Le thé « Ataya» n’est pas qu’une boisson à Conakry, il est un art de vivre, une échappatoire. Dans les rues vibrantes de la capitale guinéenne, des groupes de jeunes se rassemblent autour de l’« Ataya », cette boisson aux arômes puissants qui, au-delà de ses vertus stimulantes, tisse des liens et reflète les réalités économiques profondes du pays.
Consommé à Conakry, plus globalement en Guinée, depuis des décennies, le thé communément appelé « Ataya », est devenu un rituel très symbolique des Conakryka. Attraction dans les foyers, restos et lieux de palabre, ce produit importé de la Chine en général, a fini de s’imposer dans le quotidien des citoyens. Ces moments partagés autour d’une théière appelée « brada » sur un pétrin fourneau à charbon ne sont pas anodins : ils symbolisent à la fois une quête de détente et une réponse collective à l’incertitude quotidienne.
Mamadou Samba Barry, conducteur de moto-taxi, résume bien cet attachement au rituel du thé. Après une longue journée de travail, il ne cherche pas seulement à se détendre, mais à retrouver un équilibre intérieur grâce à l’«Ataya ». « D’habitude, quand je reviens, j’ai envie de boire le thé pour me mettre à l’aise. Ça me rend très content et je peux bien dormir la nuit », témoigne-t-il. Pour lui, le thé est une transition nécessaire entre l’épuisement du jour et le repos bien mérité de la nuit.
Mais le thé, à Conakry, est aussi un aliment de renforcement des liens sociaux. Amadou Justin Bandja, un habitué, témoigne de cette capacité qu’a le thé « Ataya » à rassembler, même dans l’inactivité. « Parfois, nous nous asseyons avec des amis sans rien faire. Alors, on prépare du thé pour passer le temps. Une fois que tu commences à le préparer, les amis viennent un à un », raconte-t-il. Le thé devient alors un prétexte pour se réunir, un moyen simple et accessible de créer des liens dans une société marquée par le chômage et les difficultés économiques.
Cependant, derrière ce plaisir partagé se cachent des risques pour la santé. Mamadou Hady Diallo, infirmier, rappelle que la consommation excessive du thé vert n’est pas sans conséquences. S’il procure énergie et vitalité, il peut aussi, à long terme, entraîner des problèmes comme l’hypertension ou la gastrite. « Le thé, quand tu en abuses, peut te créer la tension artérielle ou des gastrites », avertit-il. Ces effets secondaires sont d’autant plus préoccupants que beaucoup ignorent ces dangers, préférant voir dans l’«Ataya» une solution à leur quotidien stressant.
Le phénomène de la consommation du thé, surtout chez les jeunes, va au-delà d’un simple plaisir gustatif. Il témoigne d’une réalité économique amère : le chômage, omniprésent en Guinée, pousse cette jeunesse désœuvrée à combler ses journées par ce rituel. Pour beaucoup, le thé devient une échappatoire, un moyen de lutter contre l’ennui et de trouver un peu de réconfort dans une société où les opportunités sont rares.
Il est urgent que l’État prenne conscience de cette situation. Derrière l’apparente banalité de ces rassemblements autour du thé se cache une véritable crise sociale et économique. Des solutions doivent être apportées pour offrir aux jeunes des alternatives à cette routine qui, bien que conviviale, reflète une détresse plus profonde.
Thierno Amadou Diallo
