De quel œil les entrepreneurs guinéens perçoivent-ils l’entrée en vigueur – formelle tout au moins – depuis le 1er janvier 2021, de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) ? C’est avec cette question que la rédaction du www.ledjely.com est allée à la rencontre du Président-Directeur Général et Fondateur de Tulip Industries, une entreprise qui fabrique des équipements digitaux à destination notamment de la médecine, de l’éducation et de la sécurité. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Mountaga Keïta accueille très favorablement l’idée du marché unique africain. Une formidable aubaine économique à ses yeux, mais surtout une réparation du tort et des dommages que la colonisation a fait subir aux Africains. Une zone de libre-échange continentale, tout le monde y gagne, et personne ne doit en avoir peur, dit-il en substance. Même s’il déplore le peu de soutien que les entrepreneurs guinéens en général et les startuppers en particulier reçoivent de l’Etat. Une situation qu’il regrette d’autant qu’à ses yeux, par rapport à la concurrence qui va se mettre en place, la Guinée peut compter sur des atouts indéniables. Des atouts qui ne sont pas toujours capitalisés et qui lui font dire que la Guinée est plus une aberration qu’un scandale.
Formellement, la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Qu’est-ce qu’un tel événement vous inspire ?
Au niveau théorie, c’est un rêve de nos pères fondateurs tels que les président Ahmed Sékou Touré, Kwame Nkurumah, William Tubman, et bien d’autres qui ont lutté pour que l’Afrique ne soit pas des entités divisées comme cela a été fait par la colonisation. N’oublions pas que les pays africains d’aujourd’hui sont les vestiges des colonisateurs qui ont procédé au morcellement du continent africain lors de la conférence de Berlin en 1885. Les pays africains étaient des parts de gâteau. Même l’Allemagne avait sa part. Et nous, nous avons perpétré ces divisions. Ce qui est absurde. Il est temps de recommencer à former cette Afrique unie, car pour moi l’Afrique est un pays et non un continent. L’Afrique, ce sont des peuples qui se connaissent, qui ont échangés bien avant la colonisation et qui ont une histoire commune. L’Afrique de l’ouest était en un ou deux blocs plutôt que des dizaines de pays. De même, l’Afrique centrale et l’Afrique australe étaient des blocs qui communiquaient intensément. Il y avait énormément de commerce entre ces pays. Je rappelle que c’est l’or qui quittait Tombouctou pour Milan qui a permis aux Italiens d’entamer la période de Renaissance en créant la Banques. Parce que c’est grâce au système bancaire qu’on pouvait avoir les prêts et c’est ainsi que la Renaissance est apparue en Europe et a effacé le Moyen-âge. Bref, on faisait énormément d’échanges dans le passé, mais c’est la colonisation et l’esclavage qui ont tout détruit, divisé et morcelé l’Afrique pour mieux la contrôler. Il est donc temps d’arrêter tout ça, pour revenir au niveau où on était.
Maintenant au niveau pratique, la ZLECAF n’est absolument pas appliquée. Et c’est une vraie aberration. Personnellement, il m’est arrivé de voyager par exemple entre la Guinée et la Sierra Léone, qui est un pays frère, situé tout juste à heure de Conakry. Mais pour aller d’une capitale à l’autre, vous êtes confronté à au moins une dizaine de barrages. Et ce sont là des choses dont j’avais parlé lors du sommet de la ZLECAF au Cap, en Afrique du sud, en septembre 2019. En effet, comment se fait-il qu’en Afrique du sud, c’est mon passeport américain qui m’a fait rentrer dans le pays, parce que mon passeport guinéen était problématique, et ne pouvait pas me faire rentrer dans le pays. C’était une aberration. Et comment se fait-il que pour aller au Maroc pour le Hub-Africa, c’est mon passeport américain qui m’a permis d’arriver dans le royaume chérifien, parce que mon passeport guinéen avait été refusé ? Donc cette ZLECAF n’existe tout simplement pas sur le terrain. Mais on aimerait pourtant qu’elle puisse exister. On aimerait rouler sur une autoroute de Conakry à Abidjan, sans être arrêté par qui que ce soit. Et pour nous, au niveau économique (usine), ce serait fantastique. Parce qu’en réalité, Tulip Industries ne visent que le marché africain. Le marché guinéen, c’est pour débuter. Nous avons aujourd’hui 1,3 milliards de consommateurs africains. Dans les 5 prochaines années, ce chiffre passera à 2 milliards. Un marché plus gigantesque que les marché européen et américain réunis, plus gigantesque que le marché chinois. Le marché africain fait presque ces trois marchés réunis. Et dans les prochaines dix années, 35 à 45% des plus de 2 milliards d’Africains auront atteint un niveau de vie moyen et supérieur, avec un pouvoir d’achat immense. Et cette zone de libre échange va nous permettre de vendre de Conakry à Abidjan et Cotonou. Tulip industries sont en ce moment dans 23 pays. Si la zone de libre échange s’applique, on déversera nos produits sur toute l’Afrique sans avoir de problème. Mais il faut que ça prenne effet sur le terrain. Ce qui n’est pas le cas pour l’instant.
