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Violée par huit malfrats et stigmatisée, elle a essayé de se suicider…

Le viol dont de nombreuses femmes sont victimes au sein de notre société n’agresse pas que le corps. Il touche à quelque chose de plus profond chez la victime. Au point que de nombreuses années après l’acte physique, les victimes peuvent continuer à trainer le traumatisme qui peut en résulter. Surtout si, comme dans le cas de Mariétou [1]dont le récit est au cœur de cet article, au viol, s’ajoutent la stigmatisation, les moqueries et la culpabilisation.

En début d’année 2016, sa maman malade et évacuée à Dakar, Mariétou est confiée au soin de sa tante, à Dubréka, à 50 km de Conakry. Et c’est au cours de ce séjour qu’elle devait vivre l’évènement qui continue encore de hanter ses nuits. Le 17 janvier 2016 précisément, la jeune fille n’a pas encore fêté ses 15 ans et ne fait que la 9ème année. Cette nuit-là, dans les bandes de 1 heure du matin, alors que Mariétou, son frère et sa tante dormaient profondément, ils sont réveillés par un bruit venant de la porte principale de la maison. C’est tout d’abord la tante qui se lève pour s’enquérir des raisons du bruit. Arrivée au salon, son attention est tout de suite attirée par des silhouettes affairées à la porte. « Ce sont des voleurs », se dit-elle. Elle s’en retourne dans la chambre, réveille sa nièce et son neveu et s’empare de son téléphone pour composer le numéro des « autorités » de Dubréka pour demander de l’aide. Pas de chance, personne ne veut voler à son secours. Entre temps, les malfrats ayant réussi à défoncer la porte, s’étaient introduits dans la maison. Ils sont au nombre de huit et arborent des uniformes de gendarmes et portent des cagoules. Trainés de force, les trois occupants de la maison sont réunis au salon. Ensuite, la bande procède une inspection minutieuse de la maison. « Ils ont pris bijoux, argent et autres », se souvient Mariétou.

« J’ai perdu connaissance quand le 5ème homme abusait de moi »

Et c’est au moment où la jeune fille, son frère et sa tante croyaient que les visiteurs indésirables s’apprêtaient à s’en aller qu’un d’entre eux s’est saisi de « ma tante et s’est mis à dénouer son pagne ». Dans un premier temps, la pauvre femme devinant ce qu’on lui voulait se débat, mais des renforts arrivent pour aider à la maîtriser. Impuissante, elle se laisse faire. Elle est alors violée par les huit membres de la bande sous les yeux de Mariétou et de son frère. Aussitôt après, on se saisit de la fille à qui on fait subir le même sort, devant son frère. « J’ai perdu connaissance quand le 5ème homme abusait de moi. C’est après que mon frère qui lui-même avait reçu un coup de matraque sur la tête m’a dit que tous les huit hommes m’étaient montés dessus », explique Mariétou.

« J’étais vierge »

Son double forfait commis, la bande s’en va en emportant son butin. Mariétou, elle, ne devait reprendre connaissance que le lendemain, à l’hôpital préfectoral de Dubréka. L’évaluation des dommages est sans appel : « j’ai eu des déchirures graves, je saignais beaucoup, parce que j’étais vierge. Ce viol était ma première relation sexuelle. Vous ne pouvez pas imaginer ma douleur ». Après quelques jours de traitement, elle est de retour à la maison. « Des gens venaient me saluer pour voir mon état ». Des gens parmi lesquels, confie-t-elle, « certains disaient que c’était ma faute si j’avais été violée, parce que je portais des tenues courtes et que j’aimais exposer mon corps ».  Ces commentaires tendant à légitimer ce qu’elle avait subi et allant jusqu’à lui en faire porter la responsabilité, la jeune fille les a particulièrement mal vécus. « Ils m’ont mis dans un terrible choc. J’ai fait plus de 2 mois sans parler à quelqu’un, j’avais peur de tout le monde, je ne sortais plus, je ne mangeais plus et quand j’essayais de dormir, ce sont les images de cette nuit qui me revenaient. Du coup, je restais dans le noir, j’ai détesté tout le monde surtout mon frère parce que je lui voulais de ne pas m’avoir sauvée. J’étais stigmatisée dans le quartier quand je passais, j’étais pointée du doigt par des connaissances ».

Diagnostic : tu n’enfanteras point !

La stigmatisation était telle que la maman de Mariétou, rentrée précipitamment de Dakar, a été obligée de l’expédier à Siguiri, auprès de la grand-mère de la fille. Mais cette fuite n’aura eu aucun effet sur le mal que traversait la pauvre Mari. « Je vivais toujours les mêmes cauchemars, j’avais peur de tous les hommes. A chaque fois que je voyais un homme grand de taille, je me disais que c’était l’un de mes violeurs qui m’avait suivie pour encore me violer. Du coup, je me suis renfermée sur moi-même ». Et c’est alors qu’elle en était à cette instabilité psychologique que Mariétou se rappelle qu’elle n’avait pas eu ses règles depuis trois mois. Elle a la lucidité de s’en ouvrir à sa grand-mère. « Nous sommes allés à l’hôpital préfectoral de Siguiri pour voir si je n’avais pas piqué une grossesse à la suite du viol ». Des examens, il ressort qu’elle n’est point enceinte. Mais les médecins mettent en évidence quelque chose de plus traumatisant encore pour la fille. « Les médecins nous ont dit que l’arrêt des menstrues était dû aux infections et aux complications que j’ai eues lors du viol collectif que j’avais subi. Ils ont dit que je devais subir une intervention chirurgicale parce que j’ai une trompe bouchée ». Intervention à laquelle Mariétou et sa grand-mère ne donneront pas de suite, faut de moyens. Contraints et forcés, les médecins ont dû se rabattre sur d’autres traitements. « Mais ils ont fini par conclure que je ne pourrais plus avoir d’enfant ». Pour la fille, c’est le choc de trop. Au point que plus de cinq ans après, elle avoue volontiers : « ce diagnostic-là m’a plongée dans une dépression. Apprendre que je ne pourrais plus avoir d’enfant m’a brisée et brisé l’espoir de ma mère de devenir grand-mère ». Elle tente même de se donner la mort, notamment en s’ouvrant les veines. Mais à chacune de ses tentatives, elle est sauvée de justesse.

« J’appréhende de coucher avec un homme »

Cinq ans après, elle a émergé de la grande dépression et a repris les études. Mais de la nuit du 17 janvier 2016, elle n’a rien oublié. Elle souffre notamment du fait de ne plus pouvoir avoir d’enfant. De même, elle aurait souhaité que la perte de sa virginité soit associée à un souvenir plus heureux que celui sombre de la nuit qui la hante. Hélas. Enfin, dit-elle : « à chaque fois qu’une amie se marie, quand j’essaie de me mettre place, je me rends compte que j’appréhende sa première nuit de noces. Car j’appréhende le jour où je vais devoir à nouveau coucher avec un homme. Au point que je préfère rester seule ».

Témoignage recueilli et rendu par Asmaou Diallo

[1] Nom d’emprunt. Sur la photo, elle est en entretien avec le Pr. Hassane Bah, de la Médecine légale lors d’une consultation

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