De l’élection présidentielle du samedi dernier au Ghana, ce n’est pas tant la victoire du candidat de l’opposition, John Dramani Mahama, qu’il convient de retenir. Tant cette victoire était quelque peu attendue, au vu du bilan économique peu élogieux du dernier mandat du président-sortant, Nana Akufo Ado. Ce n’est pas non plus l’alternance en tant que telle qu’on peut retenir comme un événement dans un pays qui en totalise désormais huit en seulement 32 ans. Le fait marquant de cette élection, c’est l’élégance dont le candidat malheureux, Mahamudu Mawumia, a fait montre en se précipitant pour annoncer sa défaite, à la suite du message de félicitation qu’il venait d’adresser au vainqueur via un appel téléphonique. Avec cette reconnaissance annoncée alors qu’aucun organe officiel n’avait encore rendu publics les résultats du scrutin, le candidat du Nouveau parti patriotique (NPP), tout en évitant à son pays des tensions inutiles, participe sans doute à la consolidation et à l’ancrage de la culture démocratique au Ghana.
Mahamudu Mawumia, un perdant bien singulier
Il est vrai que le Ghana relève de ces rares pays africains qui aident à nuancer l’image du continent africain trop souvent confondu avec des élections suivies de contestations violentes. Cependant, les élections générales du samedi dernier ancrent davantage l’exception du pays. D’abord, avec cette élégance dont a fait montre le candidat malheureux, en reconnaissant très tôt sa défaite. Un choix qu’il explique par le souci d’éviter à son pays des tensions qui tendraient à faire fuir des investisseurs, alors même que le Ghana en a cruellement besoin. Cette façon de penser est en soi quelque chose de très rare sous nos tropiques. Dans bien d’autres pays du continent, les perdants ont davantage tendance à recourir à la mauvaise foi. Même quand leur défaite est d’une évidence qui crève l’œil, certains candidats, incapables d’admettre l’implacable réalité, s’accrochent à de pseudo-résultats au risque de faire peser à leur pays des menaces d’implosion. S’ils ne font pas pire encore, en se disant victimes d’un complot ethnique dont les véritables manœuvriers seraient de mèche avec l’ancienne puissance coloniale. Une façon de mêler ethnicisme et impérialisme et de créer ainsi un cocktail suffisamment explosif. Au Ghana, le candidat du NPP n’est pas un politicien qui se laisse aller sur ces terrains nuisibles pour son pays. Tout au contraire, c’est un leader qui intègre que même en perdant une élection, on se doit de demeurer patriote.
Pas de période de grâce
L’autre fait marquant de cette élection ghanéenne, c’est le retour au pouvoir de John Dramani Mahama. Un retour qui sonne comme la rançon de la persévérance et du refus de céder au découragement. En effet, depuis son départ du pouvoir, en 2017, le candidat du NDC a échoué à deux reprises, avant de voir cette troisième tentative se solder par cette victoire. C’est donc le prix de la constance. Et à 66 ans, il aura le loisir de démontrer que toute cette énergie qu’il déploie n’est pas à des fins personnelles. Que sa conception du pouvoir n’est pas d’en jouir, mais de s’en servir comme un levier pour faire face aux préoccupations de ses compatriotes et réaliser leurs légitimes aspirations. Héritant d’un pays en proie à une crise économique sans précédent, il devra s’atteler à maîtriser en particulier la flambée des prix sur le marché. Il devra également s’attaquer au mal de la corruption et à la problématique du chômage des jeunes. C’est dire qu’il n’aura pas, en tant que telle, de période de grâce. Tout de suite, il devra se mettre à la tâche. Après tout, n’est-ce pas ce qu’on attend de lui ?
Boubacar Sanso Barry