Et pensez-vous que les promesses qui nous sont faites peuvent être traduites en actes sur le terrain ?
C’est un rêve que j’aimerais voir se réaliser. Parce que pour nous fabricants africains, ce serait une aubaine immense. N’oubliez pas les entreprises guinéennes telles que Tulip industries, Topaz, Guicopres ou encore les ‘’Moulins d’Afrique’’, nous aspirons vendre en Afrique. Mais malheureusement au niveau administratif, tout est condamné. J’ai personnellement essayé, conjointement invité par le ministère ivoirien de la Santé et la Banque africaine de développement (BAD), d’exporter de Conakry à Abidjan, une de mes bornes interactives. Mais je peux vous dire que ça a été la courroie et la bannière, l’enfer sur terre. La douane ivoirienne n’a accepté la borne à l’intérieur de la Côte d’Ivoire qu’après l’événement. Ils étaient même obligés de prolonger l’évènement de deux jours de plus pour au moins permettre la présentation de la borne interactive. Et le retour a été d’un tel problème que j’ai été obligé de laisser la BAD s’en occuper.
Pour que le rêve du grand marché unique africain puisse se réaliser, que devrait-on faire et qui devrait le faire ?
Les chefs d’États doivent le faire, ne pas déléguer une telle mission à un chef de gouvernement, à un ministre ou à des petits rendez-vous en Afrique où des secrétaires généraux des ministres se rencontrent pour parler. Je l’ai dit en Afrique du sud devant plusieurs ministres de plusieurs pays. J’ai soulevé mes passeports guinéen et américain et je leur ai dit que le passeport américain ne devrait pas être celui qui me fasse tourner en Afrique mais plutôt mon passeport guinéen dont je suis par ailleurs fier. Je leur ai dit de faire en sorte que cela soit réel et de ne pas en rester qu’aux débats stériles. Après, tout le monde m’a applaudi. Même si certains m’ont reproché d’avoir été trop crû. Mais j’avais dit que je préfère être crû et dire la vérité que d’utiliser la langue de bois. Parce qu’en réalité, nos parents souffrent à ces frontières-là au moment même où nous parlons. Ils endurent une misère indescriptible. Aujourd’hui, il est moins compliqué d’aller à la Mecque que de quitter la Guinée pour d’autres pays africains. C’est pourquoi nous voulons que cette zone de libre-échange soit appliquée, c’est mon rêve le plus ardent. Si cette ZLECAF s’applique aujourd’hui, Tulip Industries explosent au niveau de l’Afrique. Et si elle ne s’applique pas, c’est vraiment beaucoup de revenus qui seront perdus inutilement. Si vous prenez par exemple entre la Guinée et le Mali, des noms parfaitement guinéens (Cissé, Keïta, Diallo, etc.) se retrouvent là-bas. C’est dire que nous sommes un peuple. Pourquoi nous freiner entre nous alors ? Certes, la colonisation nous a laissé ses vestiges. Mais nous ne sommes pas obligés de les perpétuer aussi servilement.
Alors, si pour Tulip industries, la ZLECAF peut être une aubaine, d’autres producteurs locaux pourraient voir en elle une menace. En ce sens qu’avec la suppression des barrières douanières, ces producteurs-là pourraient être tués par les produits industriels venant d’autres pays. Qu’en dites-vous ?
