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ARRESTATION D’ALPHA CONDE EN 1998 : l’ancien ministre de l’éducation épingle Kassory Fofana et Sekou Koureissy Condé

Les circonstances et les raisons de l’arrestation à Pinè, dans la nuit du 15 au 16 décembre 1998, d’Alpha Condé, alors député et surtout candidat à l’élection présidentielle, ont donné lieu à toutes sortes de commentaires. Entre ceux qui ont toujours prétendu que cette arrestation n’a relevé que d’un coup monté par le régime de Lansana Conté et ceux qui jurent que le candidat du RPG s’apprêtait à franchir la frontière guinéo-ivoirienne pour ensuite lancer une attaque contre la Guinée, le grand public n’a jamais su de quel côté se situait la vérité. Tant chacun des camps s’est fortement évertué à servir les arguments favorables à sa version des faits. Et aujourd’hui, c’est à l’ancien ministre de l’Education nationale, Ibrahima Kalil Konaté alias K2 (prononcer K au carré) de s’inviter dans ce débat via son livre ‘’La détention arbitraire d’Alpha Condé’’ (L’Harmattan Guinée). Abordant tout à la fois l’arrestation, le procès et la détention du leader historique du RPG, il présente cette mésaventure d’Alpha Condé comme le fruit d’une machination et d’un complot du régime de l’époque. Mais dans le détail de son récit, Ibrahima Kalil Konaté souligne la responsabilité individuelle de certains acteurs-clés de cette période-là. Il épingle en particulier l’actuel premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana et l’ancien ministre de la Sécurité, devenu député, Sékou Koureissy Condé.

Ces deux se seraient particulièrement investis dans la création des conditions de l’arrestation d’Alpha Condé, d’abord en dressant de lui le portrait le plus diabolique qui soit aux yeux du président Lansana Conté, mais aussi en montant de toutes pièces le scénario de son arrestation. Un scénario si bien monté qu’Alpha Condé lui-même se serait retrouvé dans le piège sans s’en rendre compte. Et son arrestation une fois actée, le régime s’est évertué à préparer de faux témoins et de fausses preuves pour l’accabler. Tout cela avec un seul objectif, éliminer politiquement l’opposant qui perturbait le sommeil de Lansana Conté et de ses collaborateurs.

De fait, selon Ibrahima Kalil Konaté, c’est le 13 décembre 1998, veille de la présidentielle, que le candidat Alpha Condé a quitté la capitale Conakry, avec pour première destination envisagée la ville de Beyla. De fait, un peu plus tôt, ce 13 décembre, des individus arrêtés au domicile de Marcel Cros avaient été présentés à la télévision nationale comme étant des rebelles. Des armes de chasse de ce dernier, elles aussi, présentées comme des armes de guerre. Le domicile de Fatou Bangoura, avait également reçu une visite musclée des forces de l’ordre, venues chercher des armes de guerre. « Jusqu’au moment où il (Alpha Condé, ndlr) vit les images à la télévision, il n’était nullement dans ses intentions de bouger de Conakry. Aussi il n’avait jamais été question pour lui de quitter le territoire national. Ceci était clair. Comme il disposait d’un téléphone satellite et qu’il pouvait communiquer de n’importe où, il estima qu’il devait aller à l’intérieur de la Guinée. Dans ses prévisions, sa première destination était Beyla où il devait retrouver des députés qui étaient en campagne. Et il pouvait profiter de sa présence à l’intérieur du pays pour être en communication constante avec les radios internationales afin de contrecarrer la campagne menée contre lui par le gouvernement. Voilà les raisons pour lesquelles il est parti. Il n’a mesuré les dangers, surtout celui de guerre civile, qu’après avoir regardé l’émission », peut-on ainsi lire dans le livre publié par l’ancien ministre de l’Education nationale. Mais de Beyla, le leader du RPG s’était finalement retrouvé à Lola, et plus précisément à Pinè où il a été mis aux arrêts dans la nuit du 15 au 16 décembre.

Mais à en croire l’auteur, toute cette atmosphère électrique et de suspicion avait été créée à dessein. L’arrestation des gens au domicile de Marcel Cros, la prétendue saisie d’armes et la descente musclée chez Fatou Bangoura, tout cela n’avait qu’un seul objectif : créer les conditions de l’arrestation de l’opposant le plus en vue de l’époque. Et c’est pour s’éviter cette sombre perspective que ce dernier aurait pris la décision de quitter Conakry. Sans se douter alors qu’il exécutait là le plan ourdi à son encontre.

Seulement, selon l’ancien ministre K2, la volonté d’arrestation de l’opposant Alpha Condé a toujours habité Lansana Conté. Ainsi, peut-on lire à la page 16 : « Lorsqu’il y eut cette explosion du grand banditisme en 1995, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité d’alors, Alsény René Gomez a déclaré que c’étaient les mercenaires à la solde du Professeur qui étaient à la frontière et qui attaquaient les pharmacies afin d’avoir suffisamment de médicaments avant d’agresser la Guinée ». Puis, à la page suivante : « Un certain Julien, Togolais, escroc et trafiquant de drogue, vint à Conakry accompagné du Consul de Guinée à Bouaké, M. Souaré, actuel Commissaire central de la Minière pour dire qu’il (Alpha Condé, ndlr) avait déjà envoyé des gens pour identifier les différents itinéraires du Président et qu’il s’apprêtait à attaquer. C’était en mai 1998 et c’était le ministre Sékou Gouréissy Condé qui avait répandu cette rumeur ». En somme, dit l’auteur : « Le Président Conté avait longtemps décidé de l’arrestation du Professeur Condé, mais Alsény René Gomez n’a jamais voulu le faire directement ».

La mission dont son prédécesseur n’aura pas pu s’acquitter, c’est, selon l’auteur, Sékou Koureissy Conté qui s’en est chargé ensuite. « Le ministre Ibrahima Kassory Fofana, qui se considérait comme le dauphin, a convaincu Conté que Sékou Gouréissy Condé s’engageait à le faire. Dès la nomination de ce dernier, une vaste campagne de désinformation fut minutieusement orchestrée », peut-on ainsi lire à la même page 17. A la page 18, Ibrahima Kalil Konaté enfonce même un peu plus Sekou Koureissy Condé. « En prenant fonction, le ministre de la Sécurité Sékou Gouréissy Condé a affirmé qu’il était capable d’arrêter le Professeur Condé. Il a ajouté que ce qu’Alsény René Gomez n’a pas pu faire, lui pouvait le faire. Cette menace, l’ancien ministre de la Sécurité l’aurait réitérée en pleine campagne électorale pour le scrutin du 14 décembre 1998. « Pendant sa tournée à l’intérieur, des bruits sur l’arrestation immédiate du Professeur Condé furent répandus. Le ministre Sékou Gouréissy Condé se rendit même à Kouroussa à la veille de son arrivée dans cette ville pour y annoncer que le Professeur Condé serait arrêté. Il en fut de même à la veille de son voyage à Boké, au point que beaucoup de ses compagnons demandèrent l’annulation de cette étape ; ce qu’il refusa bien sûr », rapporte l’auteur à la page 23.

A l’époque, la suspicion et le déficit de confiance étaient tels qu’à la fin de la campagne, selon l’auteur, le gouvernement avait décidé de placer tous les leaders en résidence surveillée. « Le ministre de la Sécurité Sékou Gouréissy Condé et son mentor Ibrahima Kassory Fofana étaient les plus acharnés », précise-t-il. Puis, de poursuivre : « Kassory Fofana, qui se considérait comme le dauphin, avait fait une OPA (offre publique d’achat) sur l’État et l’Administration. Il avait tissé une véritable toile d’araignée sur l’appareil d’État. Pour lui, le Professeur Condé restait le seul obstacle à ses ambitions ». Et autour du général, les collaborateurs étaient d’un tel zèle que quand il a demandé qu’Alpha Condé soit mis en résidence surveillé, on lui aurait répondu qu’il y a mieux à faire si son souhait était de se débrasser de l’encombrant opposant. « Ils disaient détenir des preuves irréfutables ». Se laissant convaincre par ces assurances, Lansana Conté aurait alors donné son feu vert pour la mise en route de la machination.

Et le scénario d’Alpha Condé fuyant le régime avait été imaginé pour démoraliser les militants du RPG. « D’où ce montage grotesque de prétendu déguisement en marabout », explique K2. De même, note-t-il : « Kassory Fofona, après sa disgrâce, avouera que c’est sur son initiative que ce prétendu déguisement a été monté ». Et voici ce que l’actuel titulaire de la primature aurait confessé : « Les Malinkés sont très fiers. Si on leur montre qu’Alpha Condé a fui, déguisé, ils auront tellement honte qu’ils vont se détourner de lui »

Boubacar Sanso BARRY

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