Depuis la fermeture de la frontière entre la Guinée et le Sénégal, les activités économiques sont paralysées à Koundara, préfecture située au nord-ouest du pays sur la route qui mène au Sénégal. Les habitants de cette localité continuent de tirer la cloche d’alarme pour attirer l’attention des autorités pour la réouverture de frontière afin que leurs activités reprennent. Entre cherté des produits alimentaires, l’arrêt des activités chez les douaniers mais aussi le blocus des camions transportant des marchandises à destination du Sénégal ou de la Gambie… des citoyens de cette ville d’environ 30 000 habitants expliquent les difficultés majeures auxquelles ils sont confrontés et sollicitent la réouverture du point de passage entre les deux pays.
Joints au téléphone par Ledjely.com, plusieurs d’entre ont déploré la fermeture de la frontière décidée par les autorités guinéennes, en septembre dernier à l’approche de la présidentielle du 18 octobre 2020, officiellement pour de raisons de sécurité d’Etat. C’est le cas notamment de Mamadou Mbalédjo, boutiquier non loin du poste de douane. Il se plaint entre autres de la cherté de la vie qui, selon lui, est la conséquence directe de la fermeture des frontières entre la Guinée et ses voisins du Sénégal et de la Guinée-Bissau (celle avec la Sierra Leone étant réouverte en février après d’après discussions entre les deux gouvernements). “Ici, tout est cher. Et cela est dû à la fermeture des frontières. D’habitude, même si certains produits sont chers à Conakry, ça pouvait ne pas être le cas à Koundara ici. Mais depuis la fermeture de la frontière avec le Sénégal, nous rencontrons d’énormes difficultés. Car les commerçants sont obligés maintenant d’aller prendre des marchandises à Conakry, alors que, avant, avec les produits importés du Sénégal, on les avait sans difficultés. Actuellement, 1kg de sucre se vend à 10 000 GNF ; un sac de riz de 50 kg de 310 000 à 315 000 GNF et le bidon d’huile d’arachide de 20l de 320 000 à 330 000 GNF… Tout cela est dû à la fermeture de la frontière. Si la frontière n’était pas fermée, les gens n’allaient pas souffrir ainsi », assure-t-il.
Même constat chez Mamadou Yaya, chauffeur de camion qui y est bloqué depuis les premières semaines suivant la fermeture des frontières. “Nous venions de la Sierra Léone, nous partions en Gambie en passant par Koundara. À notre arrivée, ça a trouvé qu’ils ont déjà fermé la frontière. C’était lors des campagnes électorales. Ils ont dit que nous ne pourrions traverser qu’après les campagnes. Depuis lors, on est toujours bloqué là. Ça fait des mois qu’on est là. Et pourtant, nous ne transportons que des produits qui périment ou se décomposent. Nous transportons par exemple de l’huile de palme, du gari (farine de manioc)… Et pour le moment, l’huile se fermante et explose. C’est ce qui fait que ça coule partout », explique-t-il, parlant de son camion d’où tombent de gouttes d’huile de palme.
Poursuivant, le jeune chauffeur indique se trouver dans une situation très délicate. Se sentant abandonné par son patron, il égraine les difficultés qu’il endure dans cette zone dont il dit ne connaître personne. “Moi, je ne suis qu’un chauffeur. J’étais là avec le propriétaire des marchandises, mais comme les choses n’avancent pas, il a jugé nécessaire de se retourner. Depuis, à part ce qu’on nous envoie parfois comme dépenses, c’est très difficile de vivre. Surtout s’il s’agit d’acheter. Ici, même pour se laver, il faut payer. Et puis, nombreux d’entre nous les chauffeurs qui ne supportaient plus la vie dure ont rebroussé chemin. On était nombreux ici. Quand on demande aux douaniers quand est-ce que nous pourrons passer, les douaniers nous répondent : ‘Ne nous demandez pas ça. On ne connaît rien. C’est le président de la République qui a décidé’. Le jour où il décidera de la réouverture de la frontière, ça serai bien », confie le transporteur.
Si ces citoyens se plaignent de cette fermeture de la frontière, d’autres ne semblent pas affectés par la situation. Contacté par Ledjely.com, l’adjudant chef M. Keita, douanier à la Direction préfectorale de la douane de Koundara, ne perçoit pas la situation du même œil que les précédents intervenants. Pour lui, il faut juste être un bon patriote. “Certes si la frontière est fermée, il n’y a pas d’activité mais cela ne change rien de mon côté, car on perçoit toujours nos salaires. L’État fait tout pour qu’on reçoit nos salaires. Donc, le fait qu’il n’y ait plus d’activités ne change rien dans ma vie actuelle. Il faut savoir aussi qu’un bon fonctionnaire doit se suffire de ce qu’il gagne. Car dans la vie, il y a des hauts et des bas. Donc, même si aujourd’hui n’est plus comme avant, en tant qu’un bon fonctionnaire, je commence d’abord par respecter la décision des autorités. Ensuite, je respecte mon travail et enfin je me suffis de ce que je gagne, en attendant que le temps change », argumente-t-il.
Ali Mohamed Nasterlin