Que la concurrence règne ! Lorsque j’habitais dans l’Etat de Maryland, je pouvais aller acheter une voiture dans l’Etat de Virginie où c’était moyen cher et puis conduire tranquillement jusqu’à l’Etat de Maryland. Pourtant, ce sont des Etats fédéraux qui chacun a un président en son sein qu’on appelle gouverneur et qui ont des drapeaux différents. L’autoroute était toute droite, j’allais et je revenais tranquillement. Pourquoi on ne ferait pas la même chose entre la Guinée et le Mali ? Le producteur local saura qu’au contraire que la Guinée gagnera beaucoup plus que les autres pays. N’oubliez pas qu’au temps du CNDD (transition militaire, de décembre 2008 à décembre 2010, ndlr), quand on a bloqué les frontières, le Sénégal a failli presque se retrouver en situation de famine. Ecoutez, tout est produit en Guinée. La Guinée est un pays producteur, mais malheureusement dans le panier de la ménagère, on ne voit rien parce que les 80% sont exportés, on ne gagne rien. Donc, pour nous, en ouvrant ces frontières, le Guinéen pourra beaucoup plus exporter. Le Guinéen qui ne produit pas bien sera directement discriminé, certes. Mais vive la concurrence ! C’est grâce à la concurrence que les pays avancent, ce ne sont pas les monopoles qui font que les pays avancent. Arrêtons d’avoir peur ou de créer une sorte de protectionnisme qui nuit à la population. Les frontières fermées, même s’il n’y a que de la médiocrité sur le marché, on est obligé d’en acheter. Alors qu’avec des frontières ouvertes, on a plus de choix. Par ailleurs, avec les frontières ouvertes, la Guinée pourra exporter plus vite. Tulip Industries pourront exporter. Les Moulins d’Afrique et Topaz pourront faire de même. Or, plus de revenus rime avec plus d’emplois. Parce que si nous réussissons, nous allons ouvrir encore une autre usine à Maférinyah, peut-être beaucoup plus large que celle que nous avons aujourd’hui et embaucher plus de personnes. A Tulip, nous avons commencé il y a deux ans, et nous embauchons déjà 70 personnes. Imaginez ce que nous pourrions générer en termes de création d’emplois si les frontières sont ouvertes et que nous pouvons aller vendre très facilement dans les 54 pays d’Afrique. Eh bien, en ce moment-là, nous ne serons pas à 70, mais à 700 voire 7000 employés. Donc il faut ouvrir ces frontières pour que la concurrence règne. Le Guinéen est très bon lorsqu’il veut.
Pourtant, on vous dira qu’une suppression brutale de ces barrières douanières, cela profiterait davantage à l’Afrique du Sud, au Nigeria, au Kenya, au Maroc ou encore à l’Ethiopie ?
Cela est vrai dans certains domaines mais pas tous les domaines. Sachant qu’on est Guinéen, de quoi on a peur ? On a dû nous débrouiller pendant les deux premiers régimes. Au contraire, le Guinéen a de la ressource. J’ai sillonné plusieurs pays africains, ils ne sont pas en avance parce qu’ils ont plus d’idées. Non. Ils sont en avance parce qu’ils ont été sous assistanat, sous perfusion économique et financière des pays occidentaux pendant les 40 dernières années. Vis-à-vis de la Guinée, ce n’était pas de la concurrence loyale mais plutôt déloyale. Lorsque vous allez en Côte d’Ivoire par exemple, il ne faut pas avoir peur. De fait, la Côte d’Ivoire telle qu’elle se présente aujourd’hui, a été construite par Houphouët-Boigny et améliorée bien sûr par le président actuel. Mais surtout le pays a été bâti par Houphouët qui était sous assistanat total de la France. C’est la même chose au le Sénégal, au Bénin ou encore au Congo-Brazzaville. La Guinée n’a pas été sous assistanat, on a dû se débrouiller pour trouver des ressources. Mes parents me parlent de chaytane 75, lorsqu’il y a eu la famine, comment on a dû faire quand le bateau de sucre était détourné vers la Guinée Bissau. Les gens qui minimisent la Guinée ne connaissent pas vraiment la Guinée. Allez-y vers Macenta ou Guéckédou et vous voyez celles qui cultivent là-bas. En réalité, on a des héros et des héroïnes qui travaillent des zones. Ça travaille à l’intérieur. Bien sûr, il y a des régions où les travaux se font encore manuellement. Mais globalement, le Guinéen a de quoi damer beaucoup de pays surtout aux niveaux agricole et hydrologique. On a beaucoup de choses à exporter, mais ça pourrit ici. Donc, il ne faut pas avoir peur de la concurrence. Au contraire, ce sont les autres pays qui doivent craindre qu’on ne les inonde avec les produits maraîchers guinéens.
