Hier mardi 14 décembre 2021, on en était à 100 jours depuis l’arrivée au pouvoir du Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD). En effet, le 05 septembre 2021, en fin de matinée, le colonel Mamadi Doumbouya a annoncé la prise du pouvoir après avoir « capturé » celui qui dirigeait la Guinée depuis 11 ans, Alpha Condé. Depuis, le patron du Groupement des forces spéciales et le comité qu’il a mis en place dirigent le pays avec une « douceur » rarement observée dans l’histoire de la Guinée.
Au cours des 100 premiers jours du chef du CNRD à la tête du pays, plusieurs actions posées par ce dernier ont été perçues au sein de l’opinion publique comme des « actions symboliques », « fortes » en termes de symbole. Ledjely.com vous propose de revenir sur les actes les plus « forts » pris par le colonel Mamadi Doumbouya depuis sa prise du pouvoir…
Le démantèlement des PA
L’une des toutes premières décisions prises par le tombeur d’Alpha Condé, au lendemain du coup d’Etat, a été le démantèlement des PA qui étaient installés depuis 2018, sur le long de la route le Prince, dans la commune de Ratoma, fief de Cellou Dalein Diallo. Ces unités mixtes (police, gendarmerie et armée) qui étaient postées aux différents carrefours de la route Le Prince avaient pour objectif, disait le régime d’alors, de maintenir « l’ordre » sur l’axe Hamdallaye-Kagbelein. Le Premier ministre de l’époque est devenu tristement « célèbre » en préférant « l’ordre à la loi ».
La libération des détenus politiques
Cette décision est certainement celle qui a le plus fait parler d’elle. La libération des opposants au régime d’Alpha Condé, le 07 septembre 2021, a été sans doute aussi bien accueillie au sein de la classe politique que chez les acteurs de la société civile. Pour s’être opposés à son régime, Alpha Condé avait pris la décision de mettre en prison plusieurs de ses adversaires politiques dont Ousmane Gaoual Diallo, de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Étienne Soropogui du mouvement Nos Valeurs Communes, Ismaël Condé, maire-adjoint de Matam et transfuge du RPG/Arc-en-ciel au profit de l’UFDG, Kéamou Bogolan Haba, porte-parole de l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (ANAD), Oumar Sylla « Foniké Mengué » du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC)… Hormis Foniké Mengué, tous ces désormais anciens détenus avaient soutenu Cellou Dalein Diallo, le principal opposant d’Alpha Condé, à la présidentielle du 18 octobre 2020.
Le recueillement au cimetière de Bambeto sur les tombes de victimes de manifestations politiques
C’est également un acte qui a séduit l’opinion publique, notamment les parents des victimes. Après Tanénè où il s’était recueilli sur la tombe du général Lansana Conté, et au centre islamique de la Camayenne, sur celle d’Ahmed Sékou Touré, respectivement deuxième et premier présidents de la Guinée, le colonel Mamadi Doumbouya, s’est rendu le 27 septembre au cimetière de Bambeto, où reposent plusieurs victimes des manifestations sociopolitiques durant la décennie de gouvernance d’Alpha Condé. Cette compassion envers les parents des victimes a été unanimement saluée par les médias et une bonne partie des citoyens, mais aussi par les organisations de défense des droits humains.
La réouverture des frontières fermées par Alpha Condé
La fermeture des frontières avec certains pays voisins de la Guinée est l’une des décisions d’Alpha Condé qui a impacté le plus négativement le quotidien des Guinéens au cours de la dernière année de sa gouvernance. En effet, dans la soirée du 18 septembre 2020, à quelques semaines de la présidentielle, Conakry avait fermé les frontières avec la Sierra Leone, la Guinée-Bissau et le Sénégal pour des raisons de « sécurité nationale ». Le maître de Sekhoutoureyah soupçonnait ces trois pays de soutenir son principal challenger, Cellou Dalein Diallo. Si en février 2021, la frontière avec la Sierra Leone fut rouverte après la signature d’une série d’accords de coopération entre Conakry et Freetown, celles avec la Guinée-Bissau et le Sénégal resteront fermées jusqu’à la chute de celui qui promettait d’être le « Mandela guinéen ».
