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MGF/EXCISION : la Guinée et ses partenaires refusent d’abdiquer

Ce n’est pas parce que la Guinée occupe la place très peu enviable de deuxième pays au monde où l’excision est le plus pratiquée qu’elle veut pour autant épouser la fatalité et la résignation face une pratique dont les méfaits sont désormais amplement connus. C’est ainsi que les autorités guinéennes et les partenaires techniques et financiers ont, ces dernières années, continué à travailler de manière à convaincre les communautés à l’abandon des Mutilations génitales féminines (MGF). Des efforts ont particulièrement été consentis dans le cadre du programme conjoint UNFPA-UNICEF sur les Mutilations génitales féminines/l’excision. Un programme dont les activités ont notamment permis l’adoption d’un cadre législatif et réglementaire favorable à la lutte contre les MGF. Un cadre avant-gardiste illustré par le Code de l’Enfant révisé de mars 2020, le Code pénal et le Code de procédure pénale révisé en 2016. Au-delà, la pratique de l’excision étant éminemment culturelle, des efforts non négligeables sont également orientés en direction des communautés en vue de leur sensibilisation. Quitte à se servir pour cela des instruments juridiques désormais à disposition.

« On a fait éditer 2500 exemplaires du code de l’enfant révisé, qui a été distribué dans toutes les juridictions du pays. On a fait le plaidoyer, on a appuyé les juges pour enfants dans toutes les juridictions du pays. Et récemment on a travaillé avec l’ordre national des avocats de Guinée pour mettre en place un bureau de consultation gratuite où 20 avocats se portent volontaires pour défendre des dossiers partout où il y a des cas d’excision », énumère Abdoulaye Baldé, point focal MGF du programme conjoint UNICEF – UNFPA.

Et ce travail acharné et constant débouche bien sûr sur des résultats probants. Ainsi, nous renseigne-t-on, près de 400 villages ont été amenés à déclarer l’abandon de la pratique des MGF en 2020. « Depuis 2019, on a placé des travailleurs sociaux dans 40 communes qu’on appelle les communes de convergence, qui sont les communes dans lesquelles le programme est déployé (…) En 2020, il y a aussi 5 cas de MGF qui ont été jugés et condamnés à Faranah, à Gueckedou et à N’zérékoré », se réjouit M. Baldé.

En vue d’intensifier la lutte, il a également été décidé depuis 2019, de se faire accompagner par les leaders religieux, dans la mesure où une interprétation erronée de la religion est un des puissants vecteurs de la pratique.  « A travers le bureau de Stratégies et de Développement (BSD) qui est notre point focal, on a appuyé le secrétariat général des affaires religieuses pour élaborer un guide de prêche sur les MGF, il y a eu aussi une réflexion avec les femmes Oulémas de Guinée » assure ainsi l’expert.

Deux nouvelles stratégies sont utilisées dans la lutte contre les MGF. D’abord, il y a le fait de cibler non plus seulement les exciseuses, mais l’ensemble des communautés. Ensuite, même si l’excision touche les femmes, on a jugé utile d’associer les hommes au combat, notamment en raison de leur statut dans une société comme celle de la Guinée.

Finda Ifono, Directrice de programme excision à Plan Guinée

Plan International qui œuvre en faveur du bien-être des enfants est naturellement associé à ce combat d’envergure. D’ailleurs, pour la période 2019-2024, l’institution se fixe pour objectif de sauver 2 250 000 filles de l’excision. « Cet objectif est très ambitieux, admet Finda Ifono, directrice de programme Excision à Plan Guinée. Mais vous comprendrez que le focus de notre travail ce sont les filles. La cible ce sont tous les enfants, mais principalement les filles. Et actuellement toute la stratégie pays se consacre à la lutte contre l’excision ». Et pour atteindre les objectifs, Plan Guinée travaille par exemple en cette année 2021 sur les « rituels alternatifs d’initiation sans excision ». « C’est une approche que nous développons au niveau national à la suite de plusieurs études anthropologiques qui montrent que les raisons de la perpétuation de la pratique sont d’ordre culturel, et dans certaines communautés le rite est très essentiel », explique Finda qui s’empresse de préciser que 3 000 filles ont été sauvés de l’excision dans le cadre du projet “Sauvons les filles de l’excision” qui couvre les préfectures de Coyah, Gueckedou et Kissidougou.

Les efforts contre l’excision et au-delà toutes les formes de violences basées sur le genre (VBG), demeurent donc importants de la part du programme conjoint. Des acquis évidents sont également au rendez-vous. Mais il ne faut pas pour autant se leurrer, les défis, il en reste encore. Au nombre de ceux-ci, on a celui touchant à la mutualisation nécessaire des efforts et à la coordination tout aussi souhaitée des actions. Cela pouvant en particulier aider à couvrir davantage de zones et de communautés dans le pays. Un autre défi plutôt inquiétant, c’est l’ampleur sans cesse grandissante que prend la médicalisation de la pratique de l’excision. Le fait que des médecins parfaitement au courant des méfaits et exerçant dans des structures formelles puissent se prêter au jeu est une source de préoccupation. D’autant que le taux de cette médicalisation est passé de 31% en 2012 à 35% en 2018. « Il faut faire comprendre à nos collègues médecins, mais aussi faire des plaidoiries auprès du ministère de la Santé pour l’application des arrêtés conjoints qui accompagnent les lois » préconise Finda.

Quant à lui, Abdoulaye Baldé plaide pour la reconduction du programme au terme de la troisième phase prévu en décembre 2021. Et au titre des perspectives, il recommande une plus grande prise en compte des technologies dans la bataille. « Par exemple, lorsqu’un amène un village à déclarer l’abandon de l’excision, on peut mettre en place des outils numériques tels que des tablettes pour remonter de nouveaux cas où s’assurer que les villages respectent leurs engagements », suggère-t-il.

Du côté de Plan Guinée, on attire l’attention sur la nécessité d’envisager la lutte au niveau sous-régional pour espérer des résultats. Ainsi, selon Finda Ifono, son institution pilote deux projets de lutte contre les MGF dont le premier est orienté vers la frontière avec la Guinée Bissau et le second vers la frontière à la fois avec la Guinée Bissau et le Sénégal.

Hawa Bah

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