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Fact-checking et IA : l’alliance stratégique selon Ndeye Fatou Ndiery Diagne (Interview)

Journaliste web au quotidien Le Soleil et co-animatrice de la rubrique Soleil Check, Ndeye Fatou Diery Diagne s’impose comme l’une des figures montantes du fact-checking au Sénégal. Forte d’une formation certifiante de trois ans, elle est aussi chargée de communication à la Convention des jeunes reporters. Le 27 mai 2025, elle était à Conakry pour la Rencontre des Journalistes Africains de Conakry (REJAC), qui a réuni des professionnels venus du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée. Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction, elle revient avec passion sur son parcours, les défis de la lutte contre la désinformation et l’apport de l’intelligence artificielle dans le journalisme d’aujourd’hui.

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Ledjely.com : à quel moment vous êtes-vous intéressée au fact-checking et pourquoi ?

Ndeye Fatou Diery Diagne : Je suis fact-checkeuse depuis 5 ans. Donc, ça a d’abord été un module à l’école, je l’ai étudié en 3ᵉ année au CESTI. Et puis par la suite, avec un collègue, nous avons soumis notre dossier pour faire partie d’une cohorte de formation de Canada France Internationale (CFI). C’était une formation de 3 ans sur le fact-checking, avec la vérification des faits.

Donc, après ces 3 ans de formation, nous avons mis en place notre projet de vérification avec l’arrivée d’un nouveau directeur général. Donc voilà, globalement depuis 5 ans, nous vérifions des faits et j’ai même eu à gagner un prix de vérification.

Selon vous, quels sont les défis liés aujourd’hui au journalisme et à la vérification des faits ?

Alors, il y a le défi un peu de la manipulation, parce qu’en fait ça reste quand même un défi. Défi aussi de l’intégrité de l’information, de l’accès à l’information même, je pense que ça c’est même le premier défi. Parce qu’avant même de parler de manipulation et d’intégrité, d’abord avoir accès aux données, accès à l’information.

Mais aussi quand on parle d’accès à l’information, on va faire intervenir tout ce qui est défi, tout ce qui est manipulation, tout ce qui est désinformation. Un peu le rôle des sources officielles comme non officielles aussi dans la désinformation.

Donc il y a beaucoup de défis et il y a aussi le défi aujourd’hui des moyens, parce que pour faire du fact-checking, il faut des moyens non seulement économiques, mais aussi être, disons, dans un contexte favorable un peu à la vérification. Donc quand on est dans un contexte qui n’est pas trop favorable à la vérification, là aussi ça reste un défi qui va même au-delà et devenir un défi même sécuritaire par rapport à l’intégrité de la personne.

En tant que fact-checkeuse, est-ce que l’intelligence artificielle est-elle atout ?

Oui, moi j’utilise l’intelligence artificielle dans mon travail de vérification de tous les jours. Parce que, par exemple, lorsque je dois faire le poids sur les différents posts (publications) qu’il y a eu à véhiculer ou à distiller une fake news, je pose la question à GROK, c’est une IA qui est aujourd’hui disponible sur X. Donc je lui pose la question et GROK me fait le poids de tous les comptes qui ont parlé de cette fake news.

Là j’utilise aussi ChatGPT parfois pour comprendre certaines dénominations. J’utilise aussi d’autres outils parce que même mes outils de montage ont intégré beaucoup de fonctionnalités IA. Donc là, moi je l’utilise, l’IA c’est mon assistant.

L’IA, certes, elle contribue à fabriquer des fausses informations parce que les désinformateurs s’appuient beaucoup sur l’IA pour faire de la désinformation. Mais moi aussi je m’appuie beaucoup dessus pour faire mon travail de vérification.

C’est dire que l’IA a bien des avantages dans le cadre du travail journalistique ?

