Ce mercredi 28 avril, lendemain des manifestations de l’opposition et de la société civile contre la dévolution dynastique du pouvoir au Tchad, N’Djaména la capitale, a retrouvé un semblant de normalité. En dépit d’un nouvel appel à manifestation qui avait été lancé par les opposants. Comme si, au-delà de la surenchère verbale, tout le monde avait pris la mesure des violences de la ville, les citoyens, la peur au ventre certes, ont renoué avec leurs différentes activités. Ce dont le CMT et le tout nouveau premier Pahimi Padacké ont profité pour entamer les consultations en vue de la composition du prochain gouvernement. Ils essaient de hâter le pas avec l’espoir que le gouvernement qui sortira de la série de rencontres qui sont actuellement en cours saura davantage rassurer les uns et les autres quant aux bonnes intentions de la junte. Même si en face les opposants continuent à crier leur détermination à continuer la lutte. Par ailleurs, la reprise des hostilités sur le font de Kanem contre les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) est une autre illustration de la fragilité de la situation.
Au-delà de la surenchère verbale
Personne ne saurait l’admettre, mais tous les camps semblent avoir tiré les enseignements de la journée agitée que le Tchad a vécue le mardi 27 avril. D’un côté, la junte que commande le général Mahamat Idriss Deby Itno, en raison des nombreuses condamnations de la répression, réalise que tout ne lui est pas permis. De l’autre, les opposants, avec la dizaine de morts qu’ils déplorent, doivent avoir compris, quant à eux, que le camp en face ne fait pas que dans les menaces stériles et que, pour en venir à bout, le sacrifice humain sera important. Conséquence, les deux bords ont consacré la journée d’hier mercredi à l’introspection et à la réévaluation de la stratégie. Faut-il persister dans la logique du jusqu’au-boutisme ou bien nuancer la stratégie ? Ainsi, du côté des autorités, si la place prépondérante du CMT dans la gestion de la transition demeure la ligne à ne pas franch.ir, on semble cependant désormais enclin à accepter le principe de la tenue des manifestations. On exige juste que les organisateurs sachent canaliser leurs ouailles. Quant à l’opposition, ce mercredi, elle a persisté à maintenir la pression, mais davantage par les discours et les dénonciations que par les descentes dans la rue.
Les questions de fond
Ce répit des plus précaires ne doit cependant pas faire illusion. Pour obtenir un véritable retour à la tranquillité, les questions de fond doivent faire l’objet d’un débat dépassionné. Certes, le réalisme commande d’admettre qu’à la différence notamment du Mali, les militaires seront la locomotive de la transition au Tchad. Mais si l’on veut que les choses se passent bien, les civils ne devront pas exclusivement hériter du menu fretin. Au-delà, un contenu précis et consensuel en termes de mission devra été donné à la transition. Autrement, que doit-on faire et selon quelles échéances ? Et en parlant d’échéance, il y en a une qui doit particulièrement faire l’objet de clarification. Il s’agit de la durée de la période d’intermède. Le CMT promet 18 mois. On doit, avec notamment la communauté internationale dans le rôle de garant, réussir à contraindre la junte à honorer cet engagement. De même, en ce tout début, on doit s’entendre de manière tout aussi claire sur ceux qui devront prendre part aux élections censées parachever la période de transition. Idéalement, et pour éviter justement tout risque de dévolution dynastique du pouvoir, les acteurs de la transition ne devraient pas avoir le droit de participer à ces échéances électorales. Bien sûr, au stade actuel et en raison du contexte très particulier du Tchad, tous ces sujets sont délicats. Mais on devrait trouver le moyen de les aborder notamment dans le cadre du « dialogue inclusif » que promet le général Mahamat Idriss Deby Itno. Il y va en tout cas du président et de l’avenir radieux du Tchad.
Boubacar Sanso BARRY