Pour préparer le secteur privé guinéen à l’étape d’opérationnalisation de la ZLECAF, qu’est ce que l’État devrait faire, quel soutien devrait-on apporter au secteur privé guinéen pour mieux le préparer à cette étape ?
C’est très simple et je vous parle franchement, pas de langue de bois. Il faut vraiment que l’Etat s’implique, et pas qu’en faisant des colloques, des réunions ministérielles qui ne serviraient qu’à décaisser de l’argent pour rien du tout. Tous ces colloques ne servent à rien, sinon qu’à décaisser de décaisser des gros budgets pour aller dans d’autres directions. Dans toutes les directions sauf celle des entrepreneurs. Mois je suis là par exemple, une entreprise guinéenne qui à 70 employés en deux années, je peux recruter des hauts cadres. Quelle aide j’ai reçue ? ZERO ! Si vous voulez aider, aidez-nous. Tous les employés de Tulip Industries, hormis moi, ont moins de 35 ans. Je n’ai recruté que des jeunes fraîchement sortis des universités guinéennes. Certains viennent d’obtenir leurs diplômes, ils sont là sous des contrats. Qui est-ce qu’on pourrait mieux aider que nous en commandant simplement nos outils ? Donc, il faut mettre l’argent là où la Guinée gagne, pas dans des colloques, des voyages en première classe. L’argent que vous payez pour ces billets en première classe là, c’est entre 5000 et 7000€, mais subventionnez une petite entreprise, une PME qui commence. En le dépensant pour un voyage, vous faites perdre 70 millions GNF. Soyons francs, il y a beaucoup d’argent en Guinée. Pour aller à des colloques et aux rencontres totalement inutiles, de fortes sommes d’argent – de 100 à 300 millions – sont décaissées. Or, c’est là de l’argent qui pourrait financer quatre petites entreprises clés et pour acheter des drones agricoles (Tulip Industries en fournit) pour pulvériser sur 100 ha. Il y a de l’argent dans ce pays. Il n’y a qu’à voir certains véhicules – on en a même qui coûtent jusqu’à 400 000 € – dans la circulation pour s’en convaincre. Il y a donc de l’argent. Il suffirait juste qu’on fasse en sorte que cet argent serve à faire avancer le pays, et pas à faire seulement du m’as-tu vu. Le Rwanda à 10 millions de fois moins de ressources que la Guinée. Mais le Rwanda est debout et La Guinée ne l’est pas encore. La Guinée n’est pas un scandale, elle est une aberration, tellement il y a de ressources et tellement il y a moins de résultats. Ce paradoxe est une aberration. L’argent va ailleurs partout sauf là où ça doit aller. Donc, en canalisant cet argent, investissons directement sans bla-bla. En tout cas, je ne veux faire partie d’aucun colloque, d’aucun séminaire où on débloque de l’argent inutilement. Je veux simplement qu’on me dise ‘’voici une agence de l’État, on veut vous recenser, on veut voir exactement la valeur et l’impact de votre entreprise sur la Guinée et les Guinéens’’. Et si ça a un impact de plus de 50% par exemple, qu’on nous dise oui on est prêt à financer directement parce que vous arrivez à réduire le chômage. A Tulip, on a pu réduire le chômage de 70 personnes. Or, je ne suis pas seul. On a plein d’autres Guinéens qui rêvent de faire comme nous. D’autres Guinéens qui cherchent à rentrer. Depuis quelques jours, j’ai droit à un ballet interminable de Guinéens qui viennent des USA, de Londres ou de la France, avec le désir du retour définitif. La Covid les a poussés à rentrer à la maison, ils me demandent ce qu’on peut faire ici. « Qu’est-ce que je dois faire avec mes maigres ressources ? Je veux commencer quelque chose mais je ne vois pas. Est-ce que je dois aller voir l’État », telles sont les questions qu’ils me posent sans cesse ? Je leur dis toujours : « n’allez voir personne, commencez vous-même vos affaires, partez sur le terrain et voyez vous-même. Harvard, Gamal et tant d’autres sont des écoles, mais la vie réelle en Guinée est une autre école. Donc, apprenez et faites vos affaires vous-même, puis cherchez maintenant une coopération avec le gouvernement ».
Est-ce que vous avez pris attache avec les services de l’État qui auraient pu vous apportez de soutien et que ça n’ait pas marché ?
