En Guinée, l’amour reste le thème favori de nombre d’artistes au détriment des autres préoccupations du peuple comme la situation sociopolitique du pays qui est préoccupante. Ce manque d’engagement pour défendre la cause du bas peuple est regrettable estiment des acteurs culturels.
Pour Maley, manager du groupe Hezbo Rap, peu d’artistes respectent de nos jours leur contrat social. L’engagement, précise-t-il, ce n’est pas dans la bouche mais dans les actes. « L’engagement c’est un contrat moral qu’on a avec soi afin de défendre ses idéaux, ses convictions, les personnes auxquelles on tient. Pour moi, l’engagement se traduit aussi par des actes. Il ne suffit pas seulement de dire que je suis engagé mais il faut aussi le démontrer. C’est en le démontrant qu’on prouve qu’on est engagé ».
Concernant les artistes guinéens, cet acteur de la culture pense qu’aujourd’hui, très peu d’artistes guinéens disent ce qu’ils pensent réellement à cause des enjeux. Alors que pour lui l’engagement est encore plus sociétal que politique, il assure qu’un chanteur qui sort un tube qui cartonne ne doit pas par la suite oublier rapidement la misère dans laquelle il a dû végéter pour changer carrément de cadre. Sinon argumente-t-il, lui qui a une voix qui porte n’arrivera plus à dénoncer les douleurs de ses anciens congénères afin que leurs situations s’améliorent.
« Au niveau politique, on n’en parle même pas. Les artistes voient la vérité mais ils n’osent pas s’exprimer parce qu’ils ont des grands dans tel parti qui les financent, qui leur offrent souvent des trucs, des cadeaux. Ils n’ont pas envie de froisser ceux-là. Car lorsqu’ils disent la vérité, c’est en partie pour accuser ceux-là aussi alors qu’ils vivent souvent grâce à eux. Les artistes n’osent pas s’exprimer librement et ne prennent pas leurs responsabilités. Ils voient la réalité et ils la contournent, ils n’en parlent pas », a-t-il dénoncé.
Toutefois pour lui, les responsabilités sont partagées entre citoyens et artistes. « Quand tu es artiste ou même citoyen, quand tu dis que les peulhs sont victimes, les gens te disent directement toi, tu es d’un parti politique ou de l’UFDG. Quand tu dis que les malinkés sont victimes de violences, on dit voilà, il est de tel bord politique donc en quelque sorte, les artistes fuient leurs responsabilités. Ils voient la vérité, ils n’en parlent pas et d’autre part aussi, ceux qui parlent, on les catalogue automatiquement. On les appelle les artistes communautaires, ceci, cela. Donc les responsabilités sont partagées. Il y a les artistes mais aussi le manque de civisme d’une partie de la population », a fait comprendre Maley.
Le rappeur Muslim du groupe Hezbo Rap pour sa part croit que l’engagement est plus un état d’esprit qu’une obligation. « Parmi les artistes guinéens, il y a des artistes qui sont très engagés, qui dénoncent, qui contestent mais bon, ils sont minoritaires. Je prends l’exemple de Djani Alfa. Même Élie Kamano, moi je dirais qu’il est engagé. Peut-être beaucoup de gens vont me contredire parce qu’il est dans la politique mais il a été longtemps un artiste engagé qui dénonçait dans ses chansons et tout, etc. », a-t-il fait savoir.
Ibrahima Sory Bah, connu sous le nom d’artiste Straiker, rappeur guinéen, fait également savoir que tout artiste doit avant tout être engagé. Pour autant, le musicien qui défend la valeur culturelle reste tolérant. Selon lui, ne pas choisir c’est aussi faire un choix. « Chacun a ses engagements, ses objectifs donc pour moi, les artistes guinéens, chacun est engagé à sa manière. Il y a des gens qui défendent les causes politiques, sociales. Il y a certaines personnes et certains artistes qui défendent la cause culturelle et artistique », assure-t-il en étant plutôt compréhensif.
Elisabeth Zézé Guilavogui