La France est-elle derrière les sanctions que la CEDEAO vient d’infliger au Mali? C’est en tout cas la ligne de défense derrière laquelle s’abritent la junte malienne et ses soutiens. Pour notre part, nous avons posé la question à Dr. Issaka Souaré, Consultant/expert international sur les questions de paix, de médiation et de gouvernance. Dans un contexte où le sol malien fait en outre office de terrain de bataille entre puissances étrangères, l’expert s’est également prononcé sur l’opportunité que la Russie pourrait offrir à la junte malienne en cette période où cette dernière est en brouille avec l’organisation sous-régionale.
De quelle manière la CEDEAO peut-elle faire plier la junte malienne avec les sanctions qu’elle a adoptées le dimanche dernier ?
La CEDEAO peut passer par divers canaux, directs ou indirects pour faire appliquer les sanctions contre le Mali. Le premier de ces canaux, ce sont les Etats membres de la CEDEAO, parce que ce sont les chefs d’Etat de ces différents pays qui ont adopté ces sanctions. Par exemple, demander à leurs ambassadeurs de quitter le Mali. Deuxièmement, c’est de s’associer avec d’autres organisations, c’est par exemple ce qu’ils ont fait en amenant la BCEAO et l’UEMOA à s’aligner sur les sanctions, surtout en ce qui concerne le gel des comptes de l’Etat malien. Parce que la CEDEAO ne dispose pas d’une banque centrale. C’est ce qui s’est passé en avril 2012 lors du coup d’Etat contre Amadou Toumany Touré, et c’est ce qui avait fait plier le Mali. Est-ce que ça aura le même effet cette fois ? C’est à voir, vu que le pays n’est pas à sa première expérience.
Avec le sentiment anti-français qui prévaut aujourd’hui au Mali, ces sanctions ne risquent-elles pas de produire l’effet inverse à celui recherché ?
Les Maliens ont mis l’accent sur ça. Ils voient un alignement entre la position de la CEDEAO et celle de la France. C’est vrai que les autorités maliennes ne sont pas en bons termes avec les Français. Je pense qu’il y a un apparent manque de cohérence dans la position française, en ce sens que sur le Tchad, la France s’est montrée accommodante, alors que sur le Mali, la France se montre plutôt intransigeante. Mais au-delà de ça, je pense que cette position de la CEDEAO est alignée sur les principes de l’organisation régionale. Alors, dire qu’il y a la France dernière ces sanctions, ce serait peut-être trop dire. Mais on peut néanmoins parler d’une alliance de circonstance. La France s’alignerait volontiers avec la CEDEAO, si l’organisation est en harmonie avec ce que la France veut. Est-ce que cela va compliquer les choses ou augmenter le sentiment anti-français ? Je pense que ce sentiment est déjà au Mali, cela ne date pas d’aujourd’hui.
La Russie dont on dit qu’elle entretient désormais de très bonnes relations avec la junte du colonel Assimi Goïta, n’offre-t-elle pas au Mali l’opportunité de se soustraite de ces sanctions ?
Se soustraire ? Je ne suis pas sûr. Il faut voir le type de sanctions qui sont imposées. Est-ce que la Russie a des pièces de rechange contre ces mesures ? Quand on gèle les avoirs de l’Etat malien à la BCEAO, je vois mal comment la Russie peut remplacer cela. Là où la Russie pourrait être utile, c’est dans le déploiement des forces militaires. En conclusion, je pense que la Russie peut aider les autorités de transition sur certains points, mais pas sur l’ensemble des points.
Asmaou Diallo/Mariama Ciré Diallo