L’amélioration de la connectivité et la rapidité du taux de pénétration de l’Internet en Afrique favorisent la multiplication des plateformes d’e-commerce sur le continent. Ce marché émergent que les géants du e-commerce étudient avec intérêt sans vraiment s’y risquer encore, croît lentement, mais surement. Selon un rapport de Statista, il a généré un revenu de 16,5 milliards de dollars en 2017 et devrait atteindre 29 milliards de dollars en 2022 puis 75 milliards de dollars en 2025, selon le cabinet McKinsey.
Les obstacles tels que la fracture numérique, le fort taux d’analphabétisme, la faible bancarisation, la non généralisation des adresses physiques, des infrastructures routières propres aux contextes locaux et une cybercriminalité rampante, loin de freiner l’essor du commerce électronique, favorisent la création de nouvelles manières de commercer en ligne et de nouveaux produits et services qui inspirent le reste du monde.
Ainsi, les questions suivantes sont soit ignorées soit peu développées : Les transactions électroniques (notamment pas mobile money); Le contrat électronique; La signature électronique ; La preuve électronique ; La sécurité des échanges électroniques ; La protection des données à caractère personnel des consommateurs ; La sécurité des systèmes de paiement ; La cybercriminalité; La protection du consommateur ; La coexistence de procédures matérialisées et de procédures dématérialisées ; L’application des techniques électroniques aux actes commerciaux ; La question de la résolution des litiges.
En vertu des dispositions de la loi L/2015/018/AN relative à la règlementation générale des Postes et Télécommunications, l’Autorité de régulation des Postes et Télécommunications (ARPT) est chargée, entre autres, de « suivre l’évolution du marché et de mettre à la disposition des Autorités gouvernementales et des acteurs des secteurs régulés, des informations pertinentes relatives notamment à la performance des opérateurs ». C’est dans ce cadre que l’ARPT a en son sein, un Observatoire de marché des Télécommunications qui lui permet de suivre, d’analyser et de présenter régulièrement les évolutions enregistrées dans le secteur des Télécommunications en Guinée.
Extraits du rapport 2020 : Revenu Global des Opérateurs de téléphonie mobile en milliards GNF
ANNEES REVENU ANNUEL DECLARE en 2016 : 3 569 ; en 2017 : 4 173 ; en 2018 : 4 474 ; en 2019 : 5335 ; en 2020 : 5458
Le revenu global déclaré par les Opérateurs de téléphonie mobile en 2020 est de 5 458 milliards de Francs Guinéens contre 5 335 milliards en 2019, soit une croissance de 2%. Comme indiqué dans le tableau ci-dessus, depuis 2016 cet indicateur est en progression annuelle.
Au titre de l’année 2020, les taux de pénétration de la téléphonie mobile et de l’Internet sont respectivement à 114% et à 48%. Comparativement à l’année précédente, ces indicateurs ont enregistré une hausse de 9 points chacun.
Le nombre d’abonnés de la téléphonie mobile en fin 2020 est de 14,411 millions contre 12,910 millions en fin 2019, soit une hausse de 11,6%.
En ce qui concerne le nombre d’abonnés Internet, cet indicateur s’élève à 6,092 millions en 2020 contre 4,815 millions en 2019, soit une progression de 26,5%.
Au titre de l’année 2020, l’opérateur Orange a enregistré la plus grande part de marché utilisateurs, soit 59%. Il est suivi de MTN et de Cellcom avec les parts respectives de 30% et 11%
En ce qui concerne le post payé, Orange a enregistré 67% de part de marché, suivi de MTN avec 20% et de Cellcom avec 13%.
Le nombre d’abonnés de la téléphonie mobile prépayé et post payé sont respectivement de 14,331 millions et 79,902 mille en fin 2020 contre 12,840 millions et 70,009 mille l’année précédente, soit des progressions respectives de 11,6% et de 14,1%
Le nombre d’utilisateurs Internet est de 6,092 millions en fin 2020 avec des parts de marché respectives de 49%, 35% et 16% pour Orange, MTN et Cellcom. Par rapport à l’année précédente, il y a lieu de signaler une baisse de part de marché d’environ 5 points pour Orange, de 4 points pour MTN et une hausse de 9 points pour Cellcom.
Le service Mobile money est disponible avec les opérateurs MTN et Orange. Globalement, le nombre d’utilisateurs de ce service ayant un compte actif en Décembre 2020 est de 2,435 millions avec 67% d’utilisateurs pour Orange et 33% pour MTN. Comparativement à 2019, le nombre d’utilisateurs du mobile money a augmenté de 19,4%.
LA LOI SUR LES TRANSACTIONS ÉLECTRONIQUES
La régulation des transactions électroniques est une mission d’encadrement à travers laquelle l’Etat décide d’assurer le fonctionnement correct, le rythme régulier du mécanisme ainsi que le développement de l’activité et du processus de réglementation des activités des acteurs seront dorénavant encadrés par l’ARPT. Ce, conformément aux dispositions contenues dans la Loi du 28 juillet 2016 régissant les transactions électroniques en Guinée et dans le décret du 09 décembre 2021.
L’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT) devient l’organe en charge du recouvrement des redevances issues des transactions électroniques des entreprises et établissements dont les flux sont les suivants :
- Mobile Money
- Mobile Banking
- Payements électroniques
- Cartes monétiques
- Commerce électronique
- Transaction bancaire en ligne
‘’Ces redevances devront être collectées sur les flux générés par les opérateurs. Pour y parvenir, l’adoption des textes règlementaires est indispensable pour parachever la reforme initiée. La signature d’un Arrêté conjoint fixant les redevances des transactions électroniques va conférer à l’ARPT le pouvoir d’action pour collecter les redevances issues de ces activités qui échappent au contrôle de l’Etat depuis 5 ans’’, a déroulé Karamo Kaba.
La fiscalité du secteur des télécommunications
Pour avoir une idée de la proportion à laquelle l’État prélève différentes redevances en fonction des revenus engrangés dans différents segments par les opérateurs, nous avons consulté et analysé le dernier rapport de la Global System for Mobile Communications (GSMA), une association internationale regroupant les professionnels de l’ensemble de l’écosystème mondial de la téléphonie. La GSMA représente les intérêts de plus de 750 opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile de 220 pays du monde auquel s’ajoutent 400 autres entreprises de la sphère de la téléphonie mobile plus large, qui sont membres associés. Pour donner une idée de la stature de l’association.
En 2020, la GSMA a produit son dernier rapport sur l’état des lieux de la fiscalité du secteur de la téléphonie en Guinée sur la base des impôts et redevances récurrents payés par le secteur mobile en 2020. Alors, il est important d’ores et déjà de préciser que les impôts retenus à la source et les paiements uniques, tels que les licences d’accès (2G, 3G et 4G), sont exclus de la contribution fiscale totale, selon la méthodologie de la GSMA, qui concilie exclusivement la contribution fiscale totale du secteur mobile qui est la somme des paiements réalisés par les opérateurs mobiles (Cellcom, MTN et Orange) pour les impôts et les redevances annuels. La GSMA précise, par ailleurs, que bien que les impôts retenus à la source soient exclus de la contribution fiscale totale du secteur mobile, il est important de noter que ceux-ci représentent une charge administrative pour les opérateurs mobiles.
Selon le rapport GSMA 2020, le chiffre d’affaires total du secteur mobile s’élevait, en 2020, à 4.731 milliards GNF (505 millions $) en 2020, ce qui correspond à 3,3% du PIB de la Guinée tandis que la contribution fiscale totale du secteur mobile guinéen est estimée à 3.037 milliards GNF (324 millions $) en 2020, ce qui représente 64% du chiffre d’affaires total du secteur mobile. Lorsque les impôts retenus à la source sont également pris en compte, la contribution fiscale du secteur mobile augmente à 68% du chiffre d’affaires.
Selon la GSMA, le constat est sans appel. La contribution fiscale du secteur mobile est très élevée et disproportionnée par rapport à son poids dans l’économie guinéenne. En effet, note le rapport, alors que le chiffre d’affaires du secteur représentait 3,3% du PIB de la Guinée, les impôts et redevances perçues sur la téléphonie mobile représentaient près de 18% des recettes fiscales totales de l’État. Arrivant à la conclusion que la contribution fiscale du secteur mobile est donc cinq fois plus élevée que son poids dans l’économie. Ce qui semble excessif en terme de pression fiscale. Car ainsi, relève la GSMA, la charge fiscale du secteur mobile en Guinée (64% du chiffre d’affaires) est la plus élevée au niveau mondial et plus du double de la moyenne d’Afrique sub-saharienne (26%).
Le rapport précise que plus de la moitié de la charge fiscale est constituée par des impôts et redevances spécifiques au secteur mobile (38% du chiffre d’affaires). Ceux-ci s’ajoutent aux impôts et redevances généraux, applicables à l’ensemble des secteurs de l’économie (26% du chiffre d’affaires). Les opérateurs mobiles supportent, selon le rapport, près de la moitié de la charge fiscale (43%), tandis que les consommateurs paient les 57% restants.
En 2020, précise la GSMA, la contribution fiscale du secteur mobile représentait 18% des recettes fiscales du pays (324,72 sur 1.804 millions $). La catégorie des droits d’assises représente la plus grande part (35%) de la contribution fiscale suivie par la TVA nette (22%) et la catégorie des impôts sur les sociétés (14%). Seuls cinq impôts, dont trois sont spécifiques au secteur mobile, représentent 80% de la charge fiscale totale du secteur : taxe sur la consommation téléphonique – TCT (29%), taxe sur la valeur ajoutée – TVA (22%), l’impôt sur les sociétés (14%), la redevance sur les faisceaux hertziens (9%) et la surtaxe sur les appels internationaux entrants (6%).
A la fin, qui paie ?
Après l’analyse comparative des deux rapports, l’un portant sur les revenus des opérateurs de téléphonie et l’autre sur les revenus fiscaux engrangés par l’État, on pourrait vite être tenté de trouver un coupable en l’un ou l’autre. Mais cela ne semble pas aussi simple qu’il n’y paraît, puisque chacune des deux entités tirent au maximum profit de la croissance soutenu d’un secteur en permanente progression, et les consommateurs en payent le plus lourd tribut de ce mano à mano fiscal (57 % des charges fiscales sont payées par les consommateurs selon la GSMA). Tandis que l’État guinéen à travers le régulateur, l’APRT, s’évertue, sans en tenir compte, pour tirer profit au maximum de l’assiette fiscale dans le secteur de la téléphonie, en s’appuyant notamment sur les chiffres de la croissance soutenue du chiffre d’affaires des opérateurs, malgré la pression fiscale déjà insupportable. Orange Guinée tenterait-il alors de sauver les meubles, ou plutôt ses prévisions financières pour maintenir son niveau de croissance ou de ses revenus ?
Au finish, ce sont les consommateurs qui, d’une manière ou d’une autre, payent la facture de cette inversion de rôles.
Mohamed CAMARA Associé Gérant Cabinet Conseil MOCAM CONSULTING