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Les cauris, l’autre ‘’consultation…médicale’’

 

Dans bon nombre de pays africains, il n’y a pas que le médecin ou le psychologue que l’on consulte. Dans de nombreux cas, ces derniers subissent même une rude concurrence de la part des liseuses de cauris. Moins assumée certes, cette dernière consultation relève cependant d’une pratique très répandue dans nos sociétés où le rationnel côtoie allègrement les croyances des religions monothéistes, mais aussi celles ayant survécu au contact de l’Afrique avec le monde extérieur. Et pour mieux cerner le fonctionnement et le niveau de confiance dont jouissent les joueuses de cauris, notre rédaction a écouté avec une adepte de ce monde-là. Mariam Barry (nous l’appellerons ainsi) dit se fier davantage à une liseuse de cauris qu’à une ordonnance médicale.  Mais pourquoi donc ? Pour répondre à la question, elle a volontiers accepté de partager une expérience personnelle.

Les cauris et ses « immenses pouvoirs »

Des charlatans et autres Karamoko que l’on dit capables de prédire l’avenir, Mariam en a entendu parler. Elle a même eu affaire à quelques-uns d’entre eux. Mais depuis trois ans, elle voue sa confiance absolue en une seule. Cette dernière se trouve, non pas à Boké ou dans une quelconque contrée inaccessible du Fouta, de Siguiri ou de la Forêt. Hassanatou, c’est son nom, habite quelque part à Sonfonia. La première fois que Mariam est allée à sa rencontre, sur une recommandation express d’une amie, elle voulait juste savoir ce que l’avenir lui réservait. Contre quoi devait-elle se prémunir, telle était sa préoccupation ?  Convaincue qu’elle était déjà que les cauris ont des pouvoirs immenses comme celui de facilitation de l’obtention d’un visa, de consolidation d’un mariage ou de guérison d’une maladie.

Ceci étant, Mariam n’est pas la seule à relier ces incommensurables pouvoirs aux cauris. Ainsi, le jour même où elle est allée à la rencontre de Hassanatou pour la première fois, se renseignant auprès de jeunes réunis autour d’une théière, à quelques mètres du domicile de la joueuse de cauris, elle n’avait été que confortée par ce qu’on lui répondit.  En effet, les jeunes lui avaient déclaré que Hassanatou avait aidé beaucoup de leurs amis qui rêvaient émigrer en Europe ou aux États-Unis. « Le dernier cas en date concerne mon propre cousin qu’elle a aidé et qui a réussi à partir au Canada », lui avait textuellement confié un d’entre eux.  « Moi c’est tantie Hassanatou qui aidé à la guérison de ma mère. Celle-ci avait passé trois ans à chercher désespérément des remèdes à gauche et à droite », déclarait un autre.

Dopée par tous ces témoignages, elle hâte le pas et franchit un portail « noir » et se retrouve dans une cour pas très grande. A l’instar de ceux qui y étaient déjà, elle s’installe sur un banc et attend son tour. Il y avait une dizaine de femmes devant elle. « Des hommes, il y en avait trois ce jour », précise-t-elle. « D’une oreille indiscrète, j’ai été attirée par une conversation entre une mère et sa fille. Cette dernière semblait quelque peu perplexe quant aux capacités que l’on prêtait à Hassanatou. Mais sa maman, elle, était très convaincue. Au point qu’elle lui avait dit ‘’c’est grâce aux sacrifices qui m’ont été recommandés par Hassanatou que j’ai sauvé ton foyer, sinon ta coépouse t’aurait déjà mise à la porte’’ », rapporte Mariam.

« J’étais littéralement aveuglée par une fumée » 

Elle en était à écouter cet échange quand une cliente sortant de la chambre de Hassanatou l’invite à entrer à son tour. « Je me déchausse et entre. A peine que je mettais les pieds à l’intérieur, j’étais littéralement aveuglée par une fumée qui venait de je ne sais où … Au fond et à droite, était installée dame Hassanatou. Une cigarette à la bouche, elle sortait la fumée du nez et de la bouche. De la main, elle m’invite à m’asseoir à même la natte étalée devant elle et aussitôt lance un tas de cauris devant moi. De mon sac, je sors deux billets de 10.000 et suivant ses instructions, je formule mon vœu à voix basse et dépose les deux billets à côté des cauris » ? se rappelle-t-elle.

Hassanatou se saisit ensuite du tas de cauris qu’elle repartit en quatre petits tas. Sur chacun d’eux, elle répète plusieurs fois le nom de Mariam et sollicite des cauris qu’ils lui disent l’avenir qui attend cette dernière. Puis, lançant les cauris en l’air, elle se met psalmodier des mots inintelligibles pour Mariam. Et subitement, elle arrête tout et fixe vers Mariam un regard méchant. Cette dernière en est tout effrayée.  C’est en ce moment qu’arrive, sentencieuse, la première révélation : « Une personne de ta famille va mourir avant la fin de ce mois et tu iras au village pour l’enterrement ». Sans même se préoccuper de l’effet que son annonce glaciale avait fait sur sa cliente, elle s’en retourne à ses cauris, la cigarette toujours à la bouche. Et quand elle lève la tête, c’est pour annoncer à nouveau : « tu connaîtras bientôt des turbulences dans ton foyer ». En à peine 15 minutes, se souvient Mariam, « elle me brosse mon futur proche et lointain selon ses cauris. »

7 colas rouges, 7 colas blanches, 2 noix de coco, de la viande de chèvre, de la poudre de canon, du lait caillé, du to et des bougies, ce sont les sacrifices que Hassanatou lui recommande de faire. Le tout devait lui coûter entre 150.000 et 200.000 GNF. « Je sors de la chambre déboussolée par les révélations et étourdie par la fumée de sa cigarette. Il m’avait fallu prendre de l’air, car tout mon corps tremblait », explique Mariam Barry. Elle se réinstalle en effet sur le banc de dehors pour retrouver ses esprits. Cette fois encore, son attention est attirée par une discussion entre une femme relativement âgée et une interlocutrice plus jeune.

« Je connais Hassanatou depuis plus de 10 ans maintenant. En elle, j’ai une absolue confiance. J’ai six filles et quatre sont mariées.  Elle nous a aidées à faire le choix du meilleur prétendant pour chacune d’elles. Et aujourd’hui, elles sont toutes heureuses dans leurs foyers respectifs. Tout ce qu’elle m’a prédit est arrivé. Je ne fais rien sans la consulter au préalable, et je fais tous les sacrifices qu’elle me recommande. Tu ne vas pas regretter d’être venue », assurait la plus âgée à son interlocutrice.

« Les prédictions se sont réalisées à 90 »

Et on était au-delà de 16 heures quand Mariam se résout à repartir chez elle.

Trois jours après, elle s’était acquittée de tous les sacrifices.

Vous êtes sûrement curieux de savoir ce qu’il est advenu des prédictions de Hassanatou la concernant. « Elles se sont réalisées à 90 % », assure cette dernière. En effet, deux semaines après, elle perdait sa grand-mère et était de ce fait obligée de se rendre au village pour prendre part à l’enterrement. Puis, deux mois après, c’est son mariage qui se retrouvait en proie à de fortes agitations. « Les assises familiales n’ont rien arrangé. J’ai compris que si je croisais les bras, mon mariage volerait en éclats », raconte-t-elle.

Conséquence ? Mariam reprend le trajet de Sonfonia pour aller à nouveau consulter Hassanatou. Elle en revient avec comme recommandation de faire offrande de 1 kg d’oignons et 3 yaourts. « Je devais les donner à une femme qui n’a jamais divorcé, c’est tout ».  Comme par miracle, nous dit-elle, « la tempête dans mon foyer prit fin une semaine après ». Depuis, conclut-elle avec une fierté : « Hassanatou est mon ordonnance, même quand je suis malade je viens la consulter »

Témoignage recueillis et rendu par la rédaction

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