Mais peu après sa prise « effective » du pouvoir, le colonel Mamadi Doumbouya a décidé de la réouverture « progressive » des frontières avec ces deux pays. Cette décision est devenue effective entre le 15 et le 24 septembre 2021.
La baisse du carburant
Au-delà de son caractère symbolique, cette dernière reste un acte fort pour le CNRD dirigé par le Colonel Doumbouya. A la suite d’un décret pris le 27 septembre dernier, le chef de la junte au pouvoir a revu à la baisse le prix des produits pétroliers à la pompe, passant de 11 000 à 10 000 GNF. Si l’impact de ce geste sur le quotidien n’a été que marginal, il y a que du point de vue du symbole, le nouvel homme fort du pays en a profité pour renvoyer de lui-même l’image d’un dirigeant qui se soucie des préoccupations de ses concitoyens. Et c’était une manière de se démarquer de son prédécesseur qui, quasiment un mois plus tôt, avait fait un choix inverse.
La levée des barrages et du couvre-feu
Là également, c’est une décision qui a été accueillie comme une bouffée d’oxygène par les citoyens. La levée de tous les barrages sur le territoire national — exceptés ceux des frontières terrestres — et du couvre-feu en vigueur depuis mars 2020 est un véritable allègement des mesures barrières contre la pandémie de la Covid-19 dont se servaient certains agents des forces de l’ordre pour violenter ou racketter les populations civiles. En outre, cette décision a permis à certains secteurs de fonctionner à plein régime, comme les bars, les boîtes de nuit, les restaurants, etc.
Nomination d’un gouvernement composé de civils
C’est une première en Guinée. Contrairement au Comité militaire pour le redressement national (CMRN) en avril 1984 ou encore au Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) en décembre 2008, le colonel Mamadi Doumbouya à la tête du CNRD a préféré confié la gestion du gouvernement à des civils. C’est dans cette optique qu’il a nommé, « sur proposition du Premier ministre Mohamed Béavogui », lui aussi, un civil qui a fait l’essentiel de sa carrière au sein des Nations-Unies », un gouvernement composé que de civils. Par ailleurs, le nouveau patron de la Guinée a préféré confié les affaires gouvernementales à des technocrates !
Mise à la retraite de 6300 fonctionnaires
Le 25 novembre dernier, le ministre de la Fonction publique et du Travail Julien Yombouno a rendu publique la liste de quelque 6 300 fonctionnaires qui doivent faire valoir leurs droits à la retraite à partir du 1er janvier 2022. A travers cet acte, le chef de la junte a décidé que ces fonctionnaires qui ont atteint l’âge de la retraite, cesseront d’exercer dans l’administration. D’ailleurs, le colonel Mamadi Doumbouya a clairement souligné que la mise à la retraite est un « processus ordinaire de la gestion des ressources humaines de la fonction publique ». Particulièrement appréciée des jeunes en quête d’emploi, cette décision a sonné comme la première étape du nécessaire assainissement de la Fonction publique. Ayant été précédée par d’autres vagues de retraites dans l’armée, à la police et à la douane, on y surtout vu un gage de courage qui permettrait à la junte de redresser le pays, comme elle le promet.
La création de la CRIEF
Le lundi 06 décembre 2021, le chef de la junte a créé la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). Cette juridiction aura pour but de lutter contre la délinquance financière, notamment les détournements de deniers publics. Dans un pays marqué par plusieurs décennies de détournements de fonds publics, les Guinéens ne peuvent que saluer cette décision. En espérant que la CRIEF mettra fin, en toute impartialité, à la délinquance économique qui mine l’administration publique guinéenne.
Ibrahima Kindi Barry