Les conditions de détention dans les prisons guinéennes ont toujours fait l’objet de débats. Il en était question du temps de la révolution avec les sévices infligés aux détenus dans l’enceinte du camp Boiro. On en a également parlé au lendemain de la tentative du coup d’Etat des 4 et 5 juillet 1985. Et plus récemment encore avec les prisonniers morts en détention à la Maison centrale de Conakry, le sujet est revenu au-devant de la scène. A chaque fois, les autorités en place ont fait dans la dénégation. Et même, si l’on s’en tient à certaines dispositions du Code pénal guinéen, on peut dire qu’il y a une certaine volonté politique allant dans le sens de l’élimination de la torture des pratiques carcérales guinéennes. En effet, dans ce code, criminalisée, la pratique de la torture est punie d’une peine allant d’une amende de 500 000 GNF à 20 ans d’emprisonnement. Pourtant, le problème demeure. Illustration avec le tout dernier témoignage de Boubacar Diallo alias Grenade, récemment gracié par le président de la République. Bien qu’ayant annoncé son départ de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) à laquelle il reproche de l’avoir abandonné, il a confié à nos confrères de FIM FM avoir subi la torture, aussi bien celle physique que celle psychologique. Il donne même le nom de celui qui aurait essayé de lui extorquer des aveux en usant de la torture.
Invité de l’émission ‘’Mirador’’ de ce lundi 21 juin, Grenade a confié avoir été torturé par un agent de la Brigade de recherche de Kénien. Un agent répondant au nom de ‘’Kenema’’. « Il faisait partie des personnes qui m’obligeaient, qui me torturaient ». Boubacar Diallo qui dit témoigner de sa reconnaissance au chef de l’Etat qui l’a gracié pense en effet qu’en dépit de cette clémence, il lui faut dire la vérité. « Moralement et physiquement, Kénéma m’a torturé », enfonce-t-il. Puis décrivant une scène particulière, il poursuit : « Kénéma est venu comme un sage, il était en Macky Sall (un boubou africain rendu célèbre par le président sénégalais, ndlr). Je ne savais même pas qu’il était un gendarme ou quelqu’un qui travaillait pour le service de renseignement. Il avait un sac à dos avec son PC (ordinateur) et des documents. Il m’a dit : ‘’tout ce que je te demande, c’est signer et confirmer ça’’. J’ai dit non car ce que je voyais dans ces documents ne venait pas de moi ». En définitive, Grenade aurait dit à Kénéma qu’il préférait se donner la mort que de signer les documents qui lui étaient présentés et dont le contenu était inventé de toutes pièces.
En effet, une liste de personnes considérées comme ses complices dans le cadre des violences politiques avait été préalablement composée et il lui était demandé de signer au bas du document pour reconnaître leur complicité. Or, dans les faits, dit-il : « je n’ai jamais collaboré avec un cadre, avec un commerçant, ni un homme politique, un leader, un jeune qui m’ordonnait de prendre l’arme pour faire ceci ou cela ou pour barrer la route en brûlant des pneus. Tout ce que je faisais au moment des événements politiques, ça ne venait pas de l’UFDG, ni d’un cadre ou un commerçant. Ça venait de ma propre personne ».
Ali Mohamed Nasterlin