Les avantages de l’IA, je l’ai dit tout à l’heure, quand on l’utilise comme assistant, elle peut automatiser plusieurs tâches. Comme de cet entretien par exemple qu’on est en train de faire, vous pouvez donner ça à l’IA. Il va vous sortir le texte, tout ce que j’ai dit. Voilà, ça va faire économiser au moins deux heures de votre temps.

Ça permet aussi d’automatiser d’autres tâches comme l’organisation de son travail. Elle peut vous dire ce que vous devez faire cette journée, ce que vous aviez prévu de faire. Aussi, quand vous montez une vidéo, l’IA peut vous faire le sous-titrage automatique.

Mais tout de même, il doit y a voir des risques non  ?

J’avoue qu’en concerne l’IA, je n’aime pas trop parler des risques. J’aime utiliser le terme défi. Le défi aujourd’hui c’est que l’IA supplante le travail de journaliste, c’est-à-dire ce que nous faisons. Il ne faut pas lui faire confiance à 100 %.

Même quand l’IA vous donne une info ou bien vous résume l’actualité, il faut toujours le temps de revérifier. Donc moi j’insiste sur le fait que l’IA doit être notre assistant. Automatiser les tâches que nous devons faire, mais pas les faire à notre place.

Et même quand elle vous soumet un article ou quand elle vous soumet, elle, sa proposition, il faut toujours vérifier, réécrire, prendre le temps de comprendre aussi ce que vous avez sur vous.

Qu’est-ce que vous pouvez dire aux personnes qui pensent qu’il faut rejeter l’IA ou bien que l’IA peut remplacer l’humain ?

Je leur dis qu’ils n’ont pas compris parce qu’on ne peut pas revenir dans un monde sans l’intelligence artificielle. C’est impossible, on ne peut pas revenir dans un monde sans Internet.

Autant il y a eu Internet, les journalistes se sont plus ou moins mis à jour. Avec l’intelligence artificielle, on doit très tôt apprivoiser cette chose qu’il y a, la comprendre et la mettre aussi sous notre responsabilité, voir les opportunités qu’elle nous offre en tant que journaliste. Parce que les architectes, les décorateurs d’intérieur, ils utilisent l’intelligence artificielle dans leur travail mais ce ne sont pas les mêmes usages que nous, journalistes, allons en faire.

Donc c’est à nous maintenant de voir quelles sont les opportunités de l’IA qui se présentent à nous en tant que journaliste. Et cela ne doit pas dépasser l’automatisation de ce que nous devons faire. Je me répète, l’intelligence artificielle ne doit pas écrire des articles pour toi en tant que journaliste plutôt mais il doit te suggérer, ou bien quand tu corriges ton texte, tu lui suggères de te montrer les parties soit les erreurs ou les fautes de grammaire et de conjugaison.

C’est ça en fait, les opportunités que l’IA peut offrir aux journalistes en plus de ce que j’ai dit tout à l’heure, le sous-titrage automatique en plus de pouvoir te suggérer les actualités intéressantes à travers le monde. Donc vraiment, il faut juste qu’on se mette à jour.

L’utilisation de l’IA nécessite-t-elle une formation particulière ? 

Oui, il faut quand même des formations. Je pense que même la formation des formateurs, c’est-à-dire aujourd’hui, en tant que journaliste, moi je dois m’imprégner mais aussi ceux qui doivent me former doivent aussi être imprégnés. Donc il faut vraiment des formations, mais non ce ne sont pas des formations diplômantes comme aller à l’université, non.

Ce sont des formations certifiantes, on peut même suivre des cours en ligne, télécharger des guides, des manuels, relire de temps en temps, mais aussi beaucoup de pratiques. Parce que l’IA aussi ce sont des pratiques, plus tu t’entraînes, mieux tu t’améliores et mêmes tu améliores l’outil IA que tu utilises. Moi par exemple actuellement avec Chat Gpt , il connaît un peu mon profil donc à chaque fois que je lui soumets une requête il sait qu’il va me répondre en fonction de mon profil de fact-checker. C’est aussi important de s’entraîner.

Interview réalisée par Thierno Amadou Diallo

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