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SENEGAL : le viol, la crise et le 8 mars

C’est presqu’un paradoxe. Ce lundi 8 mars, les Sénégalais n’auront pas la tête à la journée internationale des droits des femmes. Ils seront accaparés par la crise que connait le pays depuis notamment l’arrestation, le mercredi dernier, de l’opposant Ousmane Sonko, pour trouble à l’ordre public. Mais le paradoxe vient du fait que pourtant, à l’origine de cette grandiose crise il y a un viol présumé. Viol qui aurait dû mobiliser tout le monde au côté de la présumée victime à l’occasion de cette journée dédiée justement aux femmes. Mais il n’en est rien. Au contraire, personne ne veut croire aux propos d’Adji Sarr, la fameuse masseuse par la plainte de laquelle le feu s’est emparé du pays. Elle n’est l’objet d’aucune compassion, parce qu’elle est perçue comme un instrument de manipulation au service du pouvoir sénégalais. C’est au contraire celui qu’elle présente comme son bourreau qui a droit à une solidarité quasi-unanime. Et voilà comment dans le pays de la Téranga, une noble journée dédiée à une cause juste est transformée en une journée de contestation politico-sociale, avec malheureusement des risques de pertes en vies humaines et des dégâts tout aussi regrettables.

Dans l’absolu, personne n’est encore en mesure de savoir ce qui s’est passé entre le leader du Pastef, Ousmane Sonko, et Mlle Adji Sarr, le 1er février dernier, dans les locaux de l’institut ‘’Sweet Beauty’’. Mais en réalité, très peu de personnes chercheraient aujourd’hui à savoir ce qui s’y est réellement passé. Qu’il y ait eu viol ou pas, ce n’est pas le plus important pour l’opinion publique sénégalaise en particulier. La mobilisation express et exceptionnelle du pouvoir au côté de la présumée victime a suffi pour que certains y voient sinon de la manipulation, mais tout au moins une récupération de l’évènement à des fins politiques. Et bien sûr, cette attitude suspecte des autorités n’était pas de nature à favoriser la sérénité que nécessitait la gestion de cette affaire. Sauf qu’il s’agissait là visiblement de la faute de trop pour Macky et sa bande. Lui qui avait déjà utilisé le même stratagème pour mettre un coup d’arrêt aux ambitions présidentielles de Karim Wade et stopper net l’ascension fulgurante de Khalifa Sall, entendait se servir de la même recette pour mettre à l’éteignoir Ousmane Sonko. C’en était trop pour les Sénégalais qui, il y a 9 ans, ne s’étaient jetés dans les bras du président actuel que pour congédier son prédécesseur.

Il y a donc dans la colère des Sénégalais tout d’abord un double refus : celui de se laisser berner et celui de l’abus. Mais à côté, il y a également des frustrations accentuées par les circonstances découlant de la Covid-19. Cette maladie dont les méfaits les plus dramatiques ne sont pas nécessairement les dizaines de milliers de personnes qu’elle a emportées. C’est ainsi que de nombreux Sénégalais qui se débrouillaient dans de petits métiers ou dans le secteur informel se sont retrouvés sur le carreau. D’un seul coup, des mères de familles qui nourrissaient leurs gosses grâce au maigre revenu tiré d’un commerce chancelant ne pouvaient plus assumer cette responsabilité cruciale. Des époux et pères de famille se retrouvant du jour au lendemain au chômage et ne pouvant compter sur aucun plan de secours de l’Etat, ne pouvaient plus faire valoir leur autorité maritale et parentale. Des réalités que le pouvoir sénégalais, trop coupé de ses compatriotes ne pouvait hélas pas percevoir. A la misère sans cesse croissante des seconds, le premier répondait systématiquement avec déni et arrogance.

Il n’est donc pas étonnant que le plan élaboré autour du viol d’Adji Sarr n’ait pas fonctionné. Ou plutôt qu’il est en passe de produire l’effet contraire à celui qui était recherché. Finalement, ce qui arrive au Sénégal est le fruit à la fois d’une certaine suffisance et d’une dose non négligeable de cupidité de la part d’une élite politique dans son ensemble. Mais il est rassurant de constater que de ce côté, le peuple veille encore au grain. Car ce n’est pas le cas partout sur ce si désespérant continent africain. Continent dont l’avenir se joue donc en quelque sorte cette semaine à Dakar et dans les autres villes sénégalaises.

Boubacar Sanso BARRY

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