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En Guinée, les sociétés minières versent-elles leurs contributions obligatoires au développement local?

Depuis 2015, les compagnies minières exploitant la bauxite ou le fer en Guinée doivent reverser 0,5% de leur chiffre d’affaires à la préfecture où elle opère. Mais le Fonds de développement économique local (FODEL), alimenté par ces contributions, suscite des interrogations.

De Boké, capitale de la région du même nom située dans l’ouest de la Guinée, il faut braver une heure de secousses et de poussières en mini-bus pour rejoindre la sous-préfecture de Malapouya, à seulement 17 kilomètres de là. C’est l’une des deux communes où la Société minière de Boké (SMB) exploite la bauxite, un minerai qui permet d’obtenir l’aluminium. Dirigée par le Franco-libanais Fadi Wazni, SMB appartient à SMB-Winning, un consortium de quatre sociétés chinoises, singapourienne et française. La République de Guinée est aussi actionnaire à hauteur de 10% de SMB, selon la compagnie.

« En 2018, la SMB a versé une première contribution de 37 milliards de francs guinéens (GNF) pour les exercices de 2015 à 2018 », indique Frédéric Bouzigues, directeur général de SMB, ajoutant que « pour l’exercice 2019, nous avons versé 21 milliards GNF».

Le caractère obligatoire de la contribution au développement local (CDL) est inscrit dans l’article 30 du code minier amendé en 2013. Les 10 communes de la préfecture de Boké, dont Malapouya, ont été les premières du pays à recevoir un versement du FODEL. Le montant ? 40,9 milliards GNF, en provenance de la SMB, mais aussi de la compagnie chinoise CDM-Chine, et de la compagnie russe COBAD, qui opèrent dans la région.

Ce premier versement, qui correspond aux contributions annuelles de 2015 à 2018, ne leur est parvenu qu’en décembre 2019. Un retard qui s’explique par la lenteur de l’adoption des textes d’application pour la mise en place du FODEL. Versée par les compagnies minières en juillet 2020, la contribution pour 2019, qui s’élève à 29,9 milliards GNF, n’a pas encore été mise à la disposition des 10 communes.

« Pour vérifier le montant des contributions de ces sociétés, on s’appuie sur leurs bilans qui sont certifiés chaque année en avril », explique Moussa Garba, membre du comité interministériel en charge du FODEL, qui regroupe le ministère des Mines et de la Géologie (MMG), et celui de l’Administration du territoire et de la Décentralisation (MATD).

La CDL qui alimente le FODEL correspond à 0,5% de la somme obtenue lorsque l’on multiplie la quantité de minerai vendue par son prix de vente. Cependant, l’Etat ne dispose d’aucun mécanisme de contrôle pour s’assurer de l’exactitude des déclarations des compagnies. « Il n’y a pas eu d’audit indépendant ou de contre-expertise certifiant que ces entreprises déclarent leur niveau de productions réelles », regrette Amadou Bah, président d’Action Mines Guinée, une organisation non-gouvernementale guinéenne qui promeut la bonne gouvernance dans les industries extractives.

De même, il est difficile de vérifier à quel prix les sociétés vendent leur minerai sur des marchés étrangers dont les cours sont fluctuants. Des sociétés pourraient déclarer un prix de vente moins élevé que le prix réel afin d’alléger leur contribution au FODEL.

Une fois que les sociétés minières s’acquittent de leurs contributions, le montant total est réparti entre les communes ainsi qu’avec d’autres structures locales (administrations minière et préfectorale, etc.). Chaque commune dispose d’un compte bancaire spécifique à la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG) pour y recevoir l’argent du FODEL.

Ensuite, la commune redistribue la contribution qu’elle a reçue selon des pourcentages définis : 20% pour des projets en faveurs des jeunes, 20% pour ceux soutenant les femmes, 30% pour des projets d’infrastructures économiques (marchés, centres d’hébergement, etc.) ou encore 21% pour des équipements sociaux (centres de santé, école, etc.).

Dans des communes comme celles de Malapouya et de Dabiss, la moitié des projets est menée dans les districts où a lieu directement l’exploitation minière. En règle générale, les communes répartissent leur argent en fonction des endroits où l’impact environnemental et social de l’activité extractive est le plus fort.

Malapouya est présenté comme un exemple réussi de l’utilisation des fonds, en raison de l’implication de ses autorités et de son comité de suivi du projet FODEL (CSPF). Mais dans d’autres collectivités, la gestion de l’argent est pointée du doigt.

A Dabiss, 69 projets pour les femmes et les jeunes ont été financés. « Nous avons décaissé l’argent pour le mettre à disposition de la commune, mais certains porteurs de ces 69 projets nous ont dit ensuite qu’ils n’avaient pas reçu la totalité de l’argent prévu », raconte Pascal Camara, chargé du suivi des contrats au comité d’appui à la gestion du FODEL (CAGF) de Boké.

« Par exemple, quand un porteur de projet devait recevoir 20 ou 30 millions, il ne recevait que 5 millions », précise l’expert, « la commune a mal orienté les fonds alloués au titre du FODEL, mais on a rappelé aux responsables qu’ils devaient suivre le manuel de procédure et ne pas travailler dans l’opacité ».

Hawa Bah


Cet article a été rédigé par LeDjely.com dans le cadre de “La Richesse des Nations”, un programme panafricain de développement des compétences médias dirigé par la Fondation Thomson Reuters en partenariat avec TrustAfrica. Plus d’informations sur http://www.wealth-of-nations.org/fr/La Fondation Thomson Reuters n’est pas responsable des contenus publiés, ceux-ci relevant exclusivement de la responsabilité des éditeurs.

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