Les travaux du Cadre permanent du dialogue politique et social ont-ils véritablement commencé ? Quelle absurde question ! Voilà comment on pourrait à première vue, accueillir cette interrogation. Vu que le tout nouveau secrétaire permanent du Cadre du dialogue a eu la semaine dernière des rencontres présentées comme étant le début des travaux de son institution, cette question peut en effet passer pour une provocation. Pourtant, il n’en est rien. Le questionnement est plutôt le reflet d’une incompréhension authentique. Vu les attentes et les espoirs se rattachant à ce cadre de dialogue, il est légitime en effet de se demander si ce qu’on nous a présenté est véritablement le début du processus. Et si tel est le cas, il y a franchement de quoi déchanter.
Le choix du président de la République de confier le pilotage du Cadre de dialogue à Fodé Bangoura avait rencontré une forte méfiance. Cependant, il y en a qui ont voulu accorder à l’homme le bénéfice du doute ; qui ont recommandé qu’il soit jugé sur les actes qu’il va poser. Eh bien, avec le début poussif auquel nous avons assisté, même ceux qui voulaient y croire devraient être en proie au doute.
D’abord, parce que dans sa démarche, le secrétaire permanent du cadre de dialogue manque de solennité et de sens pédagogique. Il est directement rentré dans le vif du sujet. Aucune déclaration préliminaire pour donner les grandes lignes et définir les contours du travail qu’il aura à faire. C’est à croire que Fodé Bangoura lui-même ne mesure pas les enjeux et les espoirs qui se rattachent aux travaux du Cadre permanent de dialogue. Ensuite, il convient de se demander comment le secrétaire permanent du Cadre de dialogue a-t-il pu lancer les travaux, alors que les autres membres de l’instance ne sont pas désignés ? En effet, il ressort du décret instituant le cadre permanent de dialogue politique et social rendu public le 27 janvier dernier, qu’au nombre des trois organes du Cadre, il y a un secrétariat permanent ainsi composé : un secrétaire permanent, un représentant de la présidence de la République, un représentant de l’Assemblée nationale, deux représentants du Gouvernement, deux représentants de l’opposition, deux représentants de la majorité et deux représentants de la société civile. A l’instar du secrétaire permanent, les 10 autres membres du secrétariat permanent son nommés par décret du président de la République. L’acte de nomination de ces derniers n’ayant pas encore été rendu public, comment expliquer que Fodé Bangoura décide seul de l’ouverture des travaux du cadre ? Cette attitude en soi n’est-elle pas révélatrice du fait que l’homme n’est pas suffisamment porté sur la concertation ? N’est-elle pas surtout révélatrice de sa prédisposition à résumer le cadre de dialogue à sa seule personne ?
Par ailleurs, c’est avec un étonnement certain qu’il nous a été donné de constater que les acteurs du secteur du Transport sont les premiers interlocuteurs de Fodé Bangoura. En quoi ce choix était-il en effet pertinent au regard du contexte qui prévaut aujourd’hui en Guinée ? Est-ce là l’urgence quand on a pour mission de débloquer notamment la crise politique ? En réalité, ce choix donne l’impression qu’on veut se servir du Cadre de dialogue pour faire de la diversion. Encore que, de l’avis même de Fodé Bangoura, c’est le président de la République qui lui a dit de commencer avec les acteurs du secteur des transports. Au-delà du fait que cet aveu nous révèle que c’est le chef de l’Etat qui fixe l’agenda du Cadre de dialogue, on peut déjà soupçonner une récupération de celui-ci pour satisfaire d’autres fins que celles pour lesquelles il a été créé. En effet, si le président réoriente les priorités vers le secteur des transports, cela n’est probablement pas sans lien avec la volonté toujours manifeste des autorités de revoir à la hausse le prix du carburant. Certes, en raison des velléités de contestation qu’il avait perçues au sein de la population, le gouvernement n’est pas passé à l’acte le 1er juin dernier. Mais il ne renonce guère à augmenter le prix des produits pétroliers. Mais il discute désormais des mesures d’accompagnement avec les acteurs du secteur des transports. Et c’est sans doute en raison de cette préoccupation conjoncturelle que le président Alpha Condé a souhaité que Fodé Bangoura se concerte en priorité avec le secteur des Transports. Sauf que de cette façon, on détourne le Cadre de concertation de son objectif initial. Celui-ci n’est pas en effet un instrument de plaidoyer au service des autorités. Il est censé se saisir des problèmes structurels de fond et non des questions conjoncturelles.
Mais pour l’instant, on a une évidente confusion des genres. Ce qui n’est pas pour favoriser l’adhésion des populations au travail du Cadre de dialogue
Boubacar Sanso BARRY