En marge de la 13e édition des 72 heures du livre, une table ronde a rassemblé des membres du Système des Nations-Unies et de hauts responsables guinéens pour échanger autours des possibles moyens qui existent afin de résoudre les conflits. L’accent a été mis sur les approches traditionnelles en Guinée et dans d’autres pays africains.
Les participants à cette table ronde ont mis en avant les différents mécanismes traditionnels qui existaient déjà en Afrique pour résoudre les conflits, que sont la négociation, la médiation et le ‘sanakouya’ (cousinage à plaisanterie).
Selon Pr Alhassane Cherif, psychiatre et écrivain, la négociation et la médiation sont deux techniques efficaces de résolution des conflits, souvent utilisés en Guinée. A côté de celles-là, on peut citer le pacte de non agression qui a permis la quiétude de régner dans bien des sociétés, a-t-il souligné.
Dans le même ordre d’idées, l’ancien ministre Lamine Capi Camara est revenu sur certains sujets qui créent les conflits, avant de parler de leur résolution. Ces sujets à problèmes qui sont la terre, la recherche du pouvoir et les femmes entre autres peuvent se résoudre de façon traditionnelle et efficace. Toutefois, a-t-il estimé, leur résolution se réussit à travers la connaissance des causes du conflit, des sociétés en conflit et de leurs us et coutumes. « La connaissance du totem, de la fraternité à plaisanterie, du sanakouya, du tabou, peuvent aider à consolider la paix dans la société », a précisé l’écrivain Lamine Capi.
Il a ajouté que le rôle de résolution des conflits est celui du griot qui épouse à la perfection ces demandes. « En Guinée forestière, c’est le cousin qui est prioritaire. Au Manding et en Basse-Guinée, c’est le griot qui a une connaissance large des parties prenantes et qui sait parler, connait les us et coutumes ainsi que la société », a-t-il indiqué.
Sur la situation actuelle de la société guinéenne, l’ancien ministre a fait savoir que « si nous vivons encore en paix aujourd’hui, c’est parce que le peuple, en Guinée, s’est toujours montré plus sage que ceux qui la gouvernent. Car les ethnies ne se sont jamais opposées ».
Baranga Kasarabwe, coordinatrice résidente du Système des Nations-Unies au Mali a, pour sa part, rappelé que tout se résout autour de la table. « L’étranger n’est pas celui qui viendra résoudre tous nos problèmes, car il est possible de les résoudre avec des solutions endogènes », a t-elle assuré. Rwandaise, elle a souligné l’expérience de son pays avec le génocide des Tutsis en 1994 et expliqué comment grâce, à la culture, au dialogue et à la médiation, le pays des Grands Lacs a su se reconstruire, malgré son terrible passé.
Pour Naby Kiridi Bangoura, ministre d’État et secrétaire général de la Présidence de la République, il n’y a de conflits qu’entre ceux qui ne se parlent pas. A la question de savoir pourquoi les crises perdurent dans les sociétés alors qu’il existe un tas de mécanismes traditionnels, ce responsable a pointé du doigt le changement de temps. « Le changement d’espace, la modernité, qui ont créé l’urbanité, la mutation de la parole qui n’est plus réglementée de nos jours par manque d’éducation de la parole publique, le fait de donner la parole au plus fort qui oriente le débat sont autant de facteurs qui expliquent la présence et la persistance des crises dans nos sociétés », a-t-il assuré.
Selon lui, il ne faudrait pas réinventer l’histoire : « Il faut créer et faire moins de mimétisme car toutes les réconciliations ne se font pas de la même manière ». Il assure qu’on est capables de trouver des solutions, mais pour cela, il faut qu’on accepte d’interroger au quotidien l’histoire et l’utiliser, qu’on valorise la mémoire sociale, historique et de chaque acteur concerné par le conflit.
Engagement des facteurs de pacte de non agression, de médiation et de négociation, le règlement des problèmes avant qu’il ne soit trop tard, l’utilisation des terreaux culturels pour régler les problèmes et ne laisser personne régler ses problèmes à sa place sont des propositions faites par le Pr Chérif. « Organiser avec des chercheurs une réflexion sur comment adapter le contenu de la charte de Kurukan Fuga à nos gouvernances actuelles, réinventer le passé pour être moderne au 21e siècle », sont d’autres recommandations qui ont été faites au cours de cette table ronde.