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GUINEE : la superstition au sommet de l’Etat

Depuis la matinée de ce jeudi 20 mai 2021, le contenu d’une lettre circulaire signée par le secrétaire général des Affaires religieuses soulève toutes sortes de commentaires. Et pour une fois, tous les avis s’orientent vers l’incompréhension et l’étonnement. En effet, dans ladite note, celui qui fait office de ministre de Culte, invoquant des « fléaux et calamités naturelles que connaît notre pays », recommande outre la prière, un sacrifice plutôt curieux. Aly Jamal Bangoura demande notamment aux fidèles musulmans d’offrir (à qui ?) le cocktail mystérieux composé d’une « boite de lait Gloria, un sachet de lait en poudre, un kg de riz et le fankadama ». Certes, cette étrange offrande n’est pas totalement inconnue des Guinéens. Mais qu’il en soit question dans un document aussi officiel que celui portant la signature un responsable ayant rang de ministre, c’est certainement une des rares fois. Parce qu’en quelque sorte, on y voit l’institutionnalisation de pratiques superstitieuses qui demeuraient jusqu’ici du domaine strictement privé et que même les adeptes n’osaient pas toujours assumer.

Mais pour en revenir à la lettre circulaire de Aly Jamal Bangoura, le secrétaire général des Affaires religieuses, un certain nombre de questions devraient guider notre analyse :

D’abord, quid des motifs invoqués ?

« Face aux fléaux et calamités naturelles que connaît notre pays (…) à l’orée de la saison des pluies et dans le souci de protéger les populations… », ce sont là en substance les motifs que met en avant le secrétaire général des Affaires religieuses pour formuler sa recommandation. Il est donc question d’une part de « fléaux et calamités naturelles » et de l’autre de la « saison des pluies » qui pointe. La première mise au point qui s’impose ici, c’est de dire qu’Aly Jamal Bangoura doit avoir des informations dont les Guinéens dans leur ensemble ne disposent pas. En effet, de quels fléaux et calamités naturelles, parle-t-il ? En tout cas, ça ne peut être ni Ebola, ni coronavirus. Si c’est de ces maladies dont il s’agissait, il aurait certainement fallu s’y prendre plus tôt. Ce n’est pas maintenant que les deux épidémies sont passe d’être maitrisées qu’on peut sortir une si déconcertante décoction comme remède. Et pour ce qui est des catastrophes que pourrait charrier la saison des pluies, on ne sait quel météorologue a dû souffler à l’oreille d’El Hadj Bangoura. Bref, c’est le flou total quant au bien-fondé des raisons mises en avant.

D’où la nécessité d’envisager d’autres motifs non mentionnés dans la lettre circulaire. On pense en premier à l’isolement progressif dont la Guinée fait l’objet. En effet, contrairement aux apparences, les rapports qui pleuvent les uns sur les autres depuis la tenue de la présidentielle d’octobre dernier ne sont pas sans effet. La pression confère une trouille certaine à nos gouvernants. Les réactions réservées à la liste des personnalités pour lesquelles les eurodéputés sollicitent des sanctions sont en cela illustratives. Autre raison susceptible de rendre compte de la note circulaire d’Aly Jamal Bangoura ? Le contexte socioéconomique qui, lui aussi, n’est pas des plus roses. C’est le moins qu’on puisse dire. Or, les choses ne risquent pas de s’arranger avec la hausse qu’on dit imminente du prix des produits pétroliers. Du côté des autorités, on a conscience qu’une réaction hostile des populations, asphyxiées par une réalité de plus en plus intenable, n’est pas exclue. Et bien sûr, ces deux facteurs mis ensemble peuvent inciter les autorités à recourir jusqu’à l’irrationnel dans l’espoir d’en réchapper.

L’autre question, d’où le secrétaire général des Affaires religieuses tire-t-il sa fameuse recommandation ?

A la limite, si Aly Jamal Bangoura s’en était tenu aux prières et à la lecture des livres saints, ç’aurait été quelque peu compréhensible. Mais qu’il préconise qu’on fasse offrande de ce mélange d’une « boite de lait Gloria, un sachet de lait en poudre, un kg de riz et le fankadama », cela ne saurait passer. Parce que ce cocktail-là n’a rien à voir avec l’Islam dont il se réclame pourtant. Pire, tous les Guinéens savent que cette étonnante recommandation fait suite à la consultation d’un marabout, d’une joueuse de cauris et d’un diseur de bonnes paroles. C’est dire donc que quelqu’un, au plus haut sommet de notre pays, a fait appel aux services plus que controversés et douteux d’un de ces personnages. Et qu’à travers sa lettre circulaire, le secrétaire général des Affaires religieuses, en avalisant les prescriptions ayant résulté de la consultation, les a légitimées et institutionnalisées. Bien sûr, cette attitude des plus singulières justifie que la Guinée soit la risée du monde. Mais de tout cela, peut résulter une conséquence encore plus préoccupante. C’est le risque que d’autres Guinéens, s’inspirant des agissements de nos autorités, se fassent davantage arnaquer par les marabouts et assimilés. En effet, si le gouvernement lui-même a recours à leurs services, comment convaincre des citoyens en proie à un quotidien encore plus difficile, de ne pas faire de même ? L’exemple vient d’en haut non ?

Boubacar Sanso BARRY   

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