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COTE D’IVOIRE : une rencontre, une comédie

En ce mercredi 28 juillet, il n’est question que ça. De cette rencontre que l’on dit « historique » tenue ce mardi 27 juillet au palais de la présidence ivoirienne, entre l’ancien président Laurent Gbagbo et l’actuel dirigeant du pays, Alassane Dramane Ouattara. Elle est à la Une de tous les médias africains et même de ceux d’ailleurs. Ce qui en soi est compréhensible, au regard des rapports conflictuels que les deux et leurs camps respectifs ont entretenus les dix dernières années. Quand on se rappelle tout ce qui s’est passé dans ce pays voisin depuis la crise ivoirienne de 2010-2011, qui avait fait plus de 3000 morts, on peut être d’accord qu’avec la rencontre d’hier, la Côte d’Ivoire et ses responsables politiques reviennent de loin. Par contre, le lien que l’on établit ou que l’on tente d’établir entre cette rencontre (certes importante) et la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire, lui, n’est pas si évident. En tout cas, il n’est pas automatique, comme le laissent croire certains. Et s’ils ne le savent pas encore, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara devraient en prendre conscience. Autrement, tous deux sont partis pour servir à leurs compatriotes et au monde entier une autre imposture, une grosse comédie, comme seuls les politiques en ont le secret.

Deux individus peuvent-ils faire réconciliation nationale ?

Admettons-le tout net. Le président Ouattara et le président Gbagbo sont des acteurs majeurs de la scène politique ivoirienne d’aujourd’hui. Les deux réunis représentent certainement une frange importante de la population en Côte d’Ivoire. Pour autant, leur réconciliation à eux deux vaut-elle réconciliation nationale ? Voudrait-on nous faire croire que maintenant qu’Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo ne s’attaquent plus par médias interposés, les Ivoiriens seraient réconciliés comme par enchantement ? Bien sûr, les symboles ont leur importance. Mais pas au point de nous faire avaler une si grosse supercherie. Dans le meilleur des cas, on devrait parler de décrispation politique en perspective. Car même cette détente n’est pas nécessairement acquise, dans la mesure où il y a des raisons de penser que les deux camps ne se font pas suffisamment confiance encore. Mais à supposer que de part et d’autre, on surmonte les doutes et les appréhensions, la réconciliation nationale prendrait du temps à se traduire sur le terrain. Elle ne se décrète pas, mais s’instille via un processus qui se veut à la fois plus sérieux et plus inclusif. Supposer qu’il suffirait que les responsables politiques se congratulent en haut-lieu pour que la base, comme si elle dépendait mécaniquement de son leader, puisse suivre et oublier ses rancœurs et récriminations, est d’ailleurs la meilleure illustration du peu de respect que ces leaders ont pour leurs ouailles respectives. Alors que jadis, par leurs discours, ils ont poussé les Ivoiriens les uns contre les autres, ils voudraient que tout cela soit gommé d’un trait juste parce qu’ils se sont rencontrés. Quelle arrogance ! Quelle vanité !

Peut-on espérer une réconciliation sans justice ?  

On l’a dit plus haut. La crise ayant résulté du contentieux électoral de 2010 avait entrainé la mort de plus de 3000 Ivoiriens. Des victimes sur le dos desquelles on voudrait construire la réconciliation nationale. Car qui sait ce qui s’est réellement passé dans cette crise ? On sait juste que Laurent Gbagbo refusant la victoire annoncée de Alassane Ouattara s’est accroché au pouvoir. Mais sait-on qui a tué qui ? Qui a donné les ordres ? Dans l’un ou l’autre des camps, qui a acquis les armes et entretenu les troupes et avec quelles ressources financières ? Quelles sont les responsabilités respectives et personnelles de Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ? A toutes ces questions, aucune réponse. Ainsi donc, en Côte d’Ivoire, on veut aller à une réconciliation nationale alors que des milliers de citoyens ne savent pas qui a ôté la vie à leurs proches. Surtout, qu’on ne nous parle pas de la parodie de justice organisée par le camp Ouattara après que Gbagbo ait été transféré à la CPI. En effet, depuis quand le procès du vaincu par le vainqueur peut-il servir de baromètre ? D’ailleurs, si à l’issue de sa rencontre de ce mardi avec Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo a demandé la libération des autres membres de son camp politique, c’est parce qu’il part du principe que leurs condamnations n’étaient ni justes, ni méritées. Et à supposer que l’actuel président accède à cette requête, voudrait-on alors nous faire croire qu’il n’y a aucun responsable au drame humain et humanitaire que le pays a connu en 2010-2011 ? Voilà qui n’est pas très intelligent. Trois milles morts, d’un côté. Aucun responsable, de l’autre. Les politiques ivoiriens doivent avoir un incroyable talent ! Mais c’est un talent dont les militants politiques devraient tirer tous les enseignements.

Boubacar Sanso BARRY

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