En mars dernier, l’Union européenne, à travers son haut représentant et vice-président de la commission Josep Borrell Fontelles, avait annoncé des sanctions individuelles contre les personnes inculpées dans le dossier relatif au massacre du 28 septembre 2009 au stade Conakry. Ces sanctions concernent l’interdiction de voyager sur le territoire de l’Union européenne et le gel des avoirs des concernés.
Sur une liste initiale de 68 personnes, l’UE a ramené le nombre de personnes sanctionnées à cinq : Moussa Dadis Camara, Jean-Claude Pivi, colonel Moussa Tiégboro Camara, lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité ‘Toumba’ et Abdoulaye Chérif Diaby, tous membres du défunt Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), la junte militaire qui était au pouvoir à l’époque. Une décision qui vise à pousser les autorités guinéennes à ouvrir le procès contre les personnes citées dans cette affaire qui avait endeuillées plusieurs dizaines de famille.
En conférence de presse ce lundi 17 mai 2021, Asmaou Diallo, la présidente de l’Association des victimes, parents et amies du 28 Septembre 2009 (AVIPA) a réagi à cette décision prise par l’Union européenne à l’encontre des présumés auteurs de ce massacre qualifié de crime contre l’humanité par les Nations-Unies.
Bientôt, douze ans après les terribles évènements, les victimes attendent toujours l’ouverture du procès qui devrait permettre de faire la lumière sur l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire de la Guinée. Pourtant comme l’a souligné récemment un groupe de parlementaires européens, certaines personnes inculpées dans cette affaire continuent d’occuper de hautes fonctions au sein du régime du président Alpha Condé.
Dans son intervention, la présidente de l’AVIPA a commencé par saluer cette décision de l’Union européenne. Puis, elle a fait une invite à l’État guinéen « d’emboîter le pas pour organiser immédiatement le procès ». Espérant que d’autres pays « vont réagir dans le même sens », Asmaou Diallo a demandé à l’État guinéen de « s’impliquer rapidement pour montrer à l’opinion nationale et internationale qu’il [est] engagé pour protéger le peuple de Guinée (…) Aujourd’hui, nous avons assez de victimes qui sont décédés depuis ce massacre », a-t-elle souligné.
Toutefois, l’AVIPA est loin d’être optimiste quant à la tenue rapide du procès qu’elle réclame depuis 2009. « Nous voulons une justice, mais ce n’est pas sûr avec ce gouvernement ! (…) Si le gouvernement était vraiment engagé à nettoyer cette tâche noire [qui a écorné la date historique du 28 septembre 1958], on aurait vraiment engagé le procès pour qu’on puisse retrouver notre vie normale. Mais si le gouvernement continue de donner des arguments, ce qu’il n’est pas [encore] prêt. Il n’a qu’à laisser le ministère de la Justice libre pour pouvoir travailler afin qu’aucun membre du gouvernement ne s’ingère dans [cette procédure] », a lancé Asmaou Diallo.
Pour finir, la présidente de l’AVIPA a lancé une plaidoirie au président Alpha Condé dont elle est convaincue que rien ne se fera sans sa volonté : « C’est une plaidoirie que je fais à l’endroit du président de la République d’accepter de donner la liberté au ministère de la justice pour que enfin ce procès soit ouvert ».
Ali Mohamed Nasterlin