Il y a l’Agence de promotion des investissements privés en Guinée (APIP). Nous les connaissons, ils nous connaissent. Je connais personnellement le DG. Ma propre sœur en était DGA à un moment. Mais je ne vois pas grand-chose pour nous. Et j’ai eu le temps de l’expliquer à ma petite sœur. Ils accueillent tout le temps les investisseurs étrangers tandis que pour les investisseurs guinéens, il n’y a rien. Nous, on veut du concret. Et encore une fois, pas ces séminaires, colloques et autres ateliers au cours desquels on se congratule et on se tape à l’épaule, mais qui ne servent à rien. Il convient toutefois de souligner qu’une fois, j’avais bénéficié du soutien de l’APIP qui a financé avec le ministère de l’Economie numérique pour qu’on puisse aller au Rwanda. C’était quand il y avait Gabriel Curtis et Mme Hann et c’était la première fois. Et là, j’admets qu’ils nous avaient aidés et ce voyage rwandais avait vraiment porté. Mais ensuite rien ne s’est passé. Cette initiative était très bien, parce que pour nous, voir le Rwanda et voir comment ça marche, ça m’a inspiré à quitter mon travail et à créer cette entreprise. Si chaque année, on peut prendre les meilleurs startuppers guinéens pour les amener dans les pays tels que le Rwanda, le Maroc pour qu’ils voient et qu’ils reviennent, vous verrez qu’à la suite de telles initiatives, ce sont littéralement des fusées qui vont décoller de chez nous. Malheureusement, cette bonne idée a été délaissée. Aujourd’hui, l’APIP ne fait pas grand-chose. Ils ne font que décaisser de l’argent pour des colloques, des séminaires, des ateliers qui sont des choses inutiles. Il faut être utile à la nation, on n’a qu’un tout petit temps de vie. J’aurais pu rester aux USA, avec un diplôme de Harvard et étant directeur d’une banque et me dire pourquoi revenir en Guinée. J’aurais pu y rester et me contenter d’envoyer de l’argent à ma famille. Je ne suis pas revenu uniquement par patriotisme. Je l’ai également fait parce que j’aimerais un jour, quand je serai enterré dans ce pays là, que les gens disent que j’ai vraiment mérité d’être enterré ici. Il faut que nous fassions ce boulot. Et si nous ne le faisons pas, qui le fera à notre place ? Et si ce n’est pas maintenant, quand ce sera ? Il faut répondre à toutes ces questions. Donc, l’APIP doit faire son travail. C’est ce qu’on attend, on n’attend pas que vous nous jetiez des milliards. On attend seulement que vous envoyiez des startuppers dans les pays étrangers afin qu’ils voient et échangent avec les startuppers de ces pays. Imbibez-les. Faites-le pour inciter nos jeunes pousses à s’inspirer de ce que les autres font. C’est ainsi que l’Etat aide aujourd’hui les startuppers dans des pays comme le Maroc, le Ghana, la Côte d’Ivoire et même le Cameroun. Justement, tenez-vous bien, on critique beaucoup le président camerounais pour sa longévité au pouvoir. Mais il a quand même aidé Arthur Zang, le jeune qui a fait le Cardiopad. Ce jeune est subventionné et avec cet argent, il a continué à bosser et aujourd’hui il est millionnaire. Cela devrait nous inspirer en Guinée. Et notre génération doit pouvoir faire sa part de boulot, car si on ne le fait pas, ce sont nos petits-enfants qui devront le faire et après, ils vont nous blâmer et nous reprocher de n’avoir pas fait ce travail pour eux.
Échange fructueux avec #Mountaga_Keita Founder & CEO de @TulipIndustries @Dgden_cg @PostesTelecomcg @SacreeProdiges pic.twitter.com/q9u6qiL0hB
— Léon-Juste Ibombo (@LeonJuste) October 19, 2020
Et comme je le disais tantôt, nous ne devons surtout pas avoir peur de la concurrence des autres pays africains. Ils ont pris de l’avance sur nous parce qu’ils étaient sous perfusion, alors que nous, nous nous sommes débrouillés nous-mêmes. Il ne faut pas aller vers le fatalisme. La Guinée est un pays tellement puissant que le jour qu’elle se réveillera avec tout son potentiel qui s’exprime, beaucoup des pays seront ses vassaux.
Propos recueillis par Boubacar Sanso BARRY