Si l’Afrique s’était légitimement réjouie d’avoir été relativement épargnée par la première vague de la maladie du coronavirus, on ne peut pas en dire de même de la seconde vague qui sévit en ce début 2021. Le continent est manifestement plus vulnérable à cette seconde vague dont l’avènement coïncide avec l’apparition de variants jugés, eux-mêmes plus virulents. Par ailleurs, si la première vague ciblait davantage les personnes d’un certain âge, celle qui prévaut depuis quelques semaines s’attaque indistinctement aux jeunes et aux personnes âgées. Ainsi donc, c’est l’inquiétude et même la panique dans de nombreux pays du continent, depuis quelques semaines. Car d’une part, si les gestes barrières sont rangés aux oubliettes, d’autre part, les vaccins que l’on commence à administrer dans de nombreux pays du nord, restent plutôt inaccessibles en Afrique. Ne disposant pas toujours des ressources financières pour faire sa propre commande et n’étant pas une de sphère géostratégique ayant de l’influence, elle devra attendre que l’on serve d’abord les grands du monde. Car dans la course effrénée pour l’accès aux vaccins qui prévaut en ce moment, la compassion pro-africaine n’a pas sa place. On en est d’abord au chacun pour soi.
Une souveraineté de façade
C’est en de moments critiques comme celui que l’on vit actuellement que l’on réalise que l’Afrique n’a pas son destin en main. Et que le tout n’est pas de disposer d’une souveraineté somme toute symbolique. Il faut aussi et surtout donner à cette dernière un contenu et un sens. Ce qui n’est pas le cas dans nombre de pays africains. Aussi, alors qu’en Europe, aux Etats-Unis et même dans beaucoup de pays asiatiques dont la Chine et l’Inde, on réceptionne à tour de bras les doses de vaccins commandées à différents laboratoires à travers le monde, nombre de pays africains, eux, attendent. Parce que le continent n’a pas de quoi payer les 6 à 8 milliards d’euros nécessaires à l’achat des 1,5 milliards de vaccins qu’il lui faut pour vacciner les 60 % de ses 1 ;3 milliards d’habitants. Comment pourrait-elle réunir un tel montant quand on sait que le déficit budgétaire de certains pays est résorbé grâce à un apport extérieur ? Ces vaccins sont pourtant d’une nécessité vitale pour certains pays. C’est le cas en particulier de l’Afrique du sud. Avec 1,4 millions de cas notifiés pour près de 43.000 décès déclarés, la nation arc-en-ciel est le pays le plus touché du continent. On comprend alors le cri de cœur que le président Cyril Ramaphosa a récemment lancé contre le « nationalisme vaccinal ». Mais en vérité, il ne sert à rien de blâmer les autres. De toutes ces épreuves, l’Afrique aussi doit pouvoir tirer toutes les leçons.
Attente et prière
Bien sûr, on a quelques pays qui s’efforcent d’être à la hauteur du défi. Ainsi, l’on nous annonce que l’administration des vaccins a commencé au Maroc, en Algérie, en Egypte, aux Seychelles, en Afrique du sud (évidemment) ou encore à l’Ile Maurice. Mais il convient de souligner que même dans ces pays, les lancements qui ont eu lieu ces tout derniers jours ne l’ont été qu’à titre symbolique. Parce que les doses jusqu’ici acquises sont dérisoires par rapport aux besoins dans ces pays. La livraison des autres commandes devant être échelonnée durant toute l’année 2021. Mais qu’en est-il des autres pays ? Ceux-là qui ne sont pas sûrs de pouvoir faire des commandes, parce que manquant des ressources pour le faire ? Ils attendent le dispositif Covax de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), destiné à aider les pays pauvres à disposer des vaccins. Sauf que ce dispositif-là, à défaut d’être aléatoire, pourrait lui-même trainer avant de se concrétiser. L’autre option qui s’offre eux, c’est la commande de l’Union africaine que l’on dit à hauteur de 270 millions de doses. Autant dire qu’on est là aussi largement en déca des besoins. Et c’est dire qu’à l’interminable attente, l’Afrique doit allier la prière pour que cette seconde vague ne soit pas aussi dévastatrice qu’annoncée. Qui sait, si les Humains ne se montrent pas compatissants, le Ciel, lui, pourrait se montrer plus réceptif aux cris de détresse de l’Afrique.
Boubacar Sanso BARRY