé que je décide de prendre mon bain pour ensuite sortir.  En sortant, j’ai appelé un commandant de peloton de la police et je lui ai demandé où il était. Il m’a répondu qu’il était au deuxième bureau, lieu où les jeunes viennent se récréer. J’ai donc entrepris d’aller l’y rejoindre. En route, j’ai appelé un grand à Conakry pour lui demander s’il a suivi ce qui s’était passé à Macenta ? Il a répondu qu’il avait suivi et m’a demandé qu’est-ce qui faisait du bruit autour de moi. Je lui ai dit que c’était parce que j’étais sur une moto et que je me rendais à un rendez-vous avec un policier.  Tout de suite, il m’a déconseillé de continuer. Il a essayé de m’expliquer qu’avec le mouvement que nous venions d’organiser, il n’était pas prudent d’aller à la rencontre d’un policier. Mais on avait de la peine à nous comprendre, vu que j’étais sur une moto. Il a donc raccroché et moi j’ai continué mon chemin. Arrivé à destination, j’ai effectivement trouvé celui que j’étais venu chercher. Il était assis avec d’autres personnes, certaines en uniforme de police et d’autres en civil. Je l’ai juste salué car j’avais senti que je ne devais pas rester. Je suis alors sorti par la seconde porte. Arrivé au bord du goudron, j’ai aperçu un véhicule Land Cruiser sans immatriculation.  Je me suis approché, sans deviner que là-dedans se trouvaient mes ravisseurs.

Comment avez-vous été pris finalement ?

Pendant que je scrutais ce véhicule non immatriculé, j’ai reçu un appel d’ami de Conakry. Il me reprochait mon entêtement. On lui aurait dit que je refuse de quitter la ville, alors que ma sécurité est menacée. Il m’a donc intimé de rentrer tout de suite à la maison, pour faire mes bagages.  Cette fois, je prends la menace au sérieux. J’appelle en conséquence quelques amis pour leur demander de me passer un sac à dos. Un d’entre a offert de me passer un et nous nous sommes donné rendez-vous chez moi.  En revenant à la maison, je suis passé par des chemins détournés pour ne pas me faire démasquer. Parallèlement, je me demandais si mon numéro n’était pas sur écoute. Mais je réussis tout de même à rejoindre la maison et à faire mes affaires. Je remets mon sac à un ami et lui demande d’aller me trouver une place dans un véhicule pour N’zérékoré, et une fois que c’est fait, de me faire signe. Il fait exactement ce que lui demande. Quand il m’a appelé pour me dire qu’il avait trouvé le véhicule, à mon tour, j’ai pris une moto pour le rejoindre. Curieusement, quand le chauffeur s’est arrêté à la station pour prendre du carburant, j’ai remarqué le même véhicule non immatriculé dont je vous ai parlé plus haut. Eux aussi prenaient du carburant. Et c’est autour de 17 heures que nous avons bougé pour N’zérékoré.  Et c’est après que j’ai appelé l’ami chez qui je devais être hébergé pour lui demander de préparer le terrain. Car à Macenta, je n’avais dit à personne que je partais à N’zérékoré. Même pas à ma mère. Nous arrivons à N’zérékoré à 20 heures. De la gare routière, j’appelle l’ami chez qui je devais loger, il m’indique où je devais me rendre. Je prends alors une moto pour m’y rendre. Mais à peine arrivés en face du lycée Alpha Yaya Diallo, nous retrouvons tout d’un coup le même véhicule sans immatriculation devant nous. Au même moment, une moto avec un policier arrive derrière nous. Le policier en descend et dit à mon taxi-motard : « je t’ai tout de suite signalé, pourquoi as-tu refusé de t’arrêter » ?  Le temps pour moi de lui demander pourquoi voudrait-il que nous nous arrêtions, c’est la Land Cruiser qui s’approche de nous.  Je réalise alors ce qui se passait. Je veux crier, mais on me met un truc électronique et je perds aussitôt conscience.

Que vous reprochait-on ?

Je voudrais tout d’abord dire que c’est aux alentours de 21 heures que j’ai perdu connaissance. Le lendemain, je n’ai repris conscience qu’à 10 heures. J’étais alors à Kankan, dans une chambre fermée.  Quand je me suis réveillé, j’ai vu trois personnes en veste dont un avec un accent ivoirien. Ils m’ont demandé si c’est moi Antoine ? A mon tour, j’ai demandé qui ils étaient. Ils m’ont dit qu’il n’est pas question qu’ils se présentent. Pendant ce temps, je cherchais mon téléphone, ils m’ont dit qu’ils l’ont. Ils m’ont ensuite demandé qui est derrière notre mouvement ? J’ai répondu que je ne pouvais rien leur dire tant qu’ils ne me disent pas où j’étais, pourquoi j’y étais et tant qu’ils n’appellent pas mes parents pour leur dire où j’étais. Ils me disent alors que si j’étais si réticents à leur parler, c’est parce que je cacherais quelque chose. Par rapport à notre marche, ils disent qu’on aurait pu comprendre notre revendication. Mais qu’à partir du moment que nous avons dit qu’il n’y aurait ni campagne, ni élection, si les routes ne sont pas bitumées, la revendication devenait politique.  « Dès lors que tu as dit que si votre revendication n’est pas satisfaite, il n’y aura pas de campagne et d’élections, ce qui veut dire que vous êtes soutenus par quelqu’un, et maintenant, vous êtes rentrés dans une affaire politique », ainsi m’ont-ils parlé. J’ai répondu que nous n’étions manipulés par personne et que nos revendications ne touchaient qu’à la question des routes.

Avez-vous payé une caution pour votre libération ?

Le samedi, ils sont revenus me voir en disant que le ‘’Boss’’ a dit de me libérer. C’est ainsi qu’ils m’ont bandé les yeux et m’ont mis dans leur véhicule. Ils sont allés m’abandonner dans une plantation de manguiers où je ne me retrouvais même pas.  Loin de la ville. Ils ne m’ont pas frappé et même le peu de sou que j’avais sur moi, ils n’ont pas touché. En m’abandonnant là, ils m’ont remis mon téléphone et comme j’avais le numéro d’un ami par tête qui est Mamady, je l’ai appelé pour l’en informer. Comme je ne connaissais pas où j’étais, je me suis mis à marcher. Mais sans le savoir, je marchais en direction de Siguiri.  C’est grâce aux personnes de bonne volonté que j’ai pu rejoindre Kankan où j’ai passé la nuit à la gare.

Que savez-vous de vos ravisseurs ?

Ils étaient trois hommes en costume que je ne connaissais pas. Ils étaient à visage découvert, je ne sais pas s’ils sont militaires parce que je ne les ai pas vu en uniforme. Et le troisième, comme je l’ai dit, avait un accent ivoirien.

Propos recueillis par Niouma Lazare Kamano, correspondant régional pour ledjely.com

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