Il ne le savait peut-être pas, mais la manifestation que l’opposition et la société civile tchadiennes appelaient ce mardi 27 avril était une forme de test pour le général Mahamat Idriss Deby Itno, le président du Conseil militaire de transition (CMT). Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’aura pas réussi cette première épreuve. Au contraire, avec la répression brutale que lui et ses camarades de l’armée et des forces de l’ordre ont réservée à cette première contestation, ils se révèlent indignes de la confiance que la communauté internationale semblait avoir placée en eux. En effet, ils confirment par là qu’entre Deby le père et Deby le fils, la dérive du régime demeurera la même. De l’un à l’autre, la contradiction reste perçue comme un crime justifiant la mort. Et l’on comprend qu’enfin la France par la voix d’Emmanuel Macron et l’Union africaine par celle de Felix Tshisekedi haussent le ton contre la junte tchadienne. Il était temps que cette communauté internationale se réveille et réalise tous les risques auxquels elle expose le Tchad et le continent africain en parrainant une junte dont les membres n’ont pour référence qu’un certain maréchal Idriss Deby Itno.
Une seule manif, et la junte se dévoile
Les actes parlent plus haut que les discours. Cette observation illustre parfaitement le décalage abyssal entre les promesses du Conseil militaire de transition (CMT) et l’attitude dont la junte tchadienne a fait montre face aux premières manifestations post-Deby dont le pays a été le théâtre ce mardi 27 avril. En effet, que n’avait-on pas entendu ces derniers jours ? Des promesses en faveur d’une transition démocratique ! Un torrent de poèmes dédiés à la paix et à l’unité nationale ! Un engagement ferme de restitution du pouvoir au terme d’une période de transition ne devant pas excéder 18 mois. Mais il a fallu une seule manifestation pour que toutes ces nobles intentions s’écroulent comme un château de cartes. Révélant à l’occasion sa cruelle authenticité, la junte réprime cette première contestation dans le sang. Cinq morts voire neuf, selon l’opposition, et des dizaines de blessés pour une manifestation dont on ne dira pourtant pas qu’elle a drainé des foules. Peut-on continuer à fermer les yeux et offrir de fait le pouvoir en prime à des hommes s’étant rendus coupables d’une telle dérive ? Certainement pas.
Actes de contrition pour la France et l’UA ?
Heureusement, la France et le reste de la communauté internationale commencent à comprendre. En effet, à l’issue de la journée folle d’hier, Emmanuel Macron a été obligé de repréciser sa position. Très critiqué en raison aussi bien de sa présence aux obsèques d’Idriss Deby Itno que pour les propos qu’il y avait tenus, le président français, après avoir condamné sans équivoque la répression contre les manifestants d’hier, a souligné qu’il n’était point pour un « plan de succession ». Quant à lui, Felix Tshisekedi, le président de la RD Congo, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine, s’est prononcé en faveur d’un retour rapide à « l’ordre démocratique ». Bien sûr, c’est toujours regrettable que tous ces grands acteurs n’aient pas tout de suite compris ce qui était pourtant évident. Mais maintenant qu’ils savent à quoi s’en tenir avec cette junte, ils doivent prendre leurs responsabilités. Certes, leurs inquiétudes au sujet de la situation au Sahel sont légitimes. Les dernières attaques de Boko Haram dans la zone du lac Tchad et l’enlèvement puis l’exécution de trois touristes occidentaux au Burkina Faso sont à propos illustratifs de la préoccupation partagée. Mais rien de tout cela ne justifie que l’on donne à la junte tchadienne le bon Dieu sans confession.
Réconcilier le bonheur et la sécurité du Sahel
Il est du devoir de tous les partenaires du continent africain et du Tchad de se mettre tout d’abord du côté du peuple. Celui-ci a tout enduré depuis une soixantaine d’années. Et ce ne serait pas juste que l’on se rende complice d’un régime qui serait amené à lui faire vivre un nouveau martyr. Rien ne le justifierait. Pas même la fameuse sécurité du Sahel. Mais après, il n’est pas nécessairement impossible de concilier le bonheur des Tchadiens et la tranquillité dans le Sahel.
Boubacar Sanso BARRY