Dans un communiqué lu à la télévision nationale le 31 décembre dernier, l’ancien président guinéen, Alpha Condé renversé le 05 septembre dernier, a été autorisé par les autorités de la transition d’aller se faire soigner à l’étranger pour une période d’un mois. Une décision du CNRD qui, bien que saluée par les militants du parti RPG/Arc-en-ciel, éveille des inquiétudes chez les victimes du régime d’Alpha Condé qui aura régné sur la Guinée pendant onze longues années. En effet, des associations de victimes craignent que cette autorisation ne soit un moyen pour l’ancien président d’échapper à la justice, en cas d’inculpation.
Contacté au téléphone par un reporter du Djely, Mamady Kaba, président de la Ligue pour la démocratie et le droit en Afrique (LIDDA) s’est exprimé sur cette autorisation, ainsi que ses enjeux dans les relations du CNRD et la communauté internationale.
Tout d’abord, le président de la LIDDA a indiqué que c’est un droit absolu que le président Alpha Condé soit autorisé d’aller se faire soigner où il veut. « Quand il était président de la République, nous nous battions contre lui afin qu’il autorise des détenus à aller se faire soigner. Et nous avons condamné de toutes nos forces la mort de plusieurs personnes qui étaient en détention pour faute de soins. Et donc les droits sont les mêmes pour tous, y compris pour ceux à qui on reproche les crimes les plus graves. Reprocher quelque chose à un individu ne le prive pas ses droits », a-t-il souligné.
Alors que certaines associations des victimes de son régime expriment des doutes et des inquiétudes que cette sortie du pays accordée à l’ancien président Alpha Condé ne lui soit un échappatoire des poursuites judiciaires, Mamady Kaba, lui, insiste sur le fait que c’est pas la volonté des uns et des autres, qui prime mais plutôt les droits de chaque citoyen. « À partir du moment où Alpha Condé en a le droit, nos avis ne comptent pas. Le droit à la santé est un droit pour tous, y compris à ceux qu’on reproche les crimes plus graves », a rappelé le président de la LIDDA.
Le défenseur des droits de l’homme précise que l’ancien président guinéen n’est pas encore inculpé. « Il n’y a aucun juge qui l’a convoqué et même s’il était convoqué et que la nécessité de se faire soigner se présente, il doit être autorisé à aller se faire soigner. Même si Alpha Condé ne nous a pas écoutés lorsqu’il privait les mêmes droits aux détenus et prisonniers au cours de son règne, cela ne nous donne aucun droit de le priver aujourd’hui de ses droits », a-t-il martelé, invitant les victimes l’ancien maître de Conakry à faire confiance à la justice, en la saisissant sur les crimes commis, afin qu’elle « recherche les coupables et les sanctionner conformément à nos lois ».
Parlant des conséquences que cette décision pourrait apporter dans les relations entre la junte militaire dirigée par le colonel Doumbouya et la communauté internationale, notamment la CEDEAO qui faisait d’ailleurs de ce point, l’une de ses priorités, Mamady Kaba estime que cette action ira dans le sens d’améliorer ces relations. Pour lui, ce geste fera plaisir particulièrement aux défenseurs des droits de l’homme guinéens et étrangers. « Ça va accroître la légitimité du CNRD à cause de la perception qu’on aura de son respect des droits humains. Les droits du président Alpha Condé sont inaliénables et imprescriptibles. Si le CNRD n’avait pas respecté ses droits, nous allions lui en réclamer », a conclu l’ancien président de l’Institution nationale des droits de l’homme (INIDH).
Aliou Nasterlin