Au moins, une vingtaine de Maliens ont été tués le dimanche 3 janvier, dans la localité de Bounti, dans le cercle de Douentza, au centre du Mali. Cette fois, les responsables ne sont ni des djihadistes, ni des groupes d’autodéfense échappant au contrôle des autorités maliennes. Selon les témoins, le drame serait intervenu à la suite d’un raid mené par un hélicoptère contre des villageois réunis autour d’un mariage. Les premiers soupçons sont bien entendu orientés vers la force française Barkhane. Mais les chefs militaires français se sont empressés, ce mardi 5 janvier, de démentir les accusations abondamment relayées via les réseaux sociaux. Certes, admet-on du côté de l’état-major français, une opération a été menée ce dimanche dans la région de Douentza. Mais les cibles, affirme-t-on, étaient ‘’absolument’’ des terroristes dont les mouvements étaient surveillés depuis des jours. Une ligne de défense qui peine encore à convaincre. Car aux yeux de beaucoup, la France ne veut tout simplement pas admettre une bavure qui risque bien de raviver un sentiment anti-français qui n’est peut-être pas tout à fait éteint. Ceci étant, l’Etat malien devrait également sortir de son mutisme, car il n’est pas non plus exclu que la bavure soit le fait des FAMA.
La France est formelle
L’Etat-major français, s’abritant derrière les renseignements fournis par les moyens de surveillance particulièrement sophistiqués, est formel. Les cibles neutralisées dans la zone de Douentza le dimanche 3 janvier par une patrouille d’avion de chasse de la force Barkhane ne correspondent en aucun cas aux victimes dont il est question dans la localité de Bounti. Les autorités militaires françaises excluent même une éventuelle erreur qui aurait pu conduire à assimiler les villageois réunis autour du mariage à un groupe de terroristes. Des erreurs d’appréciation enregistrées pourtant sur d’autres théâtres bataille.
Quid de la piste de l’armée malienne ?
Mais si l’on accorde le bénéfice du doute aux troupes françaises, il ne resterait plus alors que la piste de l’armée malienne. Il est vrai que par le passé, cette dernière s’est quelquefois rendue coupable d’exactions à l’endroit des citoyens. Et elle n’est pas toujours prompte à admettre ce genre de manquements à l’éthique et au devoir militaires. Mais en l’occurrence, dans le raid meurtrier de Bounti, le silence de l’Etat malien ne saurait être une solution.
Flou et non-dits
En tout état de cause, entre la communication à minima de la France et le silence qu’adopte le Mali, il y a un flou et des non-dits. Si en effet, les troupes françaises, comme elles le prétendent, ne sont pas responsables de ce raid, pourquoi n’aideraient-elles pas alors à identifier celui ou ceux qui en sont à la base ? Pour sa part, l’Etat malien ne réalise-t-il pas qu’en tant que garant de la sécurité des Maliens, c’est à lui qu’il incombe de dire à l’opinion publique ce qui s’est réellement passé dans ce village de Douentza ? Ne devrait-il pas déjà diligenter une enquête en vue d’élucider les circonstances de ce drame ? De toute évidence, nous sommes en présence de deux partenaires – le Mali et la France – déterminés à se protéger mutuellement. Quitte à le faire sur le dos et surtout au détriment de la vie des citoyens maliens qu’ils prétendent pourtant vouloir protéger. Dans un contexte où les terroristes de la région semblent reprendre du poil de la bête, l’un et l’autre n’ont manifestement pas envie que cette nouvelle bavure serve de prétexte supplémentaire à tous ceux qui émettent déjà de sérieux doutes quant à l’efficacité de la lutte qui est menée contre l’insécurité dans la région. Ils devraient pourtant savoir que ce ni en niant l’évidence, ni en banalisant la vie des citoyens qu’ils réussiront à convaincre ces derniers de la pertinence et du bien-fondé des actions qu’ils disent mener en leur nom.
Boubacar Sanso BARRY