Alors que six pays africains viennent de bénéficier d’un transfert de technologies ARN pour la production des vaccins, des questions se posent quant à leur commercialisation et à la question de la propriété intellectuelle aussi bien du côté africain qu’européen.
« Nous ne pouvons pas continuer à consommer des contre-mesures médicales pour des maladies et des vaccins qui ne sont pas accessibles sur le continent », s’est indigné Cyril Ramaphosa, le président de l’Afrique du Sud.
En conférence de presse ce vendredi matin pour l’annonce des six pays qui bénéficient de hubs pour le transfert des technologies ARN, il a largement insisté sur les barrières qui pourraient survenir dans d’autres pays pour l’opérationnalisation complète de l’ARN Messager, un processus déjà dérangé en Afrique du Sud par un certain nombre de barrières en matière de droits de propriété intellectuelle. « Il y a un certain nombre de défis eux même liés à la propriété intellectuelle, à savoir l’échec de transférer des technologies aux hubs par le biais de licences et de brevets non exclusifs pour produire et exporter, ainsi que de distribuer les vaccins contre la Covid-19 à faible et moyen revenu. C’est notamment par le biais de la facilité COVAX. L’absence d’un marché pour des vaccins produits en Afrique est quelque chose qui devrait nous préoccuper. Les organisations telles que COVAX GAVI doivent s’engager à acheter des vaccins de fabricants locaux. Ces organisations doivent s’engager à acheter des vaccins produits par des hubs locaux une fois qu’ils seront opérationnels », a déclaré le président sud-africain.
Revenant sur la clause de non responsabilité qui dédouane de toute responsabilité les entreprises fabricantes au cas où leurs produits présenteraient des effets indésirables sur le long terme, il a fait savoir qu’une fois approuvé, il garantira la liberté pour les entités d’utiliser leurs capacité et de fournir des plateformes afin d’améliorer le processus. « Les gouvernements qui disent qu’ils sont sérieux lorsqu’ils disent qu’ils souhaitent s’assurer que l’ensembles des gouvernements et des pays de ce monde aient accès au vaccin doivent s’assurer que nous approuverons cette clause de responsabilité. Nous ne pouvons pas courir derrière les droits de propriété intellectuelle et essayer de garantir la rentabilité des fabricants initiaux. Nous ne pouvons pas accepter que l’Afrique soit systématiquement en queue de peloton lorsque l’on parle de l’accès aux médicaments. Nous apprécions les dons mais les dons ne sont pas une manière durable de renforcer notre résilience. Nous acceptons cependant les dons qui ont été faits. Ce n’est pas durable, cela ne nous aide pas à surmonter les obstacles. Nous devons franchir ces obstacles ensemble, montrer au monde que l’Afrique a la capacité, les scientifiques et les compétences requises, nécessaires pour produire des vaccins, des médicaments afin de gérer notre propre santé », a-t-il tenu à faire entendre.
Partageant cet avis, Macky Sall, le président du Sénégal, a déclaré la nécessité pour les Etats et organisations d’acheter des vaccins produits en Afrique, pour offrir des contrats aux nouveaux laboratoires et instituts africains de façon à ce que le vaccin produit en Afrique ne soit pas abandonné parce qu’il y aura d’autres parties du monde qui produiront des vaccins beaucoup moins chers. « C’est un vrai challenge et je souhaite que l’aspect achat de vaccins produits, au-delà du transfert de technologies et bien sûr après la question des licences et droits de propriété pourront suivre. Mais je crois que l’urgence doit être de faire ce transfert, de mutualiser nos efforts et l’OMS surtout pour la régulation et la mise en œuvre immédiate de l’Agence africaine de médicament avec le soutien de CDC Africa », a-t-il appuyé.
Elisabeth Zézé Guilavogui