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Appel à la réconciliation en Guinée (Lamine Capi Kamara)

La réconciliation nationale, le terme est dans les programmes de tous les responsables politiques guinéens. Il est sur toutes lèvres. Les uns l’appellent de leur vœu. Les autres trouvent qu’elle n’est pas nécessaire. Ces derniers estimant en particulier que la Guinée n’est pas divisée pour avoir besoin de se réconcilier. Quelques-uns encore redoutent l’ouverture du débat sur la question. « Cela reviendrait à ouvrir une boite de pandore », disent-ils. Craintifs, ils appréhendent le risque que le remède ne se révèle plus dévastateur que le mal. Pour sa part, l’ancien ministre Lamine Kamara pense qu’il faut y aller tout de suite et maintenant. Dans son dernier essai ‘’Ethnies, partis politiques et cohésion nationale : sur les chemins de la réconciliation nationale en Guinée’’ (L’Harmattan Guinée, 2021), il pense qu’un processus de justice transitionnelle est un passage obligé pour notre pays. Certes, il ne se fait pas d’illusion. Il a notamment conscience de la sensibilité du sujet. Mais il invite à y aller avec courage, sérieux et responsabilité. Par le truchement du travail d’une commission vérité et réconciliation, estime-t-il en effet, la Guinée, dans sa diversité, fera face à son histoire, aussi bien celle glorieuse que celle qui l’est moins. Or, cette relecture du chemin parcouru jusqu’ici, avec des hauts et des bas, est à ses yeux, indispensable à une refondation vraie de la nation GUINEE et au nouveau départ authentique auquel tout le monde aspire.

Aussi, nous reprenons ci-dessous l’essentiel de son appel en faveur de la RECONCILIATION NATIONALE

De la nécessité d’un récit consensuel de l’histoire de la Guinée

Pour ne pas persister dans les transgressions où nous nous sommes collectivement fourvoyés, les générations présentes et à venir se doivent d’avoir connaissance de ce qui a ébranlé et fragilise encore la Guinée. De tels rappels offrent matière aux chercheurs, guinéens ou étrangers. C’est ainsi que s’écrit notre Histoire puisez dans les expériences, les mémoires et les témoignages d’observateurs oculaires et de patriotes engagés…

L’écriture de l’Histoire contemporaine de la Guinée et la réconciliation nationale sont consubstantielles. Les écrits d’hier, d’aujourd’hui et de demain, objectifs ou passionnés impartiaux ou partisans, virulents ou tempérés, fournissent aux historiens un matériau précieux, digne d’être exploiter pour éclairer notre sentier d’une lumière avivée par le temps. C’est une voie qui nous conduit vers un nouveau destin à conquérir, vers un avenir que nous espérons éclatant dans une unité resserrée, une concorde retrouvée, dans la fraternité et la paix. Dans le même temps, ces écrits, par leurs approches parfois diamétralement opposées, ouvrent les générations présentes et futures aux raisons qui fondent notre réconciliation nationale et la rendent si indispensable.

Pour parvenir à un récit consensuel de l’Histoire de la Guinée, l’entente des Guinéens est une étape inéluctable. Elle repose sur la mise en œuvre effective des mécanismes de justice transitionnelle, pour garantir un droit à la vérité, à la justice, à la réparation sur toute ses formes, en nouant un pacte qui nous garde à jamais de toute funeste récidive.

Nos efforts de réhabilitation ne pourront résulter que d’un processus national de réconciliation mené jusqu’à son terme dans un esprit de consensus, sain, pacifié. Dans le cas contraire, mené à contrecœur, parodique ou inachevé, il ne recueillerait pas l’indispensable consentement des victimes et de leurs descendants. Un tour biaisé, partisan ou tronqué, fera courir à la nation le terrible péril de la répétition, où nos douloureux contentieux passés ricocheront de génération en génération. Un écrasant héritage, une voie sans issue.

Se réconcilier pour éviter la récidive

La réconciliation que nous appelons instamment de nos vœux doit nécessairement s’appuyer sur l’application rigoureuse de normes internationales de justice ; il faut y insister, elle doit aussi porter le sceau de la spécificité guinéenne, par le prix et l’importance qu’ensemble, nous conférerons au pardon et à la concorde.

C’est pourquoi nous avons salué la mise en place de la commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale et, au côté de tous les citoyens guinéens, nous attendons avec un espoir immense les urgents travaux de la commission de réconciliation nationale. Retarder plus longtemps son installation, c’est prendre le risque de rendre notre avenir gravement incertain, à coup sûr de l’obscurcir par mille nuées qui chaque jour s’amoncellent sur notre horizon, voire d’en obstruer l’issue ou de la compromettre.

Ce choix du courage et de la responsabilité face à l’Histoire empêchera la répétition des lots de fautes commises par les uns et les autres, et donnera au précepte emblématique « Plus jamais ça ! », les meilleures préventions de rechute, pour le salut de la Guinée.

De manière cyclique, sous quatre régimes successifs, la 1ère et la 2ème République, l’éphémère ère Moussa Dadis Camara et Sékouba Konaté, la 3ème et la 4ème République sous laquelle nous vivons aujourd’hui, des violences politiques certes d’ampleur et de caractères différents, ont été commises en Guinée.

Cet héritage, c’est le nôtre. Celui de la Guinée tout entière. L’Histoire d’un pays ne peut se construire exclusivement sur ses pages les plus glorieuses, ni même sur les plus sombres. La Guinée n’échappe pas à cette règle.

Pour ce faire, avec une légitime fierté, nous devons lire, relire et transmettre nos pages gravées en lettres d’or aux générations futures ; pour autant, nous faut-il aussi assumer l’héritage intégral en lisant, en relisant et en partageant avec les mêmes générations nos pages d’Histoire les plus obscures : c’est le legs, tout le legs de la Guinée qu’il faut endosser.

Nous avons été et demeurerons toujours le peuple fier du 28 septembre 1958, conduit dans l’unité et la concorde à l’indépendance par des dirigeants précurseurs de toutes obédiences politiques ; un peuple émancipé qui fit l’admiration du continent comme du reste du monde, mais qui a également consigné des pages plus ténébreuses, qui oblitéreraient le futur de la Guinée et resteraient ineffaçables si elles n’étaient reconsidérées et apurées.

Sans appréhension, bravement, faisant face à notre passé et à notre présent. Sans crainte inhibitrice, confrontons les faits. A cœur ouvert, parcourrons notre part du chemin les uns vers les autres, Guerzés, Peuls, Tomas, Sossos, Kissias et Maninkas, victimes ou descendants de victimes, anciens exécuteurs des hautes œuvres ou leurs descendants. C’est le passage obligé vers la réconciliation nationale, il sera semé d’embûches, n’en doutons pas. Ce ne sera pas le premier défi que la Guinée relèvera dans son Histoire. Confortée par sa fraternité séculaire, notre Guinée franchira le cap incontournable de l’alliance qui conduit à la consolidation de l’unité de la nation, une fois encore rassemblée, en concorde et en paix.

Dans ce processus de concertation et de réconciliation, une importance insigne sera accordée au pardon et à la réhabilitation des victimes. Une saine vague de restauration balayera ces violences, en s’achevant par une journée ou une semaine nationale de recueillement interreligieux et de prières œcuméniques dans tous nos lieux de culte à travers toute la République ; victimes et acteurs réunis, nous méditerons et offrirons au monde un modèle d’alliance nationale. Au cours de ces journées, les détenteurs de nos traditions pourront nous remémorer et raviver nos dynamiques positives : alliances matrimoniales inter « ethniques », cousinages multilingues, brassages intégrateurs, totems et parentés à plaisanterie…

Aux victimes, une place de choix

Ici, la réparation la plus légitimement attendue c’est la réhabilitation des victimes à quelque clan qu’elles aient appartenu, plus particulièrement de ceux et celles à qui la vie fut ôtée et ne sont plus de ce monde ni pour témoigner, ni pour pardonner ; leur mémoire doit impérativement être honorée afin que nous nous pardonnions les uns les autres et qu’enfin, la cohésion de la nation soit restaurée. Sans vraie réconciliation, il n’y a pas de chance de franc pardon ancré au fond du cœur.

Rien de plus noble pour la victime que de pardonner, même si l’on peut considérer, à juste raison, que le pardon ne prend tout son prix que quand il est sincèrement demandé. Il est vrai aussi que le pardon est un acte personnel qui ne peut être collectif. Demander le pardon grandit son auteur. Ne pas en attendre le vœu et tout aussitôt l’accorder élève encore plus. Et si le pardon n’était pas demandé, n’attendons jamais qu’il le soit. Pardonnons. Telle fut toujours notre attitude, nous qui avons déjà pardonné.

A notre humble avis, en Guinée, sont victimes tous ceux qui furent frappés d’injustice d’Etat ; ceux qui n’ont pas bénéficié de la présomption d’innocence ; ceux qui ont été jugés coupables sans avoir accès à une justice équitable ou à la justice tout court, à quoi tout citoyen peut prétendre ; ou qui, contraints et forcés, ont dû prendre le pathétique chemin de l’exil pour échapper à l’injustice, sans